Extraits

Un hennissement retentit.

PAN !

Le coup de feu résonne jusqu'à nous. Eugénie plaque ses mains sur ses oreilles. Quant à moi, je ne peux pas bouger, ni fermer les yeux, ni ciller.

La branche de lierre casse dans ma main.

Une nuée d'oiseaux s'envole depuis les arbres.

J'imagine le corps du cheval tomber sur le côté, un trou béant entre les yeux.

Dans le pré, la jument avec qui il partageait ses journées part au galop.

Irène se rapproche.

Je souris, mais son visage à elle reste impassible. C'est à cet instant que je réalise qu'elle a repassé un voile et des habits propres. Elle s'est changée. Je croyais qu'elle n'était pas revenue parce que les sœurs l'avaient attrapée... pas parce qu'elle était partie se pouponner !

L'angoisse afflue dans mes veines. Je me lève, mais tombe à genoux. Je crie de frustration et recommence.

Même résultat. Je n'ai plus aucune force.

Il me suffit d'atteindre le portail. De rejoindre la route. Et je serais sauvée. Une carriole passera, comme dans mon rêve, et je rentrerai à la maison.

Je m'enfonce un peu plus dans la boue, mais parviens à m'en extirper.

Sur mon visage, les larmes se mêlent à mon sourire plein d'espoir. Je me moque de ce que mes parents diront. Qu'importe qu'ils me mettent à la porte, je ne la laisserai pas. Je me débrouillerai. Je l'ai toujours fait.

Ce que contient cette fameuse infusion, je l'ignore... Les premiers mois après mon arrivée, je me baladais souvent dans les diverses pièces du couvent, mais je n'ai rien trouvé. Pourtant, j'ai fouillé à plusieurs reprises les cuisines et j'ai été réprimandée pour cela. La composition de cette infusion est un mystère pour moi. J'ai pensé à l'époque que cela n'était qu'une rumeur inventée par les pensionnaires pour tromper l'ennui qui règne entre ces murs, jusqu'à ce que je sois à mon tour témoin d'une vague.

Les couloirs du couvent se vident le soir, pour autant, les cris, eux, ne cessent pas.

Si nous n'avons pas le droit de circuler une fois la nuit tombée, nous entendons les hurlements des filles en train d'accoucher. Les pleurs des bébés, eux, traversent moins les murs de pierre, et puis ils ne restent pas longtemps, les sœurs trouvent très vite des familles à qui les confier. Les listes d'attente sont longues, surtout depuis l'épidémie de morts infantiles que le couvent a connue il y a moins d'un an.