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Liste des extraits

Elle remarqua son regard lascif et leva les yeux au ciel.

— Ne te fais pas d’illusions, je porte une vieille chemise de nuit très épaisse, la seule qui me reste après ce qui est arrivé à l’autre.

— Je t’achèterai une douzaine de chemises.

— Pour mieux les déchirer ?

— Comment as-tu deviné ?

Elle se mit à rire et ouvrit sa robe de chambre.

— Désolée de te décevoir, mais voici ce que je t’apporte.

Elle sortit un petit paquet en lin et le lui tendit.

— C’est… pour Noël, expliqua-t-elle.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Ouvre-le, tu verras.

Après avoir dénoué le petit ruban en soie avec lequel elle avait fermé le paquet, il déplia soigneusement le linge et découvrit une tunique en lin. Le col et les manches étaient brodés de volutes or et écarlate. En regardant de plus près, il constata que le motif en question était constitué de minuscules dessins.

— Ce sont des flèches, déclara-t-il, stupéfait.

Elle acquiesça en rosissant.

— C’est pour porter sous ton armure.

Il n’en croyait pas ses yeux. Le vêtement était superbe, la broderie d’une finesse remarquable. Il était ému.

— C’est toi qui l’as faite ?

— Je sais coudre, répondit-elle, légèrement vexée par son ton surpris.

Il arqua un sourcil dubitatif. Tout le monde savait qu’elle détestait broder.

— Bon, admit-elle, Ete en a fait la plus grosse part, mais c’est moi qui ai conçu le motif. Et j’ai réalisé cette partie, ici.

Elle lui montra l’arrière du col, où les points étaient nettement moins réguliers.

Il sourit et la prit dans ses bras.

— Elle me plaît beaucoup. Merci.

Il l’embrassa, doucement d’abord, puis, comme toujours, avec plus de fougue qu’il n’en avait eu l’intention. Lorsqu’il s’écarta, ils étaient tous les deux hors d’haleine. Son lit était beaucoup trop près ; il aurait été si facile de la pousser légèrement en arrière…

— J’ai autre chose pour toi, annonça-t-elle.

— Tu caches d’autres merveilles sous cette robe de chambre ?

— Qui sait ? répondit-elle en riant. Mais ce dont je parle se trouve sous ton lit. John m’a aidée à le transporter jusqu’ici tout à l’heure.

Il se pencha et découvrit un autre paquet sous le sommier, nettement plus gros. Il faisait près de deux mètres de long et était enveloppé dans des peaux.

— Qu’est-ce que tu as caché là, un tronc ?

— Presque.

Il écarta les peaux et contempla, bouche bée, le présent à ses pieds. Il se pencha pour l’examiner de plus près, prêtant une attention particulière au grain immaculé. Il n’y avait pas un noeud, pas la moindre roulure.

Incroyable. Elle devait être un peu sorcière. Comment avait-elle déniché un tel trésor ?

Elle l’observait en tripotant nerveusement les pans de sa robe de chambre en velours rubis, inquiète de son silence.

— C’est de l’if, précisa-t-elle.

Il savait pertinemment ce que c’était. Ce n’était pas qu’une branche d’if taillée ; c’était une branche d’if sans le moindre défaut, le genre qui convenait parfaitement à la fabrication d’un arc long et qui était pratiquement introuvable depuis le début de la guerre. La demande avait tellement augmenté que la plupart des ifs avaient été abattus en Angleterre et en Écosse.

— Comment te l’es-tu procurée ? demanda-t-il d’une voix emprunte de révérence.

— Par le marchand qui te livre tes vins de Bordeaux.

Gregor fronça les sourcils.

— Il m’a dit qu’on n’en trouvait plus nulle part.

— Je l’ai encouragé à chercher un peu mieux, répondit-elle avec un sourire.

Gregor préféra ne pas demander comment.

— L’ouverture des routes commerciales nous a un peu facilité la tâche, ajouta-t-elle. Cet if vient d’Espagne et a été abattu l’hiver dernier, si bien qu’il sera bientôt assez sec pour être travaillé.

Il ne trouva rien à répondre. Il était trop ému pour faire autre chose qu’admirer le présent le plus généreux et le plus attentionné qu’il avait jamais reçu.

— Ça te plaît ? demanda-t-elle.

Son ton incertain l’arracha à sa stupeur.

— Tu n’imagines pas à quel point. Je ne sais pas quoi dire.

Elle rayonna. Se hissant sur la pointe des pieds, elle glissa ses bras autour de son cou.

— Tu peux peut-être trouver un autre moyen de me remercier ?

Il lui enlaça la taille.

— J’essayais de bien me tenir.

Une petite étincelle malicieuse brilla dans ses yeux noirs. Elle se frotta contre lui.

— Vilaine, dit-il en lui donnant une petite tape sur les fesses. Que vais-je faire de toi ?

— J’ai plusieurs idées qui me viennent à l’esprit, et je suis sûre que tu pourrais en trouver d’autres auxquelles je n’ai pas encore pensé.

Il gémit, sentant la chaleur se répandre dans son entrejambe. Ça, il ne manquait pas d’idées lubriques. La choquerait-il ? Probablement, mais, la connaissant, cela ne durerait pas longtemps. Il rêvait de sa bouche depuis trop longtemps. Cette seule idée lui donnait une érection.

— Tu as vraiment l’art de réduire à néant toutes mes bonnes intentions.

— Vraiment ? dit-elle avec une moue coquine.

Il l’embrassa à nouveau avant de déclarer :

— Il fut un temps où je savais me contrôler.

Il glissa les mains sous sa robe de chambre et la fit tomber en arrière. Elle dénouait déjà les lacets de ses braies.

— Et tu n’y arrives plus ? demanda-t-elle.

— Apparemment, pas quand je suis avec toi.

En guise de démonstration, il déchira d’un coup sec la chemise qu’elle portait. Elle était vieille, laide et en travers de son chemin.

— Gregor ! cria-t-elle.

Elle était encore suffisamment pudique pour tenter de se couvrir, alors qu’elle n’avait absolument rien à cacher.

— Encore une ! gémit-elle. Je n’aurai bientôt plus rien à me mettre.

— Quel dommage ! Tu seras obligée de rester nue dans mon lit.

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Gregor ne tarda pas à regretter d’avoir proposé à Cate de l’entraîner. Plus précisément, il ne lui fallut que trente secondes. Il lui avait demandé de l’attaquer avec un couteau. Elle était d’une rapidité surprenante et n’hésita pas un instant, mais il avait eu des années d’entraînement et savait réagir à une menace. Il attrapa sa main et lui tordit le bras dans le dos, faisant tomber la dague sur le sol.

