Les Amants de l'exil

Le samedi était un jour spécial, un jour de fête et de réjouissances. Tout commençait la veille, le vendredi soir. Durant la journée, ma mère prenait soin de faire un grand ménage. Elle récurait de fond en comble chaque pièce de la maison et faisait reluire les couverts en argent. Je l’aidais dans cette tâche à laquelle elle accordait une importance qui dépassait de beaucoup de pures considérations hygiéniques. Mon père rentrait plus tôt ce jour-là, surtout en hiver. Pour une raison inconnue de moi, notre famille devait être réunie avant que la nuit ne tombe. Quelques minutes avant le coucher du soleil, ma mère allumait alors la candeia do Senhor, la lampe du Seigneur. Il s’agissait d’une petite lampe dissimulée dans un pot de grès et remplie d’huile d’olive pure dont la mèche était constituée de sept fils de lin. Elle devait brûler jusqu’à ce qu’elle s’éteigne d’elle-même. Ma mère se mettait alors à réciter une prière, le visage penché sur une coupe de vin. Mon père, tourné vers l’orient, les yeux clos, la tête recouverte d’une serviette de lin, balbutiait lui aussi des phrases qui m’étaient incompréhensibles. Puis nous prenions place à table et ma mère nous servait un repas froid préparé à l’avance, que nous dégustions en silence.