Les Chasseurs des Ténèbres : L'Elue - Tome 2

prologue

- Monsieur Henry Wellington, bienvenue.

Le regard d’Henry alternait entre le carton d’invitation et l’affiche plaquée contre le mur. Il était à la bonne adresse, et le portier l’avait salué, lisant à travers les verres de ses lunettes, le nom écrit finement à la plume. Henry entra alors dans la pièce bondée, et épousseta nerveusement le costume noir qu’il portait, puis ses yeux bleus parcoururent la foule du regard. Il tâta l’intérieur de sa veste, comme pour s’assurer qu’un objet s’y trouvait toujours, et que personne ne le lui avait dérobé. Le jeune homme d’une vingtaine d’années s’avança d’un pas décidé vers le centre de la pièce, lorsqu’un homme aux cheveux poivre et sel fumant un cigare attira son attention. Henry se posta à ses côtés, lorsqu’un autre homme, parlant sur un ton arrogant, lui jeta un regard dédaigneux. Celui qui lui avait paru suspect esquissa un sourire chaleureux, et serra vigoureusement sa main, avant de lui demander d’une voix éraillée à cause du tabac :

- Vous êtes ?

Henry remarqua alors la présence d’une jeune femme, qui lui était de dos, dont la courbe et la blancheur de la nuque représentaient sa marque de noblesse. Il émanait d’elle une certaine aura, mais il n’aurait su la décrire tant celle-ci le fascinait. De longs cheveux bruns bouclés, coiffés en une queue de cheval élégante, étaient ramenés du même côté de son cou.

Un raclement de gorge extirpa Henry de sa rêverie, et l’homme répéta :

- Je vous demandais qui vous étiez…

- Pardonnez-mon inattention, j’étais…

- Subjugué par ma fille ? Je n’en doute pas un instant. Elle est magnifique, n’est-ce pas ? Je vais vous la présenter, décida-t-il avant de poser son index sur son épaule. Isobel ?

- Non je ne…

Et elle se retourna. Un sourire radieux illumina un instant son visage quand elle fit face à son père. Celui-ci reprit à son intention :

- Voici…

- Monsieur Wellington. Mais appelez-moi, Henry.

Il saisit délicatement la main de la jeune fille, et pressa ses lèvres contre la peau douce d’Isobel. Elle était vêtue d’une longue robe rose à crinoline, en soie, et un large pendentif de quartz rose disparaissait dans son décolleté. Henry croisa le regard observateur de la jeune fille. Isobel était d’une beauté incomparable, et elle avait des yeux améthyste, uniques, comme il n’en n’avait jamais vus. Si celle-ci ne lui avait pas adressé la parole, il aurait continué de la contempler, sans jamais s’en lasser :

- Vous n’êtes pas d’ici, n’est-ce pas ?

- Cela se voit donc t-il tant que ça ?

- Oui. Votre démarche, votre visage, votre allure… A Paris, vous ne verrez personne qui se conduise de la même façon que vous. D’où venez-vous ?

- Je suis anglais. Je viens de Londres.

- Intéressant… Vous désirez une coupe de champagne ?

- Avec plaisir.

Henry tendit son bras, auquel la ravissante jeune fille s’accrocha. Un parfum sucré vint flotter jusqu’à lui, avec une légère note fleurie derrière. Elle se fraya un chemin parmi la foule, et il s’efforça de la suivre, essayant de cerner la nature de son aura. C’était elle, qu’on lui avait demandé de retrouver. Maintenant il en était sûr. Henry tâta à nouveau l’intérieur de sa veste et hocha imperceptiblement la tête.

Isobel arriva devant une porte masquée par la tapisserie, et y entra, avant de la refermer derrière Henry. Elle se dirigea vers une petite table, dans le coin de la salle, et déboucha une bouteille de vin, tandis qu’il restait à quelques mètres d’elle, détaillant la pièce.

Henry en profita pour extirper une sorte de sceptre – qu’il avait caché dans sa veste – et sans même se retourner, Isobel assura de sa voix chantante :

- Vous pouvez le poser sur le meuble sur votre droite, Chasseur.

- Comment vous…

- J’en suis moi-même une. Il est donc normal que je sente quand quelqu’un d’autre de mon entourage est un de mes confrères… J’ai senti l’énergie qui émanait de vous dès le premier pas que vous avez fait dans cette salle, j’ai senti la teneur de votre regard dans mon dos, et j’ai deviné sans problème que vous émettiez des doutes à mon égard… Je suis la seule Chasseuse de ma famille. Ils ignorent même totalement l’existence de toutes ces Créatures. Vous venez pour m’apporter le sceptre, n’est-ce pas ?

- C’est exact. Etiez-vous prévenue, ou l’avez-vous deviné ?

- On m’a prévenue de votre arrivée. Que sommes-nous exactement censés en faire ?

- Tant qu’il est en notre possession, les Créatures Obscures vont tenter de nous tuer pour s’en emparer. On doit le dissimuler au Sanctuaire Damné. Vous et moi sommes les mieux placés pour se charger de cette délicate mission, c’est pour cette raison que nous avons été désignés.