Le problème était qu’il la tenait à présent contre lui, un bras passé autour de son cou, et que leurs corps étaient pressés l’un contre l’autre. Pendant qu’elle se débattait et tentait d’écarter l’étau contre sa gorge, ses fesses frottaient contre son sexe qui, évidemment, trouvait ça très excitant.

Incapable d’en supporter davantage, il la lâcha.

Elle fit volte-face, l’air furieux.

— Pourquoi as-tu fait ça ?

— Quoi ? demanda-t-il, ne comprenant pas la raison de sa colère. Je t’ai fait mal ?

— Bien sûr que non. Mais tu ne m’as pas laissé l’occasion de me libérer.

Elle paraissait tellement outrée qu’il s’efforça de ne pas rire. Pour une fois, il n’était pas fâché de la voir en rogne. Il l’avait trouvée étrangement calme pendant le déjeuner et s’était demandé ce qui n’allait pas. Elle avait paru… troublée. Cela lui avait fait perdre le fil de sa conversation avec Aonghus, son sénéchal Am Marischal-tighe. Il avait chargé ce dernier de se renseigner au sujet des enfants et son enquête commençait à porter quelques fruits.

Lorsqu’ils avaient marché vers le terrain d’entraînement, elle n’avait ni souri ni plaisanté, paraissant très concentrée et intense. Une vraie professionnelle. C’était exactement la manière dont il aurait dû se comporter lui aussi, au lieu de réagir comme un puceau en rut qui durcissait rien qu’en sentant une fille pressée contre lui.

Il arqua un sourcil narquois.

— J’avais un bras sur ta gorge et l’autre te tordait le poignet dans le dos. Comment aurais-tu pu te libérer ?

Elle plissa les yeux, vexée par son ton amusé.

— J’étais en train d’y réfléchir.

— Tu n’avais pas le temps de réfléchir. Je t’aurais étouffée.

Elle baissa les yeux vers son bras et contempla ses muscles. La lueur admirative dans son regard lui échauffa encore un peu les sens. Apparemment, elle n’était pas non plus insensible au contact de leurs corps.

Bigre, elle était adorable ! Surtout quand elle était irritée contre lui. Il ignorait pourquoi cela l’émoustillait autant. Aucun de ses sentiments pour elle n’était compréhensible. Quelque chose dans sa détermination, son entêtement, sa franchise, son naturel et son assurance l’attirait. Elle se comportait comme une noble, mais sans le vernis superficiel de la prétention ni l’adhésion stricte aux conventions.

Comme celles qui l’auraient dissuadée de pratiquer les arts guerriers.

— Ce n’est pas toi qui disais que la force physique ne fait pas tout ? railla-t-elle.

— Si, mais dans certains cas, elle l’emporte.

— Tu ne m’avais pas encore totalement maîtrisée. J’avais rentré mon menton pour protéger mon cou. Viens, je vais te montrer.

À contrecoeur, il reprit sa position. Cette fois, il ne la tenait que pour la démonstration et elle ne se débattait pas, ce qui ne l’empêchait pas d’être très conscient de leur proximité. Elle était douce contre lui, petite et féminine. Son corps était ferme. Quand il lui avait tenu le bras, il avait découvert qu’elle avait de vrais muscles. Ils n’étaient pas épais et durs comme les siens, mais longs et fins, comme ceux d’un coursier dressé pour la rapidité.

Il se demanda à quoi ressemblait ce corps musclé nu.

— Je rentre mon menton afin que tu ne puisses… Gregor, tu m’écoutes ?

— Oui, oui.

— Ta prise est trop lâche. Serre-moi plus fort.

Ce n’était pas la chose à dire… Il s’exécuta, même si son esprit n’était pas vraiment au combat.

Dans ses rêveries, ils étaient nus ; la main autour de son cou descendait entre ses cuisses, l’autre malaxait ses seins tandis qu’il glissait lentement en elle par-derrière.

Il se maudit en silence, l’image envoyant un afflux de sang à un endroit qui n’en avait pas besoin.

Ils étaient à nouveau collés l’un contre l’autre. Il sentit le doux parfum de ses cheveux et se demandait quelle essence de fleur contenait son savon quand elle lui enfonça violemment le talon de sa botte dans le pied.

Il poussa un grognement de surprise et de douleur, son torse se pliant en avant par réflexe. Elle profita du relâchement de son bras autour de son cou pour se contorsionner et libérer sa main coincée dans son dos, glissa un pied derrière sa cheville, le poussa en arrière d’un coup de hanche et le fit tomber à la renverse.

Il n’aurait su dire ce qui, de sa chute ou de sa stupeur, lui coupa le plus le souffle. Cette fois, ses pensées lubriques s’étaient totalement envolées.

Les mains sur les hanches, elle le toisa, dominante.

— Voilà comment je m’y prendrais, dit-elle. À présent, vas-tu prendre mon entraînement au sérieux et cesser de me tenir comme si j’étais une poupée de porcelaine ?

Il roula sur le côté et bondit sur ses pieds.

— Je le prends très au sérieux, Cate, se défendit-il. C’est juste que j’ai peur de te faire mal.

Elle poussa un profond soupir.

— Je sais, mais cela arrivera de toute manière. J’ai reçu mon lot de bleus et d’égratignures avec John. Ses traits s’assombrirent.

— Si John n’est pas prudent…

Elle eut l’air exaspéré. Elle semblait hésiter entre le secouer comme un prunier et lui écraser le pied à nouveau.

— Bien sûr qu’il est prudent ! Mais les coups et les blessures font partie du jeu. Ne me dis pas que tu n’es jamais sorti du terrain d’entraînement en boitant quand on t’a formé.

Si, surtout quand Boyd leur apprenait une nouvelle technique.

— C’est différent, répondit-il.

— Pourquoi ?

— Parce que tu es…

— Une fille, acheva-t-elle pour lui. Il va falloir que tu l’oublies. Autrement, comment veux-tu que j’apprenne ? Je préfère quelques bleus accidentels plutôt que de me retrouver sans défense face à un homme qui me veut du mal !

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Il eut envie de rire en voyant son expression féroce, déterminée et obstinée. Si elle avait été un homme, elle aurait inspiré des légions avec une telle grimace.

- Prête pour un nouvel essai ?

Elle hocha la tête.

Il venait juste de remettre le couteau sous sa gorge quand il perçut un mouvement derrière lui. Il tourna la tête, mais trop tard. Sa distraction le perdit. Cate pivota, tira sur son bras et le lui tordit dans le dos, le forçant à s’agenouiller. Elle posa un pied sur ses reins et le poussa en avant tout en retenant son bras.

Il jura. Pas parce qu’il avait mordu la poussière, mais à cause des témoins qui avaient assisté à la scène. Notamment celui dont il aurait reconnu le rire n’importe où.

- N’abîme pas ce joli minois, mon garçon, lança MacSorley, hilare. Il ne faudrait pas décevoir celles qui ont acheté leur ticket pour l’admirer.

