Les chevaux enchantés

Chapitre 1

« -- Réveille-toi, Arthur! On est arrivés!

-- Je ne dormais pas, a-t-il dit en bâillant. Je réfléchissais.

-- Ah? Tu ronfles quand tu réfléchis?

Il n'a pas répondu, s'affairant à récupérer nos bagages.

-- Tu n'oublies rien? a demandé mon ami Arthur.

-- Mais non!

-- Et ça?

Il me montrait mon chapeau. Je l'ai pris sans dire un mot. C'est vrai que j'étais un peu excitée à l'idée de passer quelques jours chez Élise. On allait à 1' école ensemble quand on était petites. Elle avait ensuite déménagé à la campagne, car son père élève des chevaux, mais on était restées amies.

Élise a de longs cheveux si blonds, si pâles, qu'ils paraissent blancs. Elle est plus grande que moi, même si on est presque du même âge, et elle adore mon chien Sherlock. Malheureusement, je n'ai pas pu l'emmener avec moi; c'est formellement interdit dans les autobus. Élise, elle, a un très vieux chien, Dagobert. Il dort tout le temps!

J'ai présenté Arthur à Mme Dugas, tandis que M. Dugas rangeait nos bagages dans le coffre de la voiture. Elise et ses parents habitent à vingt minutes de la gare. Leur maison est très jolie et, au loin, on distinguait les écuries.

-- On va pouvoir faire de l'équitation? a demandé Arthur.

-- Bien sûr! On prend une collation et on part ensuite en promenade.

J'ai mangé une tartine avec de la confiture de fraises des bois, puis je me suis changée dans notre chambre. Quand je suis redescendue, Arthur m'attendait. C'était la première fois qu'il était prêt avant moi! Il avait vraiment hâte de monter à cheval.

L'été précédent, il avait fait de 1'équitatation dans une colonie de vacances, et il avait adoré ça.

Elise était déjà rendue à l'écurie; elle en sortait en tenant deux chevaux par la bride. Un tout roux, Picotine, et un brun, Chocolat. Son cheval Mercure les suivait. Elle m'a fait signe de m'approcher de Picotine:

-- Tu verras, elle est très gentille, très douce.

J'ai flatté le cou de Picotine en me disant qu'elle était aussi très haute et très grosse. Arthur a grimpé sans problème sur son cheval, mais Elise a dû m'aider à mettre mon pied dans l'étrier. Puis elle a enfourché Mercure et elle nous a devancés. Chocolat l'a suivie immédiatement.

Picotine, elle, a commencé à manger une fleur séchée. J'ai dit «hue», mais ça n'a pas marché. J'ai donné un petit coup avec la bride; Picotine a avancé. Pour mieux brouter une autre fleur. Elise s'est alors retournée et elle a dit «Picotine» d'un ton ferme.

Mon cheval s'est mis en route. J'aimerais avoir autant d'autorité que mon amie!

On s'est rendus jusqu'à la rivière, où les chevaux ont bu. J'avais l'impression que mes fesses étaient plates comme des, galettes. Je ne me suis pas plainte, car Elise et Arthur semblaient ravis de leur promenade. Élise nous a dit qu'on irait encore plus loin la prochaine fois, mais on devait maintenant rentrer; étant donné que son oncle Édouard arrivait de France.

-- De France?

-- Oui, il vit à Versailles, près de Paris. C'est le frère de maman. Il est jockey.

-- Jockey?

-- Il monte des chevaux de course. C'est pour cette raison qu'il est venu ici; il y a une course importante à Montréal après-demain. Il y participe avec son cheval Pégase. C'est un cheval fabuleux, a poursuivi Élise. Il a gagné plusieurs courses. Il est très beau, tout blanc.

-- Comme Mercure? a dit Arthur.

Élise a souri en caressant la crinière de son cheval:

-- Encore plus beau. Sa crinière est gris pâle; on dirait de l'argent! C'est la coqueluche des journalistes sportifs. Mon oncle est très connu en Europe, mais c'est seulement la deuxième fois qu'il vient courir en Amérique. »