Extraits

Je n’avais jamais vu Jamie me prendre en photo. Je m’en serais souvenu. Pourtant, il n’y avait aucun doute, c’était bien moi là, en une multitude d’exemplaires. Sur ma moto, mettant un casque en parlant à Hugo que je reconnaissais même de dos. Avec une raquette de tennis, renvoyant à revers un service de Pascal. Appuyé au mur, devant une salle de classe, révisant un devoir quelconque. Marchant les mains dans les poches, les yeux ailleurs. Sautant par-dessus la haie du parc pour aller plus vite. Courant autour de la piste d’athlétisme. Pointant une fourchette sur Max. Un gros plan sur mes yeux bleus légèrement plissés. Mon visage tourmenté. Et puis de dos, les doigts dans mes cheveux. Les paupières closes, réfléchissant.

Sur ce pan de mur, je me déclinai presque à l’infini…

Il y eut le choc de mon corps quand il traversa la baie vitrée.

Je me souvins d'atterrir sur la terrasse au milieu des bris de verres. Ils entaillèrent ma chair déjà blessée. Inerte, je fixai les débris qui scintillaient autour de moi, pris par les rayons du soleil, comme des mémoires lumineuses de ma vie brisée.

Un murmure... Le mien...

- Jamie.

Les petits miroitements qui dansaient autour de moi...

Le vent sur ma peau meurtrie...

Le ciel bleu d'une journée sans nuage...

Un battement de coeur...

Ses yeux...

Son visage derrière mes paupières qui se fermaient...

Je me sentais aimé. Je me sentais heureux et au chaud, et satisfait et... en paix. J'étais chez moi. J'étais arrivé, et le chemin avait été long pour l'atteindre. Pour le reconnaître et avoir le courage de le garder.

- Alex ?

- Jamie ?

Il sourit contre ma peau et releva la tête. Je l'embrassai doucement. Il glissa une main dans mes cheveux retenant ma tête contre lui, approfondissant le baiser.

- Alors bébé. Tu les as vues, les étoiles ?

- Quelques milliers, oui.

- Moi aussi, tu sais. Elles étaient magnifiques. Juste dans tes yeux bleus. Elles les faisaient briller.

- Tant mieux. Si le voyage t'a plu, on repart quand tu veux.

Il noua ses doigts aux miens et les maintint au-dessus de ma tête.

- En première classe ?

- En classe affaire. Hé, il ne faut pas exagérer non plus.

- Tant que ce n'est pas l'éco.

- Tu dis quoi là ? Que je baise au rabais ?

Il éclata de rire et je le renversai sur le lit en le plaquant sous moi.

- Bien. Jamie, tu sers.

Un long sourire naquit sur ses lèvres. Je me mis en position, fixant mon regard sur la balle et non sur le visage de mon adversaire. Elle partit comme une fusée, provoquant des exclamations de surprise. J'étais prêt à la recevoir. Parce que je l'avais sentie en le bousculant, tout à l'heure. Sa force - teintée d'un brin de rage et d'un soupçon de colère combative. Oui, je l'avais sentie et je m'étais attendu à ce service violent. Je me décalai, ajustai ma position et frappai la balle, la plaçant avec justesse. Surpris par ce renvoi, il n'eut pas le temps de réagir.

Ca aussi, je l'avais vite compris, au sourire nonchalant affiché aux coins de ses lèvres. Sa prétention. Sa suffisance. Son attitude si sûre de lui. Il ne s'attendait pas à ça, c'était évident.

Il ne s'attendait pas à moi.

Il regarda le petit bolide jaune s'échouer dans les grillages derrière lui, et ses yeux dorés pivotèrent vers moi, laissant transparaître son étonnement.

- Qu'est-ce que tu croyais ? lui lançai-je avec une pointe d'animosité. Qu'il n'y a qu'à Paris que l'on sait se servir d'une raquette ?

- Incroyable, ironisa-t-il. On m'aurait menti !

Pascal donna un coup de sifflet et écarta les bras en nous fixant à tour de rôle.

- J'ai dit : on la joue tranquille. Ce n'était pas assez clair pour vous ?

Jamie fit rebondir une nouvelle balle en me souriant. Je tins ma raquette, en position, prêt, en le fusillant du regard.

- C'est ça, murmurai-je quand il me laça un clin d'oeil moqueur. On se la joue tranquille.

Il servit, et la balle se changea en boulet de canon. Je la frappai et elle s'envola de l'autre côté. Jamie courut et la récupéra. Il la renvoya de toutes ses forces. Je me déplaçai,la pris à revers.

Le duel venait de commencer.

tu es le numéro un dans ce club,me rappela-t-il en fermant son journal. Ne deviens pas le numéro deux au profit d'un Parisien fraîchement débarqué. Garde ta position. Tu es mon fils, et mon fils n'est pas un raté.

Je le serai pourtant toujours à ces yeux. Qu'importait ce que je ferais, ce ne serait jamais suffisant.

- Tu vas bien m'écouter ! tonna son père. Tu es mon fils et mon fils ne sera jamais un pédé. Tu es un homme et tu vas te comporter comme tel. Premièrement, tu arrêtes de pleurer comme une fille. Après, tu cesses de te cacher derrière les jupes de ta mère. Il va falloir que tu grandisses, fiston. Que tu t'endurcisses. Ou tu vas en prendre des dérouillés jusqu'à ce que ça s'incruste dans ta tête de blondinet. Pourquoi a-t-il fallu que tu hérites de la tignasse de ta mère, aussi ? Allez, file au lit, morveux ! Et que je ne t'entende plus parler comme tu viens de le faire !

Mathias Debordes-Hunter.

*Vous vous rendez compte les namis? C'est Mathiaaaaas. Et il y a Eden aussi mais chuutt.*

"Le temps guérit beaucoup de choses. Mais pas l’amour. Je le compris en voyant les mois filer, m’éloignant toujours plus de la dernière image que j’avais de Jamie. Ça faisait six mois déjà et je me réveillai parfois, la nuit, avec l’angoisse sourde au creux de mon ventre de ne plus me souvenir des traits de son visage. La peur de l’oublier. Il m’arrivait de me glisser dans la chambre de Vanessa pour me coucher près d’elle, juste pour sentir la chaleur d’une présence à mes côtés. Pour me rassurer."

"La mort ne devrait-elle pas faire de bruit ? Ne devrait-elle pas être un grand fracas qui nous rend sourd ? Un tremblement de terre, un coup de tonnerre. Le cri d’une personne qui vous aime. Un NON retentissant. Quelque chose qui vous raccroche à la vie."

"Est-ce tu m'aimes ? Moi, je t'aime comme un fou. Je suis tombé amoureux. Oui, c'est ça. Je suis tombé d'amour. Je me suis fait mal. Je me suis blessé. Je saigne et je pleure. J'ai besoin de savoir que je ne suis pas le seul."