Il prenait Cate pour un jeune homme, ce qui était compréhensible dans la mesure où, outre sa tenue d’entraînement, Gregor l’avait obligée à porter une coiffe en mailles pour se protéger.

Cate fronça les sourcils et interrogea Gregor du regard.

- Je t’expliquerai plus tard, répondit-il en se levant.

Fichtre, il allait devoir lui raconter cette histoire ridicule, cette fille qui avait vendu des tickets pour le lorgner en douce. Cela dit, il était diablement content de voir son vieil ami. Il sourit au grand chef de clan des Hébrides qui ressemblait plus à un pillard nordique qu’à un guerrier d’élite.

- Ne t’inquiète pas, Faucon. S’il m’arrive malheur, on bradera les billets : deux pour le prix d’un pour venir te voir, toi.

Les deux hommes qui l’accompagnaient, Lachlan MacRuairi et Arthur Campbell, s’esclaffèrent. Ils avaient dû laisser leurs montures dans l’écurie avant de venir le chercher sur le terrain d’entraînement.

- Il faudra sans doute encore baisser les prix, trois pour un, déclara MacRuairi. Mon cousin est marié depuis si longtemps qu’il a oublié comment satisfaire les femmes.

— Il n’y a qu’une seule femme que j’ai besoin de satisfaire, répliqua MacSorley. Et crois-moi, elle ne se plaint pas.

- Comment va Ellie ? demanda Gregor nonchalamment. J’ai bien l’intention de venir la voir la prochaine fois qu’elle rendra visite à la femme de Campbell à Dunstaffnage.

Le sourire de MacSorley s’effaça aussitôt et il prit une expression menaçante.

- Ne t’approche pas de ma femme, MacGregor. Tu ne la verras qu’en ma présence.

Gregor arqua un sourcil amusé.

- Comment, tu es inquiet, Faucon ? Je croyais qu’aux yeux de ton épouse, tu étais la huitième merveille du monde.

- Disons qu’il est prudent, intervint Campbell. Même la femme la plus sage et la plus maligne peut perdre un peu la tête quand tu es dans les parages. Crois-moi, MacSorley n’est pas le seul à avoir été soulagé d’apprendre qu’on t’avait enfin mis la corde au cou.

- À propos, reprit MacSorley, où est celle qui t’a mis le grappin dessus, l’Anguille ? J’ai hâte de la connaître.

Cate, qui se tenait à côté de Gregor pendant qu’il accueillait ses amis, commençait à s’impatienter. Elle ôta sa coiffe et souffla pour écarter une mèche de cheveux de son adorable visage maculé de poussière. Elle lui tapota le torse du bout de l’index.

- Dis-moi, « l’Anguille », tu n’oublierais pas quelqu’un ?

- Bon Dieu ! Mais c’est une fille ! s’exclama MacRuairi.

- Une fille t’a terrassé ? renchérit MacSorley.

Il leva les mains vers le ciel et remercia les dieux.

- Merci, merci, merci !

Il se réjouissait d’avance de toutes les railleries qu’il ferait pleuvoir sur son ami, mais il allait vite déchanter. Gregor comptait bien le laisser s’entraîner avec sa future épouse. Le Viking se retrouverait sur le train arrière avant d’avoir compris ce qui lui arrivait. Rirait bien qui rirait le dernier !

Il fit les présentations. Même MacRuairi, d’ordinaire impavide, ne put cacher sa surprise. Gregor devinait leurs pensées. C’était ce petit bout de femme, mignonne à croquer, vêtue d’une simple tunique, de bas et d’une cotte de mailles, qu’il avait choisie pour épouse ?

Et comment ! Il les défia tous du regard.

...

Cate lui demanda à voix basse :

- Ce sont tous des… ?

Il n’était pas surpris qu’elle ait compris. Il acquiesça. Il avait su qu’il serait impossible de lui cacher l’identité des autres membres de la Garde, même s’il n’avait pas prévu de les voir débarquer si vite.

Il attendrait encore un peu pour découvrir le but de leur visite. Pour le moment, il n’avait qu’une hâte : voir MacSorley tomber sur son cul.

Quelques heures plus tard, les quatre hommes étaient assis autour de la grande table en bois de l’office du laird. Gregor sirotait son vin et s’efforçait de ne pas sourire en voyant MacSorley grimacer et s’agiter sur son banc.

Le derrière endolori du marin n’était pas sa seule satisfaction. Il avait également un œil au beurre noir, provoqué par un coup de coude de Cate plus violent que prévu. Elle avait été horrifiée, MacSorley s’était enfin tu, et Gregor et les autres avaient ri aux larmes.

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Il repéra John dans la foule. Il se tenait près de l’estrade avec plusieurs membres de leur sept et discutait avec une jolie femme. Une très jolie femme, opina-t-il en remarquant sa silhouette svelte, sa robe verte moulante, la cascade soyeuse de ses cheveux bruns qui lui tombait sur les épaules, son joli profil.

Son humeur s’améliora soudain. Une petite distraction, voilà ce dont il avait besoin. Il espérait que John n’avait pas déjà jeté son dévolu sur elle. Il avait appris, rudement, ce qui arrivait lorsque deux frères désiraient la même femme. C’était une erreur qu’il n’était pas près de répéter. Même pour une jolie paire de seins bien faits et une belle croupe ronde…

Il s’arrêta net, comme s’il venait de percuter un mur.

Ce ne pouvait pas être elle !

John l’aperçut et lui fit signe de le rejoindre tout en parlant à la femme à côté de lui. Elle se tourna. Gregor eut l’impression que le Brigand venait de lui lancer un tronc d’arbre géant dans le ventre, son sport favori.

Non !

Pourtant, c’était bien elle. Cate. Elle était…

Ravissante.

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Assis derrière une grande table dans une petite pièce privée du château de Dunstaffnage, Robert de Bruce fixait les trois guerriers d’un air incrédule.

Gregor se dandinait sur place comme un gamin pris en faute. Pourtant, Bruce n’était pas son père ; il n’avait que sept ans de plus que lui. Toutefois, Gregor ne supportait pas l’échec, et devoir s’expliquer devant l’homme qu’il ne voulait surtout pas décevoir aggravait son malaise. Il croyait éperdument en la cause de Robert de Bruce et était prêt à se battre jusqu’à son dernier souffle pour le voir victorieux.

Une victoire qui aurait été à portée de main s’il n’avait pas tout fichu en l’air.

À cause d’un maudit cabot ! Ils avaient perdu l’occasion de prendre l’un des châteaux les plus importants des Marches parce que le meilleur archer des Highlands avait hésité à abattre un ratier infesté de puces.

