Extraits

— Je ne m’y ferai jamais.

— À quoi donc ?

Ses lèvres avaient maintenant abandonné mon avant-bras pour remonter jusqu’à mon épaule.

— Ton sens de l’humour.

Je sentis son sourire contre ma peau et je baissai les yeux pour admirer son regard espiègle. Un regard qu’il ne réservait qu’à moi. Pour tous les autres, il était le prince, l’héritier du trône… Mais pour moi, il était ça et bien plus encore. J’étais le seul à le voir entièrement, le seul à qui il ait offert ce privilège.

— À ton avis, qui serait assez malavisé pour venir déranger son roi à une heure pareille et en se montrant aussi insistant ?!

— Ren, bien entendu.

Il me jeta un regard noir dont les membres de sa famille avaient le secret et poussa un grondement menaçant dont je ne me formalisai pas.

— Est-ce que Ferin est attaqué ?

— Euh, non, pas que je sache…

— Tu as mis le feu au palais ? À la cité ? Réveillé quelques dieux dont nous n’avons jamais entendu parler ? Mon fils est-il à l’agonie ?

— Non, rien de tout ça.

— Alors pourquoi, par tous les Dieux réunis, es-tu devant ma porte à me harceler ?

Bon, il était vraiment de mauvais poil… Mais Rydënhad était toujours de mauvais poil de toute façon alors…

— Tu n’oublieras pas mon cadeau, hein ?

— J’en ai passé commande il y a dix jours…

J’essayai de me redresser, mais il m’en empêcha d’une pression du bras sur ma hanche.

— Quoi ? Mais tu ne m’as dit oui que ce soir !

— Mais je savais, il y a dix jours, que tu me ferais dire oui ce soir.

— Alors pourquoi m’avoir dit non, bon sang !

Je sentis un sourire un peu endormi se former sur ses lèvres, contre mon épaule.

— C’était amusant de te voir argumenter avec tant de passion.

— Ryhad, tu es le pire ! Tu le sais, ça ?

— Absolument et tu adores ça.

— Que tu sois le pire ? Certainement pas, ça m’énerve !

— Non, tu aimes devoir argumenter, te battre pour chaque petite chose que tu souhaites obtenir… Je t’offre juste le loisir de t’opposer à moi. Ça te distrait la plupart du temps et donc tu fais moins de bêtises.

— Hey ! Je ne fais pas de bêtises !

— Dois-je vraiment te rappeler l’émeute que tu as déclenchée sur la place du marché en te rendant seul dans la cité ?

— Euh, non… ça ira.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je profite.

— Quoi ?

Il passa de l’autre côté du lit et je pus à nouveau le voir. Là, je compris avec un certain effroi que mon idée n’était pas si affreuse que ça à ses yeux. Il me dévorait à présent du regard, sous toutes les coutures et c’en était troublant… Voire effrayant. Il ne m’avait jamais regardé avec une telle intensité sans que nous soyons en plein cœur de l’action.

— J’ai dit « je profite ». Et j’admire aussi.

— Mais je…

— Chut, pas un mot.

— Je suis réveillé depuis que tu as passé la porte…

— Je sais.

Il était toujours parfaitement conscient du moindre de mes mouvements quand je me retrouvais dans la même pièce que lui. Qu’il ait les yeux ouverts ou fermés ne changeait absolument rien.

Je me débarrassai du manteau de fourrure, de mes bottes et de mon pantalon, laissant le tout en tas organisé au pied du lit. Puis je grimpai sur le matelas et me rapprochai du corps endormi. Ryhad avait une façon bien à lui de dormir ; détendue et pourtant outrageusement provocante. Il se tenait allongé sur le dos, une main posée sur son ventre nu, à la limite des couvertures qui dissimulaient le bas de son corps. Je savais qu’il l’avait fait exprès. Il ne faisait pas assez chaud pour se passer de couette, mais il aimait me donner du spectacle. Foutu vampire arrogant !

— Je répète, tu es vraiment le pire.

— Je sais, et c’est pour ça que tu t’es uni à moi, mon petit Ren.

— Oui et non. Il était trop jeune pour travailler, mais on le considérait déjà comme l’apprenti de la maison des plaisirs de Ferin. Mais maintenant, dis-moi, tu l’as juste croisé ? Tu es sûr ?

— Ryhad, je suis même pas capable d’être à l’aise avec toi, alors avec un autre, laisse-moi rire !

Bien, j’avais marqué mon point. Ryhad n’était pas content, mais au moins il me foutrait la paix avec ses soupçons hasardeux.

Il posa sa main sur ma joue pour que je relève la tête et le regarde. Rien que l’idée de lui offrir ce cadeau me mettait sens dessus dessous.

— Si tu n’as pas eu le temps d’en trouver un, ce n’est pas grave, je…

— Non, j’en ai un, mais je ne peux pas te l’offrir ici. On doit être rien que tous les deux pour ça.

— Hmm… Dans ce cas, il me plaît déjà.

— J’ai juste besoin d’un peu de temps, parce qu’il n’est pas tout à fait prêt… Enfin si, il l’est, mais…

— Ren, je t’en prie, prends tout le temps qu’il faut pour que ce soit parfait pour toi.