Les Anneaux de Bicêtre

Je ne connaissais pas du tout l’œuvre de Georges Simenon ; quelque part loin dans ma tête, flottait l’idée qu’il était le papa du commissaire Maigret et un auteur typé polar. Alors rien, même le titre ne m’engageait à plonger dans cet univers et dans ce livre trouvé dans la bibliothèque parentale. C’est finalement le challenge littéraire des éditeurs qui m’a fait franchir le seuil.

Aucun regret ! Parce que je me suis fait avoir ; avoir par le style, l’histoire, les personnages. Je me suis fait avoir tellement j’ai aimé cette lecture. Ce n’était pourtant pas gagné à la lecture des premières pages ! Maugras est un patron de presse qui a réussi. Une foi par mois, il déjeune au Grand Véfour avec ses amis tout autant accomplis les uns que les autres. C’est dans les toilettes de cet établissement étoilé, qu’il est alors victime d’un AVC. Transporté à l’hôpital de Bicêtre, il est soigné par deux pontes, de ses amis du Grand Véfour.

Commence alors un long voyage intérieur. Maugras reprend vie au son des cloches de Bicête qui lui font revire des émotions d’une enfance oubliée. Peu à peu, le malade prend conscience de sa maladie, complète le puzzle des événements qui l’on conduit dans cette chambre, retrouve les chemins de sa vie à la lumière de sa condition de malade avec cette certitude que la fin approche inexorablement. Il se découvre hémiplégique, aphasique, incontinent. Et face à l’optimisme de ses médecins, des infirmières Maugras refuse cette guérison promise. De simples divagations aux souvenirs ravivés par « le doux chant de la pluie », ou l’odeur de la soupe de l’hôpital, le roman prend la tournure d’une introspection. Maugras interroge cette vie pauvre à Fécamp, où son père veuf s’absente, s’abrutit de plus en plus dans l’alcool, son éblouissante réussite, ses prestigieuses amitiés, ses insatisfactions latentes qui le rendre méchant avec ses infirmières, avec ses médecins et ses proches. Il fait son mea-culpa de ses amours ratés, de ses rapports fantomatique avec sa fille, et son besoin de protéger Linda sa troisième femme alors qu’ils n’ont rien en commun dans sa vie d’avant… Ils ont pourtant besoin l’un de l’autre, il en a la certitude ! Alors qu’en sera-t-il lorsqu’il sortira ?

Entre souvenirs, monologues intérieurs, et découverte du petit microcosme qui cherche par tous les moyens à lui faire reprendre « sa vie d’avant » Maugras reprend goût petit à petit à regarder, à parler, à manger, à bouger jusqu’à aimer. Une épreuve qui le révèlera à lui-même. Plus il avance vers la guérison et de cette renaissance dans son monde hors de cette chambre qui le protège, plus il se demande ce qu’un tel accident lui aura appris, comment sortira-t-il « réparé », qu’est-ce qui aura changé en lui… Vivra-t-il différemment ou reprendra-t-il le cours de sa vie d’avant là où il l’a laissé.

Pas seulement passionnant, les anneaux de Bicêtre est un roman hypnotisant qui m’a laissé plein interrogation sur ses réactions universel des hommes face à la mort et la maladie.