Ajouter un extrait
Liste des extraits
Comprenez-moi bien : ce n'est pas ce que je penserai de vous qui est important, c'est ce que vous pensez de vous-mêmes.
Afficher en entier- Ne dites pas une chose pareille. J'ai vécu le siège de Dole, vous savez. L'année 36 a été terrible. A certains moments, personne n'espérait plus en voir la fin. Mais si Dieu nous envoie de pareilles épreuves, c'est pour que nous parvenions à les surmonter. A vivre dans ce pays où tout était si facile, peut-être que les hommes s'étaient un peu trop endormis. Croyez-moi, Guyon, nous en sortirons, et nous en sortirons fortifiés et plus purs.
Mathieu eut envie de parler de sa femme et d'autres gens qu'il avait vus mourir faute de soins et de nourriture. Il eût aimé demander à ce prêtre ce qu'avaient bien pu faire au bon Dieu tous ceux qui avaient trouvé une mort atroce dans leurs villages incendiés, mais il n'osa pas. Il était beaucoup plus habitué à la compagnie des chevaux qu'à celle des hommes. Il eût aisément trouvé les mots pour parler à ses bêtes, mais s'adresser à un prêtre, c'était une autre affaire.
Afficher en entier"Pour le charretier qui n'avait vu des demeures des notables que les caves où il lui était arrivé de livrer un fût de vin, la première journée passa rapidement. Tout était sujet d'étonnement. La grandeur et la hauteur des pièces, leur nombre, leur mobilier, le fait qu'il y eût partout des cheminées de pierre, des lustres, des torches et de grandes tapisseries qui représentaient les travaux des champs tels que peuvent les imaginer ceux qui n'y ont jamais pris part."
Afficher en entier"- Mon patron disait toujours : c'est bien le moment de construire des fortifications, une fois que l'ennemi est sur nous.
- Il n'y a là rien de risible, Guyon. Et votre patron n'était pas bien malin de parler ainsi. La Comté est un pays pacifique. En mai 35, quand Louis le Treizième a déclaré la guerre au roi d'Espagne, personne ici ne s'est ému de ce bruit d'épées. Vous oubliez que si notre Comté dépend de la couronne d'Espagne, elle se sentait protégée par un pacte de neutralité. Je sais bien que ce pacte, Henri IV l'avait déjà violé en 1595, mais tout de même, en 1611, on l'avait renouvelé. Et j'en connais le texte. Il est formel. En cas de conflit entre la Maison de France et celle d'Autriche, il est bien spécifié que jamais les deux Bourgognes ne seront mêlées aux hostilités. Eh bien, vous voyez ce qu'il en est de la parole des rois ! Mais nous ne connaissons pas tous les dessous de la politique. Tant de gens sont peut-être morts tout simplement parce que quelque prince a fait un mariage qui ne plaît pas à un ministre !"
Afficher en entierIls avaient atteint une partie de la forêt plus clairsemée, juste avant la limite où elle mordait sur le replat. Ici, dominaient les charmes et les chênes encore feuillés, et le charretier fit quelques pas le long de l’arête pour gagner une roche nue d’où il pouvait voir vers le bas. Cette étendue de brume l’attirait. Là-dessous, il y avait une ville que menaçaient la guerre, la peste et la famine. Une ville qui pouvait, demain, être assiégée, investie et brûlée. Et c’était une chose qui paraissait impossible dans ce calme de la nuit.
(p. 124, Chapitre 10, Partie 2, “La plante de vie”).
Afficher en entierLe jour déclinait. Le soleil atteignit une grisaille molle aux rebords ourlés d'or qui montait du couchant. Pas un murmure de vent, pas le moindre pépiement d'oiseau, seul dans ce silence épais le chant des sources feutré par la couche de neige qui les recouvrait.
Mathieu traversa le petit bois de la côte Versagne, et, lorsqu'il en sortit pour prendre pied sur le chemin des loges, le soleil achevait de disparaître. Une lueur rousse inondait encore la partie dégagée du ciel et son reflet étirait sur la neige l'ombre violette et lumineuse des murettes et des arbres.
Afficher en entier