Extraits

Nous en avons déjà parlé. Je n'ai pas peur de mourir, ce qui m'effraie le plus au monde, c'est la solitude. Quand j'étais petite, même dans une pièce remplie de personnes, il m'arrivait de me sentir seule, à en hurler de désespoir. Avec toi, ce n'est jamais le cas. Avec toi, je me sens toujours vue, entendue. Même quand nous ne parlons pas.

Ne donne pas tout pouvoir à la peur.

J'avais gagné ma liberté et découvert qu’elle n'était pas tout à fait comme je l'avais imaginée. Elle était cent fois plus vive, et cent fois plus fragile.

Le mutisme de Seiren dura si longtemps que je fini par croire qu'elle ne répondrait pas. Ichirô pouvait se montrer têtu, j'avais ma persévérance ; ce n'était rien en comparaison de l'opiniâtreté dont notre amie pouvait faire preuve. Mais quand elle renifla, je compris que je m'étais trompée, encore une fois. Seiren n'était pas murée dans un silence hautain. Elle pleurait.

Bientôt, elle s'allongea à son tour près de moi, sur ma droite. Les larmes roulaient sur ses joues en reflétant l'argent du ciel. Je rapprochai une main de la sienne, laissant mes épais bandages prendre délicatement appuis contre sa peau. J'eus l'impression que, de cette façon, je dressais comme un pont entre mes deux amis, et qu'un peu de leur force se déversait en moi.

L'ombre du shogun fondait sur nous, sa faucille déjà en main, plus rapide et féroce qu'un animal sauvage.

Ichirô le balayeur et Hiinahime la cloitrée avaient parcourut un long chemin, depuis leur rencontre. Aujourd'hui, ils s'apprêtaient à réparer le mal qu'ils avaient fait.

Ichirô était la personne que je comprenais le mieux au monde, il était en quelque sorte mon reflet, celui que j'aurais pu être et qui aurait pu être moi, dont les silences étaient discours et les regards poèmes.

Spoiler(cliquez pour révéler)« Et pourtant, c'est Seiren que je désire. »

- Lorsqu'un homme n'a que le seul intérêt d'une femme à l'esprit, cela n'aboutit généralement qu'à deux choses : son asservissement ou sa mort.

Les paroles de Seiren rebondirent dans la nuit.

Alors que les feux du couchant embrasaient mes pupilles, je pris enfin conscience de ce que Nami et moi avions accompli.

Nous avions brisé nos chaînes. Plus rien ne m'entravait, à l'exception de ce visage d’étrangère sans lequel j'aurais pu me fondre dans la masse et disparaître pour de bon. Mais, même sans cela, jamais le shogun ne retrouverait ma trace, je m'en faisait le serment.

- J'ignorais que les femmes pouvaient être docteurs, répliquai-je en jetant un regard de défi à ma nouvelle interlocutrice.

Celle qui se prétendait doctoresse plissa les yeux.

- Croyez-vous que le palais impérial autoriserait un homme à approcher si intimement les femmes de l’empereur ? Non, de tout temps, le soin des concubines est revenu à des femmes. Nos confrères masculins nous traitent avec mépris, affirmant que nous sommes des ignares, à tout le mieux guérisseuses ou sages-femmes ! Les mêmes qui nous interdisent l'accès aux écrits, nous limitant à un enseignement oral !