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Après m’avoir incisé pour me nettoyer de tout ça, puis répété l’opération deux fois lorsque les traces infinitésimales de la forme de vie océanique avaient recommencé à se multiplier, la machine autochirurgicale décréta que le micro-organisme était vaincu. Elle commença alors à s’occuper de mes autres blessures graves. Celle que j’avais au côté aurait dû me vider de mon sang, surtout si l’on considérait mes efforts pour nager et l’hypertension due aux émotions causées par les créatures à deux nageoires. Il était clair que les cartouches de plasma du vieux médipac et les doses généreuses d’ultramorphine administrées durant plusieurs jours par Énée pour me maintenir dans un état semi-comateux m’avaient sauvé la vie en attendant que la machine de chirurgie me transfuse huit nouvelles unités de plasma
Afficher en entierÀ cinq mille mètres d’altitude environ, haletant pour respirer un peu d’air, penchés par-dessus bord pour essayer de voir quelque chose, nous avions bien plus peur que sur le radeau. La mer violette était vaste et vide, notre esquif n’était qu’un point perdu dans l’immensité, minuscule rectangle noir à la surface de la mer quadrillée. De l’altitude où nous étions, les vagues qui paraissaient si menaçantes vues du radeau étaient totalement invisibles. — J’ai l’impression que nous avons découvert un nouveau stade de cette « communion d’essences » avec la nature dont parlait ton père, déclarai-je. — Et c’est quoi ? Énée frissonnait dans l’air glacé du courant atmosphérique qui nous portait. Elle n’avait sur elle que le tricot de peau et la veste qu’elle portait sur le radeau
Afficher en entierCette ceinture de vol est endommagée, annonça la voix fluette du persoc. La batterie s’est déchargée il y a environ vingt-sept heures. Je pense qu’il s’agit d’une défaillance des cellules de stockage. — Bravo ! m’écriai-je. Et c’est réparable ? La batterie tiendra la charge si nous trouvons un autre chargeur ? — Pas celle-là, fit le persoc. Mais il y a trois unités de rechange dans le compartiment AEV du vaisseau. — Bravo ! répétai-je. Je soulevai la lourde ceinture avec son harnachement et balançai le tout par-dessus bord. Elle sombra dans les vagues violettes sans laisser de traces
Afficher en entierLa ceinture ne faisait aucun effort pour me soulever. Un instant, je me dis que nous devions être sur un monde du même genre qu’Hypérion, avec des champs EM complètement erratiques, mais mon regard se posa sur l’indicateur de charge. Il était vide. Complètement épuisé
Afficher en entierDans le viseur, j’aperçus indistinctement des sommets montagneux couronnés de blanc – probablement du CO2 gelé plutôt que de la neige – et pressai la détente, histoire de m’amuser un peu. L’arme était particulièrement silencieuse, comparée au pistolet semi-automatique à projectiles. Elle ne laissait entendre qu’un crachotement de chat quand on tirait avec. La mire n’était pas assez puissante pour laisser voir ce que l’on avait atteint, et la rotation des deux mondes, à cette distance, devait poser de sérieux problèmes, mais il aurait été surprenant que je n’aie pas touché la montagne. Les casernements de la Garde Nationale bourdonnaient d’histoires de gardes suisses qui avaient décimé des commandos extros en tirant dessus à des milliers de kilomètres sur un astéroïde ou un endroit comme ça. Le problème, depuis des millénaires, avait toujours été le même : apercevoir l’ennemi d’abord
Afficher en entierJe tirai ensuite avec le pistolet à fléchettes. Un seul coup me suffit pour m’assurer qu’il fonctionnait parfaitement, merci. L’emballage de ration flottant vola en éclats de mousse lovée trente mètres plus loin. La crête de vague tout entière se stria et s’irisa comme si une pluie d’acier la bombardait. Les armes à fléchettes étaient sournoises, rataient difficilement leur cible et ne lui laissaient généralement aucune chance. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais choisi celle-là. Je mis la sûreté et replaçai le pistolet dans mon paquetage
Afficher en entierJe te l’ai déjà dit, je n’ai jamais vu ma mère avec une arme à la main. — Elle l’a peut-être prêté au consul quand il est retourné dans le Retz avec le vaisseau, suggérai-je en nettoyant le pistolet ouvert. — Non, fit A. Bettik. Je me retournai pour le regarder. Il était appuyé contre la godille. — Pourquoi non ? demandai-je. — J’ai vu l’arme de H. Lamia quand elle était sur le Bénarès. C’était une arme ancienne – qui avait appartenu à son père, je pense – mais avec une crosse de nacre et un viseur laser. De plus, elle était adaptée pour recevoir des chargeurs à fléchettes
Afficher en entierJe sortis d’abord mon .45. Je tirai un coup en l’air, pour voir si les balles étaient bien en place dans le magasin. J’avais peur que le système archaïque consistant à séparer les munitions de la structure du magasin ne me fasse oublier de recharger en un moment critique. Nous n’avions pas grand-chose à lancer en l’air pour nous exercer au tir, mais j’avais quelques emballages de rations alimentaires vides à mes pieds. J’en lançai une et attendis qu’elle ait dérivé dans l’air d’une quinzaine de mètres avant de tirer. L’automatique fit un bruit incongru lorsque la balle partit. Je savais que ces archaïques lanceurs de projectiles étaient bruyants – j’avais eu l’occasion d’en utiliser à l’entraînement, car les rebelles des Crocs de Glace s’en servaient souvent –, mais la détonation fut si forte qu’elle me fit presque lâcher le pistolet dans la mer violette. Elle fit sursauter Énée, qui contemplait l’horizon au sud, perdue dans ses pensées, et troubla même l’androïde autrement imperturbable
Afficher en entierJ’avoue que je ne sus quoi répliquer à cela. Je remuai le fond de café qui restait dans ma tasse, me raclai la gorge, étudiai de nouveau pendant un bon moment les lunes en mouvement et la Voie lactée encore visible, puis déclarai : — Et alors ? Tu crois qu’il avait une idée derrière la tête ? Je regrettai aussitôt d’avoir dit ça. Ce n’était qu’une enfant. Elle pouvait réciter par cœur de vieux vers, de la pornographie, même, sans pour autant comprendre de quoi elle parlait. Elle tourna ses grands yeux vers moi. Le clair de lune les rendait encore plus lumineux. — Je crois qu’il y a plus de niveaux dans le ciel et sur la terre, Horatio, que la philosophie de mon père n’en avait rêvé, me dit-elle
Afficher en entierJe levai les yeux vers les tempêtes de poussière et les éclairs volcaniques à la surface de la lune géante. Les nuages couleur sépia voilaient les reliefs orange et ocre. — C’est ça, les autres stades ? demandai-je, un peu déçu. D’abord la nature, ensuite l’amour et l’amitié ? — Pas exactement, me dit Énée. Papa pensait que la vraie amitié entre humains se situait à un niveau encore plus élevé que notre sentiment de communion avec la nature, mais que le plus haut de tous était l’amour. Je hochai la tête. — C’est ce que nous enseigne l’Église, murmurai-je. L’amour du Christ. L’amour de ses semblables. — Pas tout à fait, me dit Énée. Papa voulait parler de l’amour physique. De l’érotisme et de la sexualité. Elle ferma de nouveau les yeux
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