Les Clecaniens, Tome 5 : Using Fejo

Elle retourna le cylindre, plissant les yeux et essayant de comprendre ce que c’était. Soudain, son cuir chevelu se mit à la picoter, et les poils se dressèrent sur ses bras. Elle sut que quelqu’un se trouvait derrière elle avant même de se retourner.

S’attendant à voir la propriétaire du magasin, elle fut surprise de trouver un homme à la place. Il était plus proche qu’elle ne l’avait prévu, mais elle ne comprenait pas comment il avait pu se faufiler jusqu’à elle. Vanessa avait passé une bonne partie de sa vie sur le qui-vive, et le fait que ce type se soit approché à moins d’un mètre avant qu’elle ne s’en aperçoive ne présageait rien de bon.

— Bien le bonjour. On fait des emplettes ? demanda-t-il d’une voix grave et douce.

Vanessa se mordit la langue pour retenir sa réplique sarcastique. Son « mauvais comportement » et ses « compétences relationnelles désastreuses » comptaient parmi les nombreuses raisons pour lesquelles elle n’avait jamais gardé un emploi bien longtemps. Mais pourquoi était-ce sa faute si les gens posaient des questions stupides ?

— Oui. Est-ce que vous vendez quelque chose, ou est-ce que vous aimez juste poser aux femmes des questions dont vous connaissez déjà les réponses ?

Elle n’avait pas pu s’en empêcher. Sa sœur appelait ça de l’autosabotage. Julie affirmait que Vanessa était constamment sur la défensive pour repousser tout le monde.

Pendant un moment, elle se demanda si elle devait s’excuser, mais l’homme sourit. Elle ressentit un frisson bien différent lorsqu’elle remarqua la fossette sur sa joue droite et ses dents blanches et régulières. Il était grand, comme beaucoup d’hommes du coin, et beau. Ses cheveux noirs ébouriffés étaient attachés en un de ces ridicules chignons masculins. En réalité, elle aimait bien cette coiffure, mais tous les gars qu’elle avait rencontrés et qui en portaient s’étaient avérés insupportables. Des hipsters ou des accros à la salle de sport vaniteux qui passaient plus de temps à se prendre en photo qu’à parler.

À en juger par sa tenue, ce type était à mi-chemin entre les deux. Sa tunique brune ample dévoilait une partie de son torse bronzé et de ses bras, mettant en valeur sa silhouette musclée et sa peau lisse couleur olive.

Son haut était parfaitement froissé et suffisamment éliminé pour qu’il soit difficile de dire s’il l’avait acheté ainsi ou s’il l’avait depuis un certain temps. Le pantalon marron foncé dans lequel son haut était rentré et les bottes noires lacées jusqu’aux genoux lui donnaient l’apparence d’un docker ou d’un marin sorti d’un vieux film.

Ses yeux se posèrent sur une longue et fine ligne brun-rouge qui courait le long de son bras sculpté. Il y avait une ligne identique de l’autre côté. Les marques semblaient commencer sur les côtés de son cou, juste sous ses oreilles, puis s’étirer sur le haut de ses épaules et disparaître sous le col ample de sa tunique. Elles réapparaissaient au niveau de ses manches et s’étendaient le long de ses bras jusqu’à ses poignets. C’étaient les seules marques visibles chez lui, et elles n’avaient rien à voir avec les marques tourbillonnantes et scintillantes de nombreux Clecaniens de la race des Lignas.

Ses biceps épais se contractèrent sous ses yeux et elle se concentra son visage. Il s’approcha, dégageant une odeur d’eau de mer salée. Était-ce vraiment un marin ? Elle avait entendu parler de quelques océans sur cette planète, mais à sa connaissance, il n’y en avait pas à proximité.

— Mes excuses. Je vous ai vue fixer cet objet et je me suis demandé si vous aviez besoin d’aide.

Il lui adressa un nouveau sourire espiègle devant lequel elle se pâma intérieurement.

Vanessa jeta un coup d’œil à la sorte de glace qu’elle tenait toujours.

— Ça ira. Merci.

Il haussa un sourcil sombre.

— Oh ? Vous comptez l’acheter ?

Elle le regarda en fronçant les sourcils. Il avait une de ces personnalités charismatiques qui était intrinsèquement charmante. Même quand il ne souriait pas, on devinait le sourire dans sa voix. Il irradiait de chaleur et d’humour, comme si tout ce qu’il faisait était destiné à faire rire. Elle aurait parié qu’il avait un rire magnifique. Plein et chaleureux pour aller avec ce sourire d’enfer.

