Extraits

Elle avait cinq ans la première fois qu'elle vit une Armure.

[...]

Elle avait cinq ans la première fois qu'elle vit une Armure.

Cette vision se grava en elle.

A jamais.

Elle était émerveillée.

Plus qu'émerveillée.

Subjuguée.

Ensorcelée.

- Un corps se respecte, lui avait déclaré Louha la première fois qu'elle avait vu Nawel hésiter à se déshabiller devant elle. Que se soit le tien ou celui d'au autre, fût-il un ennemi. Inutile toutefois de le dissimuler ou d'en avoir honte, inutile de l'afficher ou d'en tirer de l'orgueil pour lui offrir le respect qu'il mérite. Un respect qui passe par l'acceptation. Sous toute ses formes.

La vieille Armure venait de se glisser dans un bain fumant. Elle avait passé la main sur sa joue sillonnée de rides profondes.

- Cette peau plissée n'est ni belle ni laide, Nawel. C'est juste la mienne et je la respecte même si elle n'a plus la douceur et l'éclat de la tienne. Et si je la respecte, pourquoi devrais-je la cacher ?

Nawel avait intégré ces paroles et se dévêtir devant ses compagnons ne lui avait plus jamais posé problème, hormis le jour où Lyam lui avait demandé d'ôter sa tunique pour la soigner.

Il sourit. Un sourire aussi lumineux que triste qui doucha la colère de Nawel et la contraignit au silence.

- Je dois te quitter, demoiselle. J'ai rendez-vous avec la Dame.

- Toi, un rendez-vous ?

- Un rendez-vous imaginaire, il va sans dire.

- Je croyais que le chemin des rêves conduisait à une impasse.

- Ne confonds pas le rêve et l'Imagination. Si le premier vient à toi de son propre chef, c'est volontairement que tu décides d'arpenter la deuxième. Cela peut s'avérer périlleux, j'en ai fait l'amère expérience, mais les possibles sont trop nombreux pour que tous débouchent sur une impasse.

"Le rêve est un joli chemin, mais il conduit souvent a une impasse (...) Ne confonds pas le rêve et l'imagination. Si le premier vient a toi de son propre chef, c'est volontairement que tu décides d'arpenter la deuxième. Cela peut s'avérer périlleux, mais les possibles sont trop nombreux pour que tous débouchent sur des impasses."

"Choix et hasard ? avait-elle lancé à Roméo en se mettant en selle. Je choisis d'avancer. Que me réserve le hasard ?"

Le galop sauvage faisait voler la chevelure de Nawel, sollicitait les muscles de ses cuisses et de ses bras, l'obligeait à se coucher sur l'encolure de son cheval mais il ne se limitait pas à ces sensations.

Peu à peu, sans qu'elle en ait réellement conscience, il se glissa dans son esprit, pur et vivant, et entreprit de le nettoyer. Lorsqu'ils ralentirent enfin, soucieux de ne pas épuiser leurs montures, AnkNor n'était plus qu'un souvenir dans leur dos et Nawel se sentait...

Ni bien. Ni mieux.

Apaisée.

Elle se sentait apaisée.

Nawel saisit la feuille et la froissa jusqu'à jusqu'à la réduire en une boule compacte. Elle chercha ensuite une corbeille des yeux pour se rendre compte que sa chambre en était dépourvue.

- Rien de ce qui a été dessiné ne peut être gommé, murmura-t-elle. Rien de ce qui a été écrit ne peut être effacé, rien de ce qui a été fait ne peut être oublié. Ou pardonné.

Elle lissa la feuille de son mieux, la rangea dans le tiroir de sa table avec les autres, puis se glissa dans son lit.

Elle était entrée dans sa chambre et se dirigeait vers son lit lorsque la liasse de feuilles blanches posée sur sa table avait attiré son regard.

L'envie avait déferlé. Avec une brutalité à couper le souffle.

Ecrire.

Non pas une lettre, ni même un journal intime.

Non. Simplement écrire. Comme on respire.

Pour vivre.

Nawel haussa les épaules.

- La maison sans honneur en question aurait manigancé mon assassinat pour ouvrir la voie du trône à sa fille ? C'est ridicule ! Je n'ai aucun désir de devenir reine et il n'y a rien d'autre entre Ergaïl et moi qu'une amitié dépourvue de la moindre ambiguïté.

Elle leva les yeux vers son père.

-Vous en avez conscience, n'est-ce pas ? Ergaïl est mon ami. Seulement mon ami !

Dorfus détourna le regard.

-Les intérêts des Onchêne et ceux des Hélianthas sont liés, répéta-t-il. Plus que tu ne le penses. Intimement liés.