Extraits

– J’étais bien ici, dans cet éden, balbutie-t-elle. Dans ce paradisus ante peccatum…

– Le paradis d’avant la chute, rigole-t-il. Pas mal ! Je vois que tu n’as pas perdu ton temps… Moi, avec toi si proche, je me crois in hortus deliciarum.

Elle se dégage à moitié de son étreinte pour répliquer, pompeuse :

– Je consens, monsieur, à habiter un jardin des délices en votre compagnie !

Après un éclat de rire, elle se réfugie de nouveau dans sa chaleur. Ainsi pelotonnée, elle chuchote :

– Te amo, o mi angeli.

Bastien et elle s’amusaient comme des petits fous à bavarder des sujets les plus divers, futiles ou graves, simplement pour le plaisir de croiser le fer et de se coucher moins sots.

Moi, j’avais l’idéal de réformer le monde par l’instruction. J’avais l’idéal de répandre les lumières du savoir. Je croyais dur comme fer que le bonheur universel était à ce prix. Seule une instruction poussée ferait des hommes – et des femmes – des citoyens à part entière, aptes à exercer leurs droits civiques, à faire respecter la justice et l’harmonie.

La bourgeoisie, c’est le royaume des apparences. Et l’apparence la plus cruciale, c’est celle qui fait du mari le maître de la maisonnée, point à la ligne !

- Ce que je m'ennuyais de Léonie Laflamme! Léonie qui professe d'un ton calme les pires énormités, celle qui lui mériteraient une remise d'absolution perpétuelle et un séjour sans fin parmi les damnés! J'adore ce surnom dont ta Marie-Thérèse t'a coiffée. Il te va comme un gant...

Elles échangent un doux sourire, puis Marie-Claire se rembrunit pour reprendre:

- En tout cas, le saphisme était tout en haut de ma liste de péchés, bien avant l'adultère! Oui, tout en haut...