Les guerriers d’élite ne rataient jamais leur coup et, surtout, ils n’hésitaient pas. Une semaine plus tard, Gregor s’en voulait toujours. Il était d’autant plus furieux contre lui-même que, une semaine après que MacSorley, MacRuairi et lui-même étaient parvenus tant bien que mal à s’échapper indemnes de Berwick, il avait failli les faire capturer dans le village du même nom. Ou plutôt, son maudit visage les avait trahis.

Le roi prit enfin la parole.

— Si je comprends bien, nous avons perdu notre meilleure chance de reprendre Berwick aux Anglais à cause d’un chien ?

MacSorley fit une grimace.

— Oui, c’était vraiment un petit chien de rien du tout, mais il avait un aboiement à réveiller les morts.

— Nous avons simplement joué de malchance, intervint MacRuairi.

Si Gregor avait eu besoin d’une autre preuve de sa responsabilité, le fait que cette langue de vipère de MacRuairi tente de le couvrir en était une.

— Je croyais que les guerriers de votre trempe n’étaient pas vulnérables à une chose aussi humaine que la malchance, répondit Bruce.

— Ce n’était pas de la malchance, expliqua Gregor. C’était ma faute. J’ai hésité.

Bruce arqua un sourcil surpris.

— Tu as hésité à tirer sur un chien ?

Profondément humilié, Gregor serra les dents. Il était censé être un guerrier d’élite, un des meilleurs parmi les meilleurs. Il ne pouvait commettre ce genre d’erreur. Bruce comptait sur lui.

— Pour sa défense, sire, ce petit bâtard était rudement mignon, déclara MacSorley. En outre, nous avons découvert un détail important.

— Lequel ? demanda le roi, sur ses gardes.

Connaissant MacSorley, il s’attendait à une nouvelle plaisanterie.

— Les rumeurs étaient fausses : la Flèche ne se contente pas de briser les coeurs, il en possède un lui aussi.

— La ferme, Faucon, grogna Gregor.

Le maudit marin lui répondit par un large sourire.

Le roi semblait retenir le sien. La réputation de Gregor n’était plus à faire. Pourtant, il n’y était pour rien. Ce n’était pas sa faute si les femmes se jetaient à son cou pour la seule et ridicule raison qu’il avait un physique avenant. Que devait-il faire, les aimer toutes ?

— Vous n’avez pas rencontré d’autres problèmes ? demanda Bruce. Campbell et Douglas m’ont raconté comment ils sont parvenus à retenir les Anglais le temps de rejoindre la poterne et de s’enfuir. Ils craignaient que vous n’ayez été piégés à l’intérieur en voulant les aider.

C’était exactement ce qui s’était passé. Avec le sens de la litote typique des Highlands, MacRuairi répondit simplement :

— Rien que nous n’ayons pu résoudre, sire.

Robert de Bruce n’avait pas gagné sa couronne en étant un sot. Il fixa l’homme qui, avant de rejoindre la Garde et de se battre pour lui, avait été le pirate le plus redouté des Hébrides.

— Pourtant, il vous a fallu trois semaines pour rentrer. Mon meilleur marin boite, mon meilleur archer peut à peine lever le bras et tu portes autant de bandages qu’une momie.

— Je n’ai pas dit que nous n’avions pas rencontré de problèmes, précisa MacRuairi. Uniquement que nous avons pu les régler.

— Toi, tu fréquentes un peu trop ma petite belle-soeur, Vipère, s’esclaffa le roi. Tu te mets à parler comme un foutu juriste !

Janet de Mar, la soeur de la première épouse de Bruce, était mariée à Ewen Lamont, un autre membre de la Garde. Elle avait assez de facon de pour s’extirper de n’importe quel pétrin.

Gregor en avait entendu assez. Écouter ses frères d’armes tenter de le disculper était encore pire que la honte d’expliquer au roi ce qui s’était passé.

Il s’avança et résuma brièvement la manière dont ils s’étaient lancés au secours de Campbell et de Douglas, pensant qu’ils avaient été piégés à l’intérieur du château. Ils avaient abattu une trentaine de soldats, mais pas avant qu’il ne reçoive un coup d’épée dans le bras, que MacRuairi n’ait plusieurs côtes cassées par une masse d’armes et que MacSorley ne se prenne une flèche à l’arrière de la cuisse tandis qu’ils couraient vers la poterne après s’être rendu compte que leurs compagnons s’étaient déjà enfuis sans les attendre. Traqués par les soldats, la jambe de MacSorley pissant le sang, ils avaient jugé préférable de se cacher dans une maison amie du village, jusqu’à ce que les Anglais cessent leurs recherches.

— En effet, c’était plus raisonnable, convint Bruce.

— En théorie, oui, répondit Gregor.

— Mais ?

— Le bruit de notre présence s’est répandu et les Anglais ont encerclé le cottage où nous nous trouvions. Heureusement, les occupants avaient creusé un trou sous le plancher pour y stocker leurs provisions d’hiver et nous nous y sommes cachés pendant que les soldats fouillaient la maison.

— Ce ne devait pas être très confortable.

Ce n’était pas peu dire. Les trois grands gaillards aux épaules larges s’étaient entassés dans un espace qui faisait moins de deux mètres carrés.

— Dieu merci, à force de se laver, mon cousin sent délicieusement bon, railla MacSorley. Notre trou embaumait la rose.

MacRuairi était connu pour son obsession de la propreté. Il lança à MacSorley le genre de regard mauvais qui lui avait valu son nom de guerre de « Vipère ».

— Vous avez eu beaucoup de chance, opina Bruce.

Il s’enfonça dans son fauteuil et croisa les bras d’un air songeur.

— Quelqu’un va-t-il me dire comment le bruit de votre présence s’est répandu ?

Gregor n’avait pas besoin de regarder MacSorley pour savoir qu’il se retenait de rire et de lancer une nouvelle boutade à ses dépens, d’autant plus qu’il s’agissait de l’un de ses sujets de raillerie favoris. Au bout de sept ans, il ne s’en était toujours pas lassé.

D’ordinaire, cela ne le dérangeait pas. Toutefois, cette fois, ils auraient pu tous y rester.

— La fille du fermier qui nous cachait ne savait pas garder un secret. Elle a révélé notre cachette à quelques-unes de ses amies.

— Quelques-unes ? s’esclaffa MacSorley. La petite avait le sens des affaires. Elle a vendu près d’une douzaine de tickets pour venir admirer « le plus bel homme qu’elle avait jamais vu de sa vie ».

Il acheva sa phrase en imitant la voix mélodieuse et rêveuse d’une jeune fille de seize ans.

— Des tickets ? répéta Bruce, incrédule. Tu exagères !

— Hélas, non, répondit MacRuairi avec un sourire ironique. Ils coûtaient un demi-penny pièce. Dire que pendant toutes ces années, nous avons eu le droit de le regarder gratuitement !

Gregor serra les poings. Si MacRuairi se mettait lui aussi à faire de l’humour, c’était le début de la fin !

