Extraits

Peu d’oiseaux arrivent à prendre un air aussi résigné que le faucon sensas ou soucieux à fanons, un carnivore constamment à l’affût de l’option végétarienne. Il passe de toute façon les trois quarts de son temps à dormir mais, quand il est obligé de se chercher à manger, il s’installe le plus souvent sur une branche n’importe où à l’abri du vent et attend que n’importe quoi meure. Au bercail, le soucieux se tient d’abord perché comme les autres volatiles, puis, ses serres toujours agrippées au perchoir, il s’assoupit tranquillement la tête en bas. Hodgesouille les élevait parce qu’on ne les trouvait que dans le royaume de Lancre et qu’il aimait leur plumage, mais tous les fauconniers de renom s’accordaient à dire que, pour la chasse, la seule manière de descendre une proie avec un faucon sensas, c’était au lance-pierre.

- Ce n'est pas aussi simple. La réponse n'est pas blanc ou noir. Il existe une infinité de nuances de gris.

- Nan.

- Pardon ?

- Y a pas de gris, seulement du blanc pas très propre. J'suis étonnée que vous sachiez pas ça. Et le péché, jeune homme, c'est prendre les gens pour des objets. Vous compris. Voilà ce que c'est, l'péché.

- C'est beaucoup plus compliqué que ça...

- Non. Faux. Quand on répond que c'est beaucoup plus compliqué qu'ça, on veut dire qu'on a peur de pas aimer la vérité. Les gens qu'on traite comme des objets, tout part de là.

- Oh, je suis sûr qu'il y a des crimes plus graves...

- Mais ils commencent quand on traite les gens comme des objets...

J’ai jamais rien connu de tel, Gytha. Il a eu des siècles pour se perfectionner. T’as remarqué les pies ? Elles lui servent d’yeux. Et il est malin, en plus. Il va pas mordre à un casse-croûte à l’ail, celui-là. Ces vampires, ils ont appris des trucs. Ils l’avaient encore jamais fait avant. J’ai trouvé aucune faille chez eux, nulle part. Ils sont plus puissants, plus forts, ils réfléchissent vite… Moi je te l’dis, l’affronter par l’esprit, c’est comme cracher contre une tempête.

Les villageois avaient déclaré que justice avait été rendue, elle avait alors perdu patience et leur avait alors enjoint de regagner leurs foyers pour prier les dieux éventuels dans lesquels ils croyaient que la justice ne s’exerce jamais sur eux. Le masque méprisant de la vertu triomphante pouvait rivaliser d’horreur avec le visage de la cruauté révélée.

Je m'fiche de ce qu'à dit Mémé, y a toujours un moyen. Comme le héros de Tsort ou de j'sais pas où, qu'était invulnérable sauf au talon, et quelqu'un lui a planté une lance dedans et l'a tué...

- Qu'est-ce que vous voulez qu'elle fasse, qu'elle le tâte partout ?

- J'ai jamais rien compris à cette histoire, n'importe comment. J'veux dire, si moi j'savais que j'ai un talon où on pourrait m'tuer d'un coup d'lance, j'irais à la bataille avec de grosses godasses...

La brume déferla à travers la crypte, courut sur le sol, les murs et le plafond. Elle monta à l’assaut de l’escalier, s’engagea dans un tunnel, ses premières vagues roulant les unes sur les autres, comme engagées dans une guerre sans merci.

Un rat imprudent qui se faufilait sur les dalles fut trop lent à réagir. La brume le submergea. On entendit un couinement vite interrompu et, une fois la brume partie, il ne resta qu’une poignée de petits os blancs.

D’autres os tout aussi petits, mais convenablement assemblés sous une robe noire à capuchon d’où dépassait une faux miniature, surgirent de nulle part et s’approchèrent. Des griffes squelettiques donnèrent de petits coups sur la pierre.

« Couiii ? fit le fantôme du rongeur d’un air pathétique.

― COUIII », répliqua la Mort aux Rats. Tout était dit.

On pouvait compter sur tous les volatiles d'Hodgesouille, mais le plus souvent pour l'attaquer à vue. Guillaume, cependant, se prenait pour un poulet et ne présentait guère de danger en compagnie.

Le temps passe si vite quand on est mort.

«J'peux pas les vaincre, dit Mémé Ciredutemps. Ils ont l'esprit comme de l'acier. J'ai tout essayé. Toutes les ficelles que j'connais! Le meilleur a failli m'avoir dans ma chaumière. Ma chaumière, tu t'rends compte? J'ai jamais rien connu de tel. Ces vampires, ils ont appris des trucs. J'ai trouvé aucune faille chez eux, nulle part. Ils sont plus forts, ils réfléchissent vite... Moi je te l'dis, les affronter par l'esprit, c'est comme cracher contre une tempête.

-Tu vas faire quoi, alors? demanda Nounou.

-Rien! J'peux rien faire! Tu comprends donc pas ce que j'te dis? Ils connaissent tout en magie, ils sont rapides, ils nous prennent pour du bétail doué d'la parole... J'ai examiné le problème sous toutes les coutures et j'vois pas ce que j'peux faire. J'suis vaincue. D'avance.»