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Sylvie prit le temps de réfléchir. Et c’est avec un grand sourire effronté qu’elle répondit :
— Non…
— Comment ça, non ?
— Ben oui, non, le contraire de oui, précisa la préfète en se retenant de rire.
— Vous vous moquez de moi ?
— Êtes-vous certaine de vouloir la réponse à cette question ?
— Je note donc que vous n’avez aucune réponse à apporter, proclama la procureur au bord de l’explosion.
— Notez greffier…
Nolwenn Le Plouarec émit un grognement.
— Effectivement, je ne peux pas vous expliquer, reprit Sylvie. Ou ne veux pas. Ou les deux… En revanche, je peux vous montrer. Si vous avez deux heures devant vous… C’est comme pour le dessin, un bon exercice pratique vaut mieux qu’une longue explication !
— Je ne comprends rien à ce que vous me dites. Enfin si, je comprends que vous vous payez ma tête, fit la magistrate en desserrant à peine les lèvres. Ma conclusion sur votre participation au complot est donc fondée.
— Vos éclairs de lucidité sont aussi rares qu’époustouflants…
Afficher en entier21h25, Paris
Alizée éclata de rire, d’un rire franc et sonore. Mais personne n’y fit attention, la terrasse couleur bordeaux du bar Le Carillon était bondée et bruyante.
Le rire d’Alizée mourut au fond de sa gorge, même si elle garda la bouche ouverte. Devant elle, au milieu des rues Bichat et Alibert, un homme commença à mitrailler autour de lui. Elle vit au ralenti les impacts sur une voiture où se trouvait un couple. Puis l’homme et son arme se tournèrent vers elle. Vers elle et tous ceux qui l’entouraient, ces femmes et ces hommes venus profiter d’une belle soirée parisienne.
Et tout s’accéléra. Des cris, des bruits de verre brisé, des chocs.
En un instant, Alizée se retrouva au sol, la joue collée sur une dalle grise et froide. Christian s’était jeté sur elle. Du coin de l’œil, elle vit qu’il la regardait. Intensément.
— Je t’aime, lut-elle sur ses lèvres.
Alizée ferma les yeux. L’horreur de la réalité et des sons était insoutenable.
Afficher en entierLa pluie, le froid, la peur, l’attente, l’espoir avaient fait perdre à Sylvie toute notion du temps. Elle ne pensait à rien, les yeux fixés sur son bout de maisonnette. De temps en temps, elle jetait un coup d’œil à son voisin de mousse.
Des bruits la firent sortir de sa léthargie. Des voix. Masculines. Nombreuses. Étrangères.
— Merde…
Un regard à l’adjudant-chef Marquez. Il restait parfaitement immobile.
Le bruit d’une voiture démarrant. Puis celui d’une seconde…
Le bruit d’une voiture commençant à rouler. Puis celui d’une seconde…
— Merde…
Le bruit de la pluie…
Le bruit de tronçonneuses…
Le bruit de la pluie…
Le bruit des armes… Des tirs lointains. Nombreux, nourris, avec de petites variations dans les tonalités.
Le bruit d’une explosion…
— Merde…
La peur…
Sylvie la sentit encore. Cette peur ruisselante et pénétrante comme la pluie, rampante, dégoulinante, s’insinuant en elle, dans son esprit, son cœur, sa respiration. Jusque sur sa main crispée sur son arme glacée.
Le bruit d’une porte. Des voix excitées. Masculines. Étrangères. Des cris.
Le bruit d’une nouvelle voix, cette fois sur sa gauche, forte et en français. Le cerveau en ébullition, Sylvie ne sut pas ce que cette voix avait dit.
Le bruit des armes. De nouveaux tirs. Proches.
Le bruit des armes. De nouveaux tirs. Très proches. Sur sa gauche.
— Merde…
Le bruit des balles. Sifflant, déchirant les feuilles, percutant les troncs.
Sylvie avait rentré la tête, à l’abri derrière la souche, la joue droite écrasée sur le sol humide.
L’adjudant-chef Marquez n’avait pas bougé. Une véritable statue. Il tirait de temps en temps, au coup par coup. Sylvie voyait l’arme reculer, la douille s’envoler, un peu de fumée sortir du canon.
Elle avait l’impression de ne pas être présente, de visualiser la scène au ralenti, d’être détachée de la situation dramatique.
— Merde…
Afficher en entier— Jaloux !
— Oui. Je vous aime, avoua Pascal.
Cela semblait être sorti spontanément, d’un ton plus sincère qu’il n’avait dû le vouloir.
— Mais non ! Vous ne savez même pas qui je suis, comment je suis.
— Je vous rappelle que nous échangeons depuis des mois.
— C’est vrai… Mais ça ne compte pas, ce ne sont que quelques écrits. Je suis insupportable et j’ai plein de défauts !
— Ça reste à démontrer.
— Vous voulez un autre coup de cravache ?
— J’aurais préféré une véritable récompense. Récompense méritée puisque j’ai répondu à votre curiosité dans la mesure de mes maigres moyens.
Sylvie regarda Pascal droit dans les yeux et se pencha vers lui. Elle passa sa main gauche sur sa joue droite, faisant crisser les poils de sa courte barbe sous le latex du gant, puis lui attrapa le cou et l’approcha d’elle. Elle se pencha encore davantage. Pascal ferma les yeux. De ses lèvres rouges, Sylvie effleura la bouche, puis la joue gauche de l’homme dont le cœur battait à tout rompre, elle le sentait. Enfin, elle se jeta sur son cou, commença par lui aspirer la peau et termina en le mordant.
— Aïe ! cria Pascal
— Mais que les hommes sont douillets !
— Insupportable, disiez-vous ? Le mot est peut-être un peu faible…
Sylvie haussa les épaules dans un grand sourire :
— Vous vouliez une marque de reconnaissance…
Afficher en entierVendredi 28 août 2015
13h30, Tulle.
— Noooon ?!
Stupéfaction abasourdie…
Ce fut la première pensée de Pierre Dibonné lorsqu’il reconnut la femme qui toquait à la porte de son bureau. Sa grande expérience et son impassibilité légendaire faillirent ne pas suffire à masquer son étonnement.
Il était pourtant prévenu. Ses propres recherches et quelques contacts dans différents ministères l’avaient averti qu’il risquait quelques menues surprises.
Mais, outre cette arrivée impromptue et anticipée de trois jours, il n’avait absolument pas prévu cette avalanche de superlatifs, inhabituels en ce lieu : ces cheveux trop longs d’un roux trop éclatant, ce sourire trop radieux, ce décolleté trop plongeant, cette peau trop délicate, ces taches de rousseur trop nombreuses, ces ongles trop vernis, ces cuisses trop interminables dépassant de cette robe trop courte, ces mollets trop ciselés au-dessus de ces talons trop hauts.
Pierre se rendit compte du silence, trop long, trop gênant, qui venait de s’installer. Il se leva précipitamment pour accueillir sa nouvelle supérieure. Tout en lui souhaitant la bienvenue et en lui tendant la main, il soupira intérieurement, sentant filer la certitude qu’il s’était forgé que ce serait à elle de s’adapter.
Il ne lui fallut que quelques minutes à ses côtés pour en avoir la confirmation, tout inexpérimentée qu’elle était. Pierre craignait maintenant beaucoup plus les ravages qu’elle pourrait causer aux différents services de la préfecture.
Il se corrigea immédiatement :
— Les ravages qu’elle va causer…
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