Extraits

« Killian ne sait rien faire d’autre que d’aboyer des ordres. Son loup, en revanche… Il est enjôleur. Observateur. »

Je me raidis. On ne s’adresse pas à un loup d’un rang supérieur sur ce ton, mais à un certain moment, le visage de Killian a perdu de son agressivité. Il continue de me crucifier du regard, mais de façon plus mesurée. Plus songeuse. Il se rapproche encore et plaque son torse massif contre mes bras croisés. Je suis dos au mur, dans tous les sens du terme. Mais je ne panique pas. Je suis… curieuse ? Ma louve est fascinée. Elle est à la frontière entre lui et moi. Elle regarde à travers les fentes de la palissade. Je sens une bosse contre mon ventre. Qu’est-ce que c’est que ça ? Oh, merde.

Je sais ce que c’est. C’est sa queue. Il est dur. Je le rends dur. Mais qu’est-ce qui se passe ? Je ne baisse pas les yeux, sinon je perdrais tous mes moyens. Certes, je ne suis pas une oie blanche. Il y a eu ce type qui vendait des pipes en verre sur le marché. Il était sympa, et vivait dans un camping-car. Il m’a invitée à admirer sa collection privée. Ensuite, je suis allée me baigner dans le lac pour me débarrasser de son odeur. C’était une après-midi merveilleuse. J’étais seule, vivante, indépendante et libre. Il vit dans le nord-ouest du Pacifique, maintenant. Il a des gamins et travaille dans l’informatique. On est amis sur les réseaux sociaux. Et puis il y a eu ce mâle de la Frontière Nord qui est resté avec nous pour s’entraîner. Je croyais qu’il me manquerait, mais en fait non. C’étaient nos escapades secrètes dans les bois qui m’excitaient, pas lui. Enfin, bref. J’ai déjà vu des queues. Mais pas de cette taille. Pas des queues d’alpha. Je déglutis. J’ai les joues en feu. Par bonheur, il se recule un peu.

— Tu as tort, dit-il enfin d’une voix grave. Tu es une menace.

Je secoue la tête.

— Tu as captivé un loup alpha, explique-t-il. Comment diable as-tu fait ?

Sa pomme d’Adam tressaute quand il parle. Ses traits sont taillés à la serpe, et même son cou, strié de veines saillantes, exsude de force. Je salive. J’ai envie de plonger mes dents dedans. J’ai beau savoir que mon avenir se joue en cet instant, mon attention se dérobe constamment. Son corps est fascinant. Le creux où ses épaules rejoignent ses pectoraux. La piste de poils foncés qui commence juste au-dessous de son nombril… Il me lève doucement le visage.

— Regarde-moi, dit-il d’un ton déconcerté. Qu’est-ce qui se passe, Una Hayes ?

Je déglutis.

— Tu me sermonnes.

— J’ai plutôt l’impression que c’est l’inverse.

— Eh bien, si j’étais alpha, je ne laisserais pas des enfoirés comme Lochlan Byrne donner des coups de pied aux gens quand ils sont à terre. Et tu as eu du bol de ne pas tuer Gael… — Je n’essayais pas de le tuer. Je faisais passer un message. — Lequel ? — C’est moi qui pose les questions, grommelle-t-il. — Pas terrible, comme résultat. Est-ce que je viens vraiment de dire ça ? Est-ce que je ne pousserais pas le bouchon un peu trop loin, comme dirait mon père ? Il tend le bras vers mon visage. Je frémis. Il hésite une fraction de seconde, puis effleure ma joue du bout des doigts, semant des frissons dans son sillage. Puis son regard se durcit et il passe la main derrière ma tête pour agripper ma natte par la base. Il m’attire contre son torse et noue mes cheveux autour de son poing, forçant mon dos à se cambrer, mes hanches à se plaquer contre les siennes. À nouveau, je sens sa virilité contre mon entrejambe. Mon cuir chevelu me pique. Je gémis, scrutant ses pupilles à la recherche de l’or de son loup. Il n’est nulle part. Mon propre animal a baissé la tête. Elle ronronne presque.

— Laisse-moi partir, murmuré-je. Je pouvais me foutre de lui quand il y avait de l’espace entre nous, mais maintenant que je suis enivrée de sa chaleur, mon instinct de louve prend le dessus.

Je brûle de me soumettre. De me présenter.

— Non.

Il tire sur ma natte en inclinant ma tête en arrière pour me forcer à ployer l’échine. Ça devrait être humiliant, mais ça ne l’est pas. Une partie de moi, primitive, le veut. Je déglutis encore et bredouille en m’efforçant désespérément de me cramponner à la réalité.

— D’abord des croche-pattes. Et maintenant, on me tire les cheveux. On est de retour à l’école ?

— Je n’ai jamais tiré sur tes couettes, Una Hayes. T’étais toujours fourrée dans les jupes des profs.

Il se penche et enfouit son visage dans mon cou et respire. Des fourmillements me parcourent le dos.

— Pourquoi je ne sens pas ton excitation ?

« Et ouais, c’est Killian Kelly. Le partenaire qui m’a rejetée. Alors, non, je ne suis pas excitée. »

« Killian, lui, est intrépide, opiniâtre et impitoyable. Le but de sa vie est de forcer tout le monde à lui ressembler. Si Killian est un connard, Lochlan est dangereux. C’est un nostalgique du « bon vieux temps ». Celui où les chiennes se soumettaient. Où les mâles pouvaient baiser qui ils voulaient. Où l’alpha éliminait les loups handicapés. Pour leur propre bien… »

« En plus d’être le loup le plus imposant des cinq meutes, c’est un instamorphe. Il peut passer d’animal à humain, et vice-versa, à volonté, sans effort, en un clin d’œil. C’est un avantage imbattable. »

« Una Hayes a du cran, en fin de compte. Elle n’est pas aussi faible qu’elle le paraît. Et c’est le moins qu’on puisse dire. Elle s’est attaquée à Haisley devant la meute entière, et après s’être fait botter les fesses, elle s’est autoproclamée femelle alpha. »

« Quand je lui aurai mis la main dessus, je l’attacherai à mon lit. Hors de question de la courtiser. Je suis l’alpha. Elle est à moi. Et il est temps de mettre un terme à ces conneries. »

[Una]

But not before I see the black band around his wrist. It’s my missing hair tie.