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A vos ordres, cap’taine. » Et, avec un dernier regard de regret en direction de la bosse que faisait la sphère dans la veste de Kennit, le marin remonta vivement sur le replat. Le chef pirate glissa la main dans sa poche et caressa la boule de verre froid en reprenant sa marche sur la plage, imité par les mouettes qui, dans le ciel, glissaient sur le vent en cherchant du regard quelque friandise dans les vagues. Kennit ne se pressait pas, mais il n’oubliait pas non plus que, de l’autre côté de l’île, son navire l’attendait dans des eaux traîtresses ; il parcourrait toute la longueur de la plage comme le voulait la tradition, mais, une fois qu’il aurait entendu l’oracle de l’Autre, il n’avait pas l’intention de s’attarder – ni d’abandonner les trésors qu’il pourrait découvrir. Un vrai sourire tirailla les coins de sa bouche
Afficher en entierLa magie... » Kennit se permit un sourire un peu plus large tout en fourrant la sphère dans la vaste poche de sa veste indigo. « Tu crois donc que c’est la magie qui apporte ce genre de babiole sur ce rivage ? — Que voulez-vous que ce soit d’autre, cap’taine ? Normalement, ce truc devrait être en mille morceaux, ou au moins complètement éraflé par le sable ; et pourtant il a l’air de sortir de chez le joaillier.
Afficher en entierKennit laissa Gankis lui en faire la démonstration à deux reprises, puis, sans un mot, il tendit d’un geste gracieux une main aux longs doigts, et le marin déposa le trésor au creux de sa paume. Le capitaine pirate conserva fermement son sourire pensif en mirant d’abord la boule au soleil, puis en faisant danser à son tour les petits personnages. L’objet n’emplissait pas complètement sa main. « Un jouet d’enfant, fit-il d’un ton dédaigneux
Afficher en entierNéanmoins, Kennit conserva son habituel sourire ironique sans laisser transparaître son étonnement. Sa pose soigneusement étudiée suggérait la grâce languissante d’un félin en chasse ; non seulement sa haute taille lui permettait de dominer Gankis mais l’expression amusée qu’il affichait toujours persuadait son entourage que nul ne pouvait le prendre par surprise. Son but était de convaincre ses hommes qu’il était en mesure d’anticiper leurs moindres mouvements et leurs moindres pensées : les risques de mutinerie étaient ainsi réduits, et, même si la révolte grondait, nul membre de l’équipage n’aurait envie de faire le premier pas
Afficher en entierBien, cap’taine. » Le pirate s’en fut à pas lourds, jeta pardessus son épaule un regard lugubre à son jeune commandant, puis escalada avec agilité la levée de terre pour gagner le replat qui bordait la plage. Il se mit en marche parallèlement à la berge en examinant le terrain devant lui, et repéra presque aussitôt un objet. Il courut vers lui, s’en saisit et le leva à hauteur de ses yeux. L’objet jetait des éclats dans la lumière du soleil, et le visage sillonné de rides du pirate était illuminé d’admiration. « Cap’taine ! Cap’taine, vous devriez voir ce que j’ai trouvé
Afficher en entierOui, cap’taine, des alcôves. Et, dans chacune, il y avait un trésor, sauf dans celles qu’étaient vides. L’Autre l’a laissé se promener le long de la falaise pour voir tous les trésors, et il y avait des trucs qu’on ne peut même pas imaginer : des tasses en porcelaine toutes décorées de boutons de rose, des coupes en or bordées de pierres précieuses, des petits jouets en bois peints de couleurs vives, bref, des centaines de choses incroyables, et une dans chaque alcôve, cap’taine. Et puis l’ami en question a trouvé un trou qui avait la bonne forme et la bonne taille, il y a mis la dame-papillon, et il a dit à mon oncle que jamais il n’avait eu l’impression de faire aussi bien qu’en déposant ce petit trésor dans cette niche. Il l’a laissé là et il a quitté l’île pour rentrer chez lui.
Afficher en entierDu bout de la botte, Kennit éventra doucement une ride du sable humide et fut récompensé par un éclat doré. D’un air détaché, il se baissa et glissa les doigts dans une chaînette en or ; comme il la tirait à lui, un médaillon surgit de sa tombe sableuse. Le pirate l’essuya sur son pantalon de toile fine, puis, à gestes adroits, fit jouer le petit crochet de fermeture ; l’objet s’ouvrit en deux moitiés. L’eau salée avait réussi à s’infiltrer, mais le portrait d’une jeune femme sourit néanmoins au capitaine avec une expression à la fois joyeuse, sévère et réservée. Avec un grognement, Kennit fourra sans autre forme de procès le médaillon dans la poche de son gilet broché. « Cap’taine, vous ne pourrez pas le garder, vous le savez bien. Personne ne rapporte rien de la plage aux Trésors, observa Gankis, mal à l’aise
Afficher en entierLe ciel était d’un bleu vif, lavé de tout nuage par la tempête de la nuit précédente. Seul un ruisseau d’eau douce, tranchant la haute berge herbue, interrompait la longue courbe de pierre et de sable de la plage, et, sinuant, allait se perdre dans la mer. Au loin, de grandes falaises d’ardoise noire fermaient le croissant de la grève ; semblable à un croc, une tour de schiste s’élevait au large de l’île, raccordée à la falaise par une étroite bande de sable ; entre les deux apparaissait un ciel d’azur au-dessus d’une mer agitée
Afficher en entierChacun connaissait l’histoire de Kaven Bouclecorbel qui avait séjourné un demi-siècle chez les Autres et qui était revenu comme s’il ne s’était écoulé pour lui qu’une journée, mais avec les cheveux dorés, des yeux comme des braises et des chansons qui parlaient de l’avenir en rimes entrelacées. Kennit eut un petit rire ironique à part lui : tout le monde racontait de telles fables d’autrefois, mais, si quelqu’un s’était risqué à s’écarter du chemin du vivant de Kennit, il n’en avait jamais dit mot ; peut-être n’était-il jamais revenu pour s’en vanter. Le pirate chassa le sujet de son esprit : il ne s’était pas rendu sur l’île pour quitter le sentier, mais pour le suivre jusqu’à son extrémité, où chacun savait ce qui se trouvait
Afficher en entierPlus malsains d’aspect, des champignons orange s’étageaient le long de nombreux troncs ; leur éclat outrageux évoquait pour Kennit des parasites affamés. Une toile d’araignée, alourdie comme les fougères de gouttelettes scintillantes, était tendue en travers du chemin et obligea les deux hommes à se courber pour passer en dessous ; l’araignée immobile à l’extrémité des fils était orange comme les champignons et presque aussi grosse qu’un poing de bébé. Une grenouille verte, habitante des arbres, se débattait dans les fils gluants de la toile, sans pour autant paraître intéresser l’araignée. Gankis émit un petit gémissement d’effroi en passant sous le piège.
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