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Il suivit Safire, la salle s'était bien vidée, depuis qu'elle l'avait quittée la dernière fois. Elle trouva facilement Rubie qui dansait avec un garçon de son âge. Elle attendit que la musique s'arrête pour faire signe à sa sœur de la rejoindre. Elle ne tarda pas à arriver.
─ Princesse Safire...
Elle s'inclina légèrement. Safire sourit, elle apprenait vite.
─ Il est bien tard, Émeraude est partie se coucher, j'aime-rais que vous en fassiez autant.
Rubie parue déçue, elle jeta un petit regard à son cavalier et fit un petit signe négatif de la tête.
─ D'accord.
─ Je viendrai vous embrasser dans une dizaine de minutes, tâchez d'être au lit toutes les deux.
Elle hocha la tête, elle passa devant son père et le salua po-liment. L'empereur regarda Rubie partir et vint vers Safire. Elle ne voulait pas avoir affaire à lui, mais elle n'avait pas le choix.
Elle s'inclina légèrement.
─ Je suis fier de vous.
─ Merci, père.
─ Qu'est-il arrivé à votre robe ?
─ Ah oui, j'ai bousculé un serviteur, il avait un plateau de jus de fruit, du coup...
Elle jeta un regard à son père. Il avait toujours ce regard de glace. Il fit une moue bizarre. Ça n'augurait rien de bon.
─ C'était lequel ?
─ Je ne sais pas... Je n'y ai pas prêté attention. Mais ce n'est pas grave père, je laverai moi-même la robe. Je...
─ Non. Il doit être corrigé, on ne bouscule pas impunément la Princesse Héritière.
─ Mais c'est moi qui...
─ Allez vous amuser, je m'occupe de ça.
Elle s'éloigna, mais observa ce que faisait son père. Elle sen-tit quelqu'un lui prendre la main. Elle se retourna et vit Ame-jisuto l'air grave.
─ Suivez-moi, s'il vous plaît.
─ Capitaine...
Il ne la laissa pas répondre et l'entraîna en direction de la terrasse.
─ Je te conseille de sortir Zeph, dit-il en croisant le jeune homme.
─ Plus de protocole ?
─ Laisse tomber, la soirée est terminée.
Il continua d'entraîner la jeune fille. Safire était abasourdie. Ils arrivèrent à la porte, Topazu était adossé au mur un sourire en coin.
─ Alors Capitaine, Tu ne veux pas voir ça ?
─ Y a plus exaltant à voir...
─ Je reste.
Une fois dehors Amejisuto lâcha la main de Safire qui s'em-pressa de demander :
─ Mais que se passe-t-il ? Pourquoi m'avoir traînée dehors ?
─ J'ai pensé que tu n'avais pas à assister à ça.
─ Mais de quoi parles-tu, enfin ?!
─ De ce que le Maître va faire.
Elle voulait retourner à l'intérieur pour voir ce qui se pas-sait.
─ Non, Amejisuto à raison.
─ Alors expliquez-moi !
Zeph reprit la parole :
─ Nous avons déjà vu, l'Empereur avec ce regard.
─ Que voulez-vous dire ?
Zeph parut gêné, Amejisuto observa la jeune fille. Elle avait ce regard d'un bleu si intense qu'on pouvait se noyer dedans. Elle avait compris, il en était sûr.
─ Il attendait un prétexte pour assouvir sa soif de sang. Il en a trouvé un.
Safire n'avait pas réagi. Elle hocha simplement la tête.
─ Et ce pervers de Topazu ?
─ Pervers ?
─ Là n'est pas la question.
Amejisuto plissa les yeux mais ne dit rien, Zeph reprit :
─ Topazu veut voir comment il s'y prend.
─ Je ne peux tolérer un massacre, même de la part de mon père !
Elle se rua sur la porte et entra. Aucun des deux jeunes hommes n'eut le temps de l'en empêcher.
Avant même de voir quoi que ce soit, elle sentit cette odeur particulière, cette odeur métallique. Topazu était toujours là, adossé au mur. Il semblait comme figé, était-ce la peur ou un sort ? Elle s'en fichait. Le peu d'invités qui restaient, étaient cou-chés sur le sol. Son regard se posa plus loin, sur l'estrade, là où plus tôt son père l'avait coiffée d'un diadème. Un diadème qui semblait soudain peser bien plus lourd. Elle ne supportait plus son poids. Elle s'avança, elle tremblait, elle n'avait pas peur, elle n'était pas en colère. Elle ne ressentait plus rien, elle était comme un automate. Elle devait le voir. Elle devait s'approcher. Ils étaient là, alignés les uns à côté des autres, les serviteurs de la soirée.
─ Tu ne devrais pas t'approcher plus. Le sang tache plus que le jus de fruit.