— Je t’avais bien dit de ne pas retirer ton casque, lui dit MacSorley.

— Pendant trois jours ? s’indigna Gregor.

C’était absurde. Ce n’étaient pas ses dangereuses missions de guerrier d’élite qui le feraient tuer, mais son maudit visage.

D’un autre côté, être bel homme présentait aussi quelques avantages, comme quand la jolie et plantureuse serveuse de l’auberge où ils avaient dormi la nuit précédente s’était glissée dans son lit.

Rien qu’une fois, il aurait aimé rencontrer une femme qui ne lui vouerait pas un amour infini juste en voyant son visage.

Gregor attendit en silence pendant que MacSorley et MacRuairi échangeaient d’autres boutades sur lui. Quand ils eurent fini, même le roi riait.

C’était hilarant, en effet !

Au fond, il y avait des sorts bien pires que celui d’avoir les femmes à ses pieds, même si, à la longue, cela devenait lassant. Au bout d’une minute, Bruce retrouva enfin son sérieux.

— À votre avis, combien de temps avons-nous avant que quelqu’un ne fasse le rapprochement entre le beau spécimen caché dans le village après la tentative d’assaut sur Berwick, et le célèbre archer Gregor MacGregor, le « plus bel homme d’Écosse » ?

Gregor grimaça à nouveau.

— Je ne sais pas, sire.

Le pire dans ce fiasco était que son anonymat au sein de la Garde des Highlands avait été compromis. Ils ne s’étaient pas encore remis de la défection d’Alex Seton et de son passage dans le camp ennemi. Cette ordure les avait tous trahis. Que Dieu vienne en aide à leur ancien frère d’armes s’ils se trouvaient face à lui lors d’une bataille. Son ancien équipier, Robbie Boyd, était certain qu’il n’avait pas divulgué leurs identités aux Anglais. Toutefois, après ce qui s’était passé au village, Gregor savait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne soit identifié.

L’anonymat était l’une des raisons qui l’avaient poussé à rejoindre la Garde. Il s’y sentait libre. Il voulait se faire un nom grâce à son arc, et rien d’autre. Dans la Garde, il n’y avait rien pour le déconcentrer, comme lors des jeux des Highlands. Il n’y avait pas de parent bien intentionné tel que son oncle Malcolm, le chef des MacGregor, lui soufflant qu’il devait aider son clan en acceptant l’une des femmes qu’il lui présentait et qui ne demandaient qu’à l’épouser. Gregor vaincrait les Anglais, aiderait à stabiliser le trône de l’homme qui était devenu comme un second père pour lui et accomplirait son devoir envers son clan à sa manière. Par sa bravoure et son talent uniquement.

— Moi non plus, conclut le roi. Il vaudrait mieux que tu te fasses discret pendant un temps.

Gregor allait protester, mais Bruce l’interrompit :

— Juste pour quelques semaines. De toute manière, Noël approche. Je t’enverrai chercher lorsque nous serons prêts à prendre Perth.

Bruce comptait assiéger le château de Perth au début du mois de janvier. Il rassura Gregor d’un sourire bienveillant.

— Dieu sait que nous avons tous besoin d’un répit bien mérité. Profitons de ces quelques semaines pour nous détendre et nous éclaircir les idées. J’ai besoin que vous soyez tous au sommet de votre forme.

Il s’adressait au groupe, mais Gregor n’était pas dupe. Le roi savait qu’il rencontrait des difficultés depuis quelques semaines. C’était la seule raison pour laquelle il leur accordait du « repos ». Gregor ne s’était pas montré à la hauteur de ses attentes. Mortifié, il acquiesça. Le roi lui tendit un parchemin plié et ajouta :

— D’autre part, ceci est arrivé il y a quelques jours de la part de ton frère.

Gregor laissa échapper un gémissement et regarda le message comme s’il était porteur de la peste. Qu’avait-elle encore fait ?

Il prit la lettre à contrecoeur, ne voulant pas savoir ce qu’elle contenait. Son frère John, qui avait été destiné à prendre l’habit avant la mort de leurs deux frères aînés, avait reçu une bonne instruction, ce qui n’était pas le cas de Gregor. Toutefois, il lisait suffisamment bien pour comprendre le bref message : « Viens dès que tu pourras. C’est urgent. » Loin de l’inquiéter, cela ne fit que l’énerver. Il jura dans sa barbe.

— Des problèmes ? demanda Bruce d’un ton innocent.

Il avait beau être roi, cela ne voulait pas dire que Gregor ne pouvait pas lui lancer un regard torve de temps à autre.

— Il semblerait qu’on ait besoin de moi à Dunlyon, répondit-il.

Tout comme le roi, MacSorley avait deviné la source de sa mauvaise humeur.

— Quelque chose ne va pas, la Flèche ? demanda-t-il. Ne me dis pas que tes belles ailes d’ange se sont enfin flétries aux yeux de ta charmante pupille ?

— Ce n’est pas ma pupille, bougre d’âne !

Il ne releva pas l’allusion à l’ange. Heureusement, depuis qu’Helen MacKay avait pris ce nom de guerre, ils avaient cessé de le surnommer ainsi.

— Dans ce cas, qu’est-elle pour toi ? demanda MacRuairi.

Il n’en savait fichtre rien. Une harpie ? Un châtiment ? Une épreuve pour sa santé mentale ? Cette fille avait l’art de s’attirer des ennuis. Depuis le jour où il l’avait amenée chez lui, elle n’avait cessé de provoquer des « urgences ».

Comme la fois où elle s’était inscrite à un concours local de tir à l’arc en se faisant passer pour un garçon. Les traits cachés sous une capuche, elle avait supplanté tous les jeunes tireurs de la région, provoquant un tollé. Il était probablement un peu responsable. Quand il lui avait dit qu’elle pouvait apprendre à se défendre, il n’avait pas imaginé qu’elle prendrait les arts de la guerre autant à coeur.

John, qui l’entraînait, avait dit qu’elle était plus douée que certains des hommes qu’il commandait. Son frère exagérait certainement. Ce n’était qu’une fille et, qui plus est, un petit bout de fille. Néanmoins, la première impression qu’il avait eue d’elle des années plus tôt avait été la bonne. C’était une petite créature coriace, une battante. Elle était également têtue, orgueilleuse, opiniâtre, autoritaire et trop sûre d’elle. Des traits de caractère parfaitement acceptables chez un homme, pas chez une jeune fille.

Il avait du mal à rester en colère contre elle. Ce n’était pas une beauté, loin de là, mais elle était charmante et sans prétention. Jusqu’à ce qu’elle sourie. Lorsqu’elle souriait, elle était adorable. En outre, elle le vénérait, ce qui le mettait mal à l’aise. Surtout maintenant qu’elle avait grandi. Elle le… déstabilisait. Or, il n’avait vraiment pas besoin d’être déconcentré en ce moment.