Il était bien trop beau pour son propre bien. Les hommes comme lui, avec un physique à tomber par terre et des facilités à se glisser dans votre culotte, savaient l’effet qu’ils avaient sur les femmes, et son sourire séducteur lui indiquait qu’il en était conscient. C’était un homme à femmes, et elle n’avait aucune patience pour ce genre de types. Elle n’avait pas pris le temps de s’intéresser à un homme depuis longtemps. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas chez eux.

— Je ne sais pas si je vais l’acheter, et je ne vois pas en quoi ça vous concerne.

Elle adopta un ton froid pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas intéressée.

Il pencha la tête d’un côté à l’autre. Puis d’un pas souple, il vint se placer à côté d’elle. Entre l’étagère dans son dos, la table sur le côté et son imposante carrure, elle n’avait qu’une seule issue, mais elle refusait de fuir. Ce type interrompait son shopping antidépression, et si quelqu’un devait partir, c’était lui.

Il baissa la voix, la regardant dans les yeux avec une intensité qui détonnait avec leur conversation précédente :

— Oh, eh bien, je vous ai vue l’inspecter et je me suis dit que je pourrais vous offrir mes services à la place… si vous le souhaitez.

Ses services ? Elle tenait la glace en métal contre sa poitrine, son poing fermement serré autour du bâton, comme si quelqu’un allait la lui voler. Elle s’inclina autant que possible en arrière malgré l’étagère contre sa colonne vertébrale alors qu’il se penchait en avant.

— Vous sentez merveilleusement bon, d’ailleurs, gronda-t-il.

Vanessa resta sans voix. Elle ne trouva pas la moindre remarque sarcastique. Ce type, avec ses yeux sombres et perçants, était un séducteur. Le genre de tentateur auquel les femmes naïves succombaient. Vanessa n’était pas candide, mais elle n’était pas certaine de vouloir qu’il s’éloigne.

Il se concentra sur l’objet dans sa main.

— C’est un modèle obsolète, de toute façon. Ça fera l’affaire, mais mes recherches sur les humaines me laissent penser que je pourrais mieux faire.

— Hein ?

Ce fut tout ce qu’elle parvint à dire. Mais de quoi parlait-il ?

Il inclina légèrement la tête, plissant les yeux et scrutant son visage. Après un moment, le coin de sa bouche se releva en un sourire espiègle. Il enroula ses doigts autour de son poing, puis saisit la partie épaisse du cylindre de son autre main. Elle ressentit comme une décharge à ce contact. Elle inspira plus profondément que d’habitude en sentant sa paume forte et rugueuse autour de sa main.

Il resserra sa prise sur l’objet qu’elle tenait, et tourna le haut du cylindre. Vanessa sursauta lorsque l’objet commença à grandir et à se plier au rythme de ses torsions. Elle regarda l’objet nouvellement révélé, un long cylindre épais qui s’incurvait vers le haut, et ses sourcils se rapprochèrent. Était-ce un gratte-dos ou quelque chose comme ça ?

Elle leva les yeux vers l’homme, dont le regard semblait à la fois brûlant et amusé. Il haussa un épais sourcil noir et appuya sur un bouton situé sous l’objet qu’elle n’avait pas remarqué. Il se mit à vibrer.

— Putain de merde !

Un vibromasseur. C’est un vibromasseur. Un énorme vibromasseur en métal.

Elle l’écarta de sa poitrine et l’aurait laissé tomber si l’homme n’avait pas eu sa main autour de la sienne.

Il laissa échapper un gros rire et elle s’immobilisa, le regardant fixement. Quel idiot présomptueux. À présent, son ton avait beaucoup plus de sens. Elle savait que les hommes de Clecania étaient audacieux, surtout avec les humaines, mais là, c’était autre chose.

Il avait essayé de la convaincre de coucher avec lui plutôt que d’acheter un sex-toy. Eh bien, c’était déplacé. Elle ne savait même pas que c’était un vibromasseur. Malgré tout, si elle avait voulu en acheter un, elle n’aurait pas aimé être dérangée par un type prétendant qu’il pourrait « faire mieux ».

L’humour qui brillait dans ses yeux montrait clairement qu’il avait compris qu’elle ne savait pas ce que c’était, mais il se pencha quand même vers elle et murmura :

— Alors, vous pensez l’acheter ? Je me propose humblement comme solution de substitution, dans le cas contraire.

Vanessa le regarda fixement.

— Quelle arrogance…