Les Ailes d'Alexanne, Tome 10 : Marie

Après avoir fait la vaisselle, les deux hommes s’installèrent au bord du feu que Thibault venait d’allumer dans la cheminée et se rappelèrent avec un brin de nostalgie leur famille ainsi que les amis qu’ils avaient laissés en France. Mais ils savaient bien qu’ils n’auraient jamais pu mener ce genre de vie, là-bas. La nuit venue, Thibault éteignit toutes les lampes et vint se blottir dans les bras de David. Il s’endormit en quelques minutes à peine.

« La paix d’esprit des innocents », se dit-il. Lui n’arriva pas à fermer l’œil et regarda les heures s’égrener sur le cadran. Lorsque Thibault le libéra pour se retourner de l’autre côté du lit, David en profita pour se lever et se vêtir.

Il passa au salon avec l’intention d’aller lire et vit la lune par la fenêtre. Il enfila son manteau et sortit respirer l’air frais. « Est-ce que je suis en train de devenir un homme des bois ? » Il s’appuya le dos contre un arbre pour contempler les étoiles. Les hiboux et les chouettes hululaient à qui mieux mieux dans la forêt. « Moi, c’est la neige que je ferais disparaître… J’aime bien le froid, par contre. »

– Paix, mon frère, lui dit alors Assael en sortant d’entre les arbres.

– Paix, Assael. Tu ne pouvais pas dormir, toi non plus ?

– Nous n’avons pas besoin d’autant de repos que les habitants de cette planète.

– C’est donc moi que tu es venu voir.

– Nous avons suivi tes progrès ces dernières semaines et nous tenons à te dire que nous admirons ton extraordinaire pouvoir de guérison, que tu utilises pour soigner tant les humains que les arbres et les rivières.

– Je ne sais pas d’où il me vient, mais j’ai bien l’intention de m’en servir aussi longtemps que je le pourrai. En fait, j’aurais aimé le découvrir bien avant, car j’aurais sans doute pu l’utiliser dans mon pays natal également.

– Quand tu auras assaini l’eau de l’Amérique, rien ne t’empêchera d’y retourner.

– De l’Amérique ? répéta David, amusé. Mais je n’aurai jamais le temps d’accomplir un tel exploit avant ma mort !

– Tu vivras beaucoup plus longtemps que tous ceux que tu connais.

Cette révélation aurait dû réjouir le jeune homme, mais elle eut plutôt l’effet de l’attrister.

– Je perdrai donc tous mes êtres chers…

– D’autres deviendront précieux à ton cœur et feront un bout de chemin avec toi. Ainsi va la vie.

– J’imagine que tu as aussi été séparé de beaucoup des tiens.

– De plusieurs générations d’humains qui étaient devenus de précieux alliés, en fait.

– Peux-tu me dire si je possède aussi le don d’enrayer la maladie une fois pour toutes sur la Terre ?

– Non. C’est le destin d’une de tes amies, par contre.

– Tatiana ?

– Sa nièce.

– Alexanne ? Oh, mais c’est merveilleux ! Le sait-elle ?

– Pas encore. Ton travail est aussi important que le sien, mais personne ne peut vous forcer à le poursuivre. Il n’en tient qu’à vous.