— Quand nous présenteras-tu cette enfant ? demanda Bruce.

Ce n’était plus une enfant, hélas. Il s’en était rendu compte, à sa plus grande honte, lorsqu’il était rentré au château familial un an plus tôt, pour l’enterrement de sa mère. Cate s’était effondrée, en larmes, et avait fini dans ses bras, assise sur ses genoux par-dessus le marché.

— Comment s’appelle-t-elle, déjà ? demanda Bruce. Caitrina, c’est bien ça ?

Gregor acquiesça, surpris que le roi s’en souvienne. Cinq ans plus tôt, lorsqu’il était rentré au camp après avoir conduit la jeune fille chez sa mère, Bruce avait été horrifié d’apprendre ce qui était arrivé aux villageois. Comme les membres de sa Garde, il avait été ému par la tragédie vécue par l’enfant et s’était intéressé à son sort.

— Oui, sire. Caitrina Kirkpatrick.

Toutefois, sa mère l’avait toujours appelée Cate.

— Quel âge a-t-elle à présent ?

Gregor haussa les épaules.

— Dix-sept ou dix-huit ans, je crois.

— C’est pourtant simple, déclara MacRuairi. Si tu ne veux plus l’avoir sur le dos, tu n’as qu’à lui trouver un mari.

Si la Vipère n’avait pas été une ordure, Gregor l’aurait volontiers embrassé. La marier, mais bien sûr ! Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ?

Il y avait néanmoins un hic. Où trouver un homme assez fou pour l’épouser ?

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《— Foutu chien. Il va falloir trouver des loquets plus efficaces pour le nouveau donjon.

Les travaux de construction du nouveau château en pierre étaient presque achevés. Ils avaient commencé quelques années après que Gregor était rentré définitivement à Dunlyon. Enfin, plus ou moins définitivement. Bruce avait encore recours à ses « Fantômes » pour régler des situations « délicates ». Cate avait convaincu son mari de reprendre son arc et de continuer à défendre la couronne de son père, tout en effectuant moins de missions. Il passait le plus clair de son temps avec elle, mais, quand le roi avait besoin de lui, il se tenait prêt.

Ses deux mains plaquées sur ses fesses, il la reposa doucement sur le sol. Elle mit un moment à trouver son équilibre, les jambes encore molles après leur étreinte enfiévrée. Même après douze ans de mariage et la naissance de cinq fils, sans compter les cinq enfants « abandonnés » qu’ils avaient adoptés, Gregor ne se lassait jamais de la surprendre dans les réserves.

Elle ne s’en plaignait pas. À quarante-trois ans, il l’éblouissait tout autant, sinon plus, que lorsqu’il en avait eu trente et un. Elle avait vu juste : la bosse sur son nez ne faisait qu’ajouter à son charme, tout comme les marques du temps et des combats sur son visage. Il y avait sans doute de nouveaux prétendants au titre, notamment dans leur propre maison, mais, à ses yeux, il serait toujours le plus bel homme d’Écosse.

Elle remit un peu d’ordre dans sa tenue et sa coiffure, puis déclara en riant :

— Ne te plains pas, pour une fois Berry t’a laissé finir avant d’intervenir. Le pauvre est simplement jaloux. Il ne supporte pas que tu l’ignores.

Gregor lança un regard torve vers le petit terrier.

— C’est un emmerdeur, voilà ce que c’est !

Cate se pencha et gratta la tête du chien.

— Ne l’écoute pas, Berry. Il t’aime.

Pip avait finalement baptisé son petit chiot « Berry » après que le Faucon lui avait raconté l’assaut raté de Berwick. Le marin et lui partageaient le même sens de l’humour et étaient devenus de bons amis au fil des ans.

Gregor fit une grimace malicieuse.

— C’est une bonne chose qu’il ait attendu. J’ai besoin d’un autre fils.

Il s’écarta prudemment. Cate était toujours capable de l’envoyer à terre quand elle le voulait. Elle s’entraînait moins qu’avant, mais quand les filles en auraient besoin, elle saurait les former. À quatorze ans, Maddy savait déjà bien se défendre. Elle avait beau ressembler à une poupée de porcelaine, c’était une coriace. Il le fallait, avec tous ces garçons autour d’elle.

— Ne plaisante pas avec ça, Gregor. Je viens juste de sevrer ton dernier fils. Si tu ne me donnes pas une fille, je mettrai un verrou sur ma porte. Maddy et moi aurions été obligées de déménager depuis longtemps si Beth et Jeannie n’étaient pas arrivées.

Les deux petites filles, des sœurs, étaient venues vivre avec eux deux ans plus tôt, après la mort de leurs parents emportés par la fièvre.

— Vivre au milieu de tous ces garçons revient à vivre dans une porcherie. Comment se fait-il qu’ils soient tous nés avec l’incapacité de ramasser leur linge sale sur le sol ?

— La vie est un mystère infini, répondit-il sans pouvoir cacher son amusement.

— Je t’en ficherais des mystères infinis ! Si je suis malade tout au long de la route jusqu’à Scone, ce sera ta faute.

Il retrouva aussitôt son sérieux.

— Mince, Cate. Je n’y avais pas pensé. Je regrette que tu souffres autant chaque fois.

Elle n’avait pas voulu le perturber et le rassura :

— Je plaisantais. Ce n’est pas si dramatique. Cela ne dure que quelques mois. En outre, cela en vaut la peine.

Elle songea à sa mère avec un pincement au cœur. Il paraissait injuste qu’elle ait eu tant de mal à avoir un second enfant quand il suffisait que Gregor regarde Cate pour qu’elle se retrouve avec la tête dans une bassine. D’un autre côté, elle savait combien sa mère aurait été heureuse de la voir entourée d’autant d’amour.

Elle avait toute la famille dont elle avait rêvé, y compris un nouveau demi-frère très attendu. Il était la raison de leur voyage. Après dix ans de règne incontesté et la libération de sa reine, le roi d’Écosse avait enfin un héritier légitime. David était né en mars et Bruce projetait une célébration comme le pays n’en avait pas vu depuis longtemps. Avec l’arrivée de David, le royaume et le trône étaient plus solides qu’ils ne l’avaient jamais été depuis la mort du roi Alexandre III.

Ils emmenaient toute la famille, y compris le dernier-né, John. Ce serait la première fois qu’ils seraient tous réunis depuis cinq ans. Comme Pip avant lui, Ruadh (elle avait perdu la bataille pour lui conserver son vrai prénom depuis longtemps) était en apprentissage chez Arthur Campbell. Pip était chevalier dans l’armée de Bruce depuis bientôt cinq ans. Qui aurait cru que le garçon maigrichon au visage ingrat deviendrait un jeune homme au physique pouvant rivaliser avec celui de son père adoptif ? Grand, carré, les traits virils, Pip était un vrai séducteur. Qu’il soit l’un des meilleurs cavaliers d’Écosse et un champion du jet de lance ne gâchait rien.