Elle se retourna et se trouva face à son père. Il essuyait une grande épée, qui d'ordinaire était accrochée sur le mur, en guise de décoration. Elle remarqua seulement à ce moment-là que les corps n'avaient plus de tête.
─ Combien étaient-ils ? Demanda-t-elle d'une voix déta-chée.
─ Trente-deux.
Elle entendait les deux jeunes hommes parler à la porte. Zeph ne voulait pas entrer. Elle demanda encore :
─ Qui va nettoyer ?
Il l'observa de toute sa hauteur, elle ne tremblait plus, elle n'avait plus peur, elle ne ressentait absolument rien.
─ Je vais m'en occuper.
Elle hocha la tête et ajouta :
─ Je ne veux pas que mes sœurs voient ça. Je dois aller les embrasser.
Elle se dirigea vers leur chambre. Elle se concentra sur ses sœurs rien d'autre n'avait d'importance.
Quand elle arriva Émeraude commençait à s'endormir, Ru-bie était blanche. Elle embrassa la première sur le front en lui souhaitant bonne nuit. Elle prit la seconde par la main et l'em-mena dans le couloir.
─ Tu as vu quoi ?
La fillette ne répondit pas.
─ Rubie, je t'ordonne de me répondre. Qu'as-tu vu ?!
Elle secoua la fillette, elle devait réagir, la petite était en état de choc, elle ne pouvait pas la laisser comme ça.
─ Rubie parle !
Safire lui administra une gifle monumentale, les yeux de la fillette s'emplirent de larmes.
─ Qu'est-ce que tu as vu Rubie ?!
─ J'ai... je ...
Elle commença à sangloter, elle posa sa main sur sa joue endolorie. Son regard se fixa sur celui de son aînée.
─ J'ai vu cette chose... il ... il a perdu la tête. Ce n'est pas notre père. Papa ne peut pas faire ça. Papa pleure en ce mo-ment. Il y a quelque chose dans papa... Ce n'est pas papa qui a fait ça. Tu dois pas détester papa.
Safire ne dit rien, elle la laissa parler.
─ Tu vas oublier ce qui s'est passé. Tu ne racontes rien à Émeraude. Et si tu as besoin d'en parler de nouveau, tu viens me voir. C'est compris ? Rubie, c'est important, tu n'en parles qu'avec moi !
Elle étreignit fort sa petite sœur contre elle, l'embrassa et re-tourna dans sa chambre pour la coucher. Avant de sortir, elle lui lança un sort d'apaisement.
Elle traversa de nouveau la salle de bal, les invités étaient toujours inconscients. Topazu avait disparu.
Avant de sortir de la pièce pour retrouver la fraîcheur de la nuit, elle se tourna vers son père et l'avisa :
─ Rubie a vu ce que tu as fait, père. Demain je lui lancerai un sort d'oubli et inventerai un cauchemar.
Une ombre passa sur le visage de l'homme, ses yeux chan-gèrent de couleur pendant une fraction de seconde, suffisam-ment longtemps cependant pour laisser couler deux larmes sur ses joues. Elle n'attendait pas de réponse et sortit.
Elle fit quelques pas au-dehors et s'écroula sur le sol. Sa robe avait amorti sa chute. Elle sentit quelqu'un s'approcher d'elle. Le poids du diadème lui rappela qu'en aucun cas elle ne devait se laisser aller. C'en était trop, elle arracha ce fichu bijou et le lança au loin. Le bruit de sa chute retentit dans la nuit pai-sible.
Toujours à genoux, elle martela le sol froid de ses poings. Le sang commençait à couler. Elle répétait inlassablement à chaque coup porté le même mot :
─ Pourquoi ?
Au loin, elle entendit le clocher sonner deux heures.
Elle continua.
Quelqu'un s'agenouilla face à elle. Il lui attrapa les mains avant qu'elle ne se les blesse davantage, des cailloux étaient en-trés sous la peau. Elle ne voulait pas d'aide. Elle se releva et s'éloigna, elle entendait l'individu continuer à la suivre.
Elle sentait son dîner remonter brusquement, elle se préci-pita vers un parterre de fleurs, pour laisser son estomac se vider. Quelqu'un lui tenait les cheveux.
Elle le repoussa. Elle poursuivit son chemin. Elle contourna le palais. Elle sentait cette personne lui emboîter le pas. Elle se demanda un instant s'il lui avait parlé... Qu'importe, elle devait arriver à destination.
Elle vit les deux grandes grilles grises se dresser devant elle. Elle poussa celle de droite, et entra. Depuis combien de temps n'était-elle pas venue, ici ? Elle ne se souvenait pas, elle eut un pincement au cœur.
Elle était arrivée. Cet endroit que la lune éclairait, cet en-droit glacial, sans âme, cet endroit l'appelait. Elle s'allongea sur le marbre froid qui recouvrait le corps de sa mère, et s’endormit.
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