Il possédait également un sens de l’humour ravageur, que Gregor imputait à la mauvaise influence du Faucon. L’une de ses plaisanteries favorites était de présenter les innombrables jeunes filles qui lui couraient après à sa mère adoptive. Cate devait reconnaître qu’il était drôle de voir leur tête tandis que leurs regards stupéfaits allaient de l’un à l’autre, essayant de comprendre. Maintenant que Pip était adulte, leurs six ans d’écart ne se voyaient presque plus.

Gregor devina ses pensées et sourit tendrement.

— Ils doivent avoir autant hâte que toi.

— Je trépigne d’impatience. Je me réjouis aussi de revoir tous les Fantômes et leurs familles. Je crois que l’aînée d’Arthur et d’Anna a jeté son dévolu sur Pip. Non pas qu’il semble l’avoir remarqué.

Gregor fronça les sourcils.

— Mais elle n’a que…

— Quinze ans, et lui vingt-sept.

Elle haussa les sourcils, le défiant d’objecter.

— Ça ne te rappelle rien ?

Il se mit à rire et la prit dans ses bras.

— Il ne se laissera pas mettre le grappin dessus facilement, la prévint-il.

— Je sais, ils résistent toujours.

Mais quand ils cédaient, c’était pour toujours. Elle était bien placée pour le savoir.》

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Après avoir été poussé dans ses derniers retranchements la veille, Gregor se rendit sur le terrain d’entraînement à la première heure. Il avait envie de tuer quelqu’un et il lui fallait un exutoire. Non, pas juste « quelqu’un » : ce fils de catin qui n’avait cessé de tripoter Cate tout au long de la soirée.

Le seul souvenir de la main de Randolph posée dans le creux de ses reins puis glissant subrepticement vers le bas faisait bouillir son sang.

Il leva son épée puis l’abattit avec toute la frustration et la rage qu’il ressentait. Fort heureusement, son partenaire était le meilleur épéiste d’Écosse et ne connaissait pas le sens du mot « entraînement ». Avec Tor MacLeod, il n’y avait pas d’exercice qui comptait ; tous les coups étaient permis.

Il para le coup, non sans mal. Le chef de la Garde recula d’un pas pour faire une pause et reprendre son souffle.

— Tu as mangé du lion ce matin, la Flèche ! Si tu continues comme ça, on va te trouver une nouvelle place dans la Garde, avec ou sans ton arc.

Il lui lança un regard ironique.

— Je n’ai sans doute pas besoin de te demander quelle mouche te pique ? J’ai vu Randolph danser avec ta fiancée hier soir.

Il se redressa brusquement en regardant derrière Gregor. Celui-ci se tourna juste à temps pour voir Cate débarquer d’un pas martial.

— Je ne suis pas sa fiancée, lança-t-elle sèchement à MacLeod.

Gregor était tellement content de la voir et si occupé à l’admirer sous toutes les coutures que, cette fois, même le regard acerbe qu’elle lui lança ne lui fit rien.

— Pourquoi ne t’entraînes-tu pas avec ton arc ? demanda-t-elle. Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de ne plus vouloir faire partie de… euh… (Elle lança un regard hésitant vers les hommes présents.) … de l’armée ?

Malheureusement, sa place dans « l’armée » n’était plus un secret. Il poussa un soupir, maudissant Bruce pour avoir craché le morceau, puis ôta son heaume et passa une main dans ses cheveux trempés de sueur.

— On peut parler de ça plus tard, Cate ?

MacSorley, assis à l’ombre de l’armurerie d’où il avait observé l’entraînement, se leva et avança d’un pas.

— Pourquoi attendre, joli coeur ? Je suis assez curieux de savoir ce que tu as à dire sur le sujet.

Il indiqua d’un signe de tête les autres membres de la Garde présents : Sutherland, MacKay, MacRuairi et Campbell.

— Nous le sommes tous, ajouta-t-il.

Le dos au mur, Gregor serait sûrement sorti de ses gonds si Cate n’avait pas involontairement volé à son secours. Elle se tourna vers MacSorley.

— Je ne suis pas sûre que « joli coeur » soit le surnom qui lui convienne. Avec sa tête amochée, il n’est plus si joli que ça.

Tu parles d’un secours !

— Vous avez raison, convint MacSorley. Je vais devoir lui trouver autre chose. Cela dit, ne vous inquiétez pas pour son joli minois, il cicatrisera en un rien de temps. Il vous a déjà raconté comment on l’a trempé dans le Styx quand il était bébé ?

Gregor marmonna une imprécation pendant que Cate riait.

— Vous voulez dire, comme Achille ? Sa mère l’a-t-elle tenu par le talon, elle aussi ?

Ce fut au tour de MacRuairi de s’en mêler.

— À vrai dire, nous ne lui avions trouvé aucun point faible, jusqu’à récemment.

Cate scruta les visages autour d’elle, attendant une explication.

Il y eut un silence, puis Gregor poussa un soupir exaspéré.

— C’est de toi qu’il parle, Cate.

Ils se dévisagèrent un long moment. Pour la première fois depuis longtemps, elle le regardait sans haine ni colère. Elle cligna les yeux.

— Oh ! fit-elle.

Conscient de tous les regards tournés vers eux, il lui prit le bras.

— Allons discuter dans l’armurerie. Nous n’y serons pas interrompus.

— Dommage, lança MacSorley à Cate. J’espérais que vous me donneriez ma revanche. J’attendrai donc, mais ne mettez pas une aussi jolie robe. La prochaine fois, ce ne sera pas moi qui mordrai la poussière.

Cate riait toujours quand Gregor l’entraîna vers l’armurerie.

— Il est vraiment très drôle, observa-t-elle. Je comprends que tu l’aimes autant.

— Le Faucon est un emmerdeur et je le déteste, marmonna-t-il. Attends un peu qu’il te trouve un surnom.

— Tu crois vraiment qu’il le fera ? Comment m’appellera-t-il, à ton avis ?

— Je n’ose même pas y penser, mais sois sûre que tout le monde sera plié en deux, sauf toi, et moi probablement.

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Elle poussa un soupir en levant les yeux au ciel.

— Tu es vraiment comme ton père ! Lui aussi, c’est un patient insupportable.

Cate retint un sourire. Même si elle n’était pas flatteuse, la comparaison n’était pas pour lui déplaire.

Elle aurait été surprise que quiconque parvienne à forcer la main à Helen MacKay. En dépit de son apparence frêle, la guérisseuse avait une volonté de fer et, d’après ce que Cate avait pu voir, elle menait le roi à la baguette.

— J’espère ne pas avoir à te faire avaler tes légumes de force ?

Cate secoua la tête, se souvenant de l’aversion de son père pour tout ce qui poussait dans la terre ou sur les arbres.

— J’aime les légumes, sauf les betteraves, répondit-elle en fronçant le nez.

— Laisse-moi deviner : elles ont un goût de terre. J’ai déjà entendu ça quelque part. Hier soir, j’ai surpris le roi en train de donner en douce aux chiens les carottes que je lui avais préparées spécialement. Aux chiens, tu te rends compte ?

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Il se tourna vers la petite fille qui gigotait dans les bras d’Ete.

— Et qui est cette charmante enfant ? demanda-t-il.

— Mathilda, mon seigneur, répondit la servante. Elle pèse son poids.

Gregor fronça les sourcils.

— Elle ne sait pas encore marcher ?

Cate et Ete échangèrent un regard.

— Pas vraiment, mon seigneur. Elle ne sait que courir.

Au même moment, Maddy lança « Pa’terre ! » sur un ton déterminé, en agitant vigoureusement les jambes.

— Elle parle ? s’étonna Gregor.

— Elle sait dire quelques mots, répondit Cate. Nous estimons qu’elle a environ seize mois.

Elle tendit les bras vers Ete qui avait visiblement du mal à retenir l’enfant.

— Donne-la-moi.

Pour une fois, Maddy ne voulait pas être dans les bras de Cate. Elle avait surmonté sa peur de Gregor et l’observait attentivement tout en gigotant et en répétant « Non ! Non ! Non ! » à Cate. Son visage devenait de plus en plus rouge et Cate craignit qu’elle ne se mette soudain à brailler, ce qu’il fallait éviter à tout prix.

— Tiens, prends-la, dit-elle soudain à Gregor en la lui mettant dans les bras avant qu’il n’ait eu le temps de refuser. Je crois que c’est toi qu’elle veut. L’air ahuri de Gregor aurait été comique si l’enfant ne s’était pas brusquement calmée. Elle se mit à émettre un son que Cate ne lui avait encore jamais entendu. Entre deux reniflements dus au rhume dont elle se remettait à peine, le bébé acariâtre (qui ne faisait que pleurer depuis une semaine) se mit à roucouler en faisant les yeux doux à Gregor.

Doux Jésus, il faisait donc le même effet à toutes ? La petite essayait de le charmer !

— Je crois que tu as fait une nouvelle conquête, observa Cate.

Le premier choc de Gregor s’était estompé, même s’il tenait toujours l’enfant comme si elle avait la gale. Il sourit néanmoins.

— Cette petite a du goût, répondit-il. C’est toujours ça. Elle est mignonne, si on aime les cheveux d’un blond presque blanc et les grands yeux bleus.

Elle aurait parié que c’était son cas. Cependant, quelque chose dans son ton la fit douter.

Gregor lui demanda ce qu’elle savait de l’enfant. Cate commença à lui répondre, mais Maddy semblait avoir une autre idée en tête. Elle se mit à gigoter et agita la main vers Gregor.

— À moi ! dit-elle. À moi !

— Je crois qu’elle veut votre broche, déclara Ete. Elle est attirée par tout ce qui brille.

Mais ce n’était pas la grande broche en or sertie d’un onyx qui retenait le tartan de Gregor autour de ses épaules qui l’intéressait.

Dès qu’il la tint plus près de lui, elle posa ses doigts trempés de salive sur sa joue.

— À moi ! Joli !

Il y eut un silence stupéfait.

Cate et Ete levèrent les yeux vers le visage ahuri de Gregor, échangèrent un regard puis éclatèrent de rire. La réaction horrifiée de Gregor en s’entendant qualifier de « joli » eut même raison de la mauvaise humeur de Pip.

Malheureusement, Eddie se mit à rire à son tour. C’est ainsi qu’ils apprirent qu’il n’y avait pas que la peur qui lui faisait perdre le contrôle de sa vessie.

Il tira sur les jupes de Cate.

— Oh non, chuchota-t-il. Je dois aller sur le pot.

Cate baissa les yeux et retint un gémissement.

— Je crois que c’est un peu tard, mon chéri.

— Qu’est-ce que… ? glapit Gregor.

Il fit un bond pour éviter le filet d’urine qui se dirigeait vers lui et manqua de laisser tomber Maddy.

Un seul regard vers son expression suffit à Cate pour comprendre que tout espoir de faire bonne impression s’était envolé. Elle prit le parti d’en rire et déclara :

— John t’avait bien dit de faire attention où tu mettais les pieds.

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Il l’interrompit, devinant où elle voulait en venir.

— Ça ne marchera pas, Caitrina. Ils ne resteront pas ici. Je sais que beaucoup de mères peinent à élever leurs enfants à cause de la guerre, mais je ne peux pas transformer Dunlyon en refuge pour tous les orphelins et les gamins abandonnés qui ne sont pas les miens.

Il fut soulagé de la voir à nouveau irritée ; cela calmait un peu ses élans de tendresse.

— Comment peux-tu être certain qu’ils ne sont pas de toi ? D’après ce que j’ai entendu, tu n’as pas manqué de partenaires de lit. Ta semence serait-elle stérile ?

Gregor en resta bouche bée. Elle était la seule capable de le déstabiliser aussi totalement. Il ignorait ce qui était le pire : qu’elle écoute les ragots sur sa vie sexuelle et sur le nombre de femmes qu’il mettait dans son lit (ou plutôt le nombre de femmes qui l’entraînaient dans le leur), ou qu’elle remette en question la qualité de son sperme ? Dans un cas comme dans l’autre, ce n’étaient pas des sujets pour une jeune fille et encore moins pour sa… sa… Il ne savait plus trop ce qu’elle était.

— Je suis parfaitement capable d’engendrer des enfants, rétorqua-t-il. Mais seulement si je le veux !

Elle fronça le nez, faisant craqueler la boue qui maculait son visage. Les fines lignes blanches au dessus de ses lèvres faisaient penser à la moustache d’un chaton trempé. Le sentiment confus et affectueux que cela suscita en lui fut aussitôt chassé lorsqu’elle reprit :

— Je ne vois pas comment tu peux en être aussi sûr. Avec toutes ces femmes, on pourrait penser que… Il avança d’un pas. Sa bataille pour rester calme avait été perdue d’avance.

— Caitrina…

Elle recula prudemment.

— Tu veux me dire qu’il est totalement inconcevable que tu aies pu commettre une erreur ?

— Je ne commets pas d’erreurs.

— Tout le monde en fait.

— Pas moi. Pas de ce genre.

Il était toujours très prudent. Certes, il subsistait une infime possibilité que…

Fichtre, elle avait encore réussi ! Elle le retournait sens dessus dessous, le faisait douter, le désarçonnait.

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