Extraits

- Maintenant que j'ai dit ce que j'avais sur le coeur, je peux vous assurer de mon soutien et de ma bénédiction - à condition que vous ne le meniez pas en bateau, précisa-t-elle à l'intention de Sean.

- Cela ne fait pas partie de mes intentions, je vous en donne ma parole.

- Tant mieux. Parce que si j'apprends un jour que vous l'avez menée en bateau, je vous coupe les roustons pour les accrocher au sapin de Noël ! C'est clair ?

- Maman !

Sean faillit s'étrangler avec la tarte.

- Parfaitement clair.

Amelia le gratifia du plus angélique de ses sourires.

- Très bien. Encore un peu de café ?

En dépit de ses bonnes résolutions, elle coula un regard vers le profil de Sean lorsqu'il quitta le garage à la suite du Quint. Son visage n'était pas beau au sens classique du terme. Il était rude, âpre même, et intimidant avec cette grande bouche, ce regard vert et perçant capable de désarçonner le plus dur des hommes. Les sourcils sombres qui surmontaient ce regard envoûtant mettaient en valeur ce que sa mère aurait appelé un « nez romain ». De légères pattes-d'oie s'étiraient vers des tempes très argentées, bien que le reste de ses cheveux soient entièrement noirs et coupés court.

L'un dans l'autre, Sean n'était ni beau ni laid.

Tant qu'il ne souriait pas.

Quand il souriait, son visage changeait du tout au tout. Le même phénomène se produisait quand il riait, quand il lançait une plaisanterie ou quand il félicitait un de ses hommes pour une mission brillamment accomplie. Quand il vous félicitait, vous aviez l'impression de devenir l'être le plus exceptionnel de l'univers. Sean était dur et intransigeant, mais c'était justement cette intransigeance qui donnait un tel prix à ses rares compliments.

Ce meneur d'hommes solide et confiant avait disparu bien trop longtemps, mais il resurgissait enfin. Pas tout à fait entier, encore meurtri par le douloureux combat qu'il venait de mener, mais en voie de redevenir celui qu'il avait été. La mise soignée, net, sobre et déterminé.

Cet homme-là, Eve était prête à le suivre jusqu'en enfer. Quel monstre pouvait chercher à anéantir les progrès qu'il venait d'accomplir ?

— Tu vas finir par me donner des complexes.

Grillée. Eve battit des cils et sentit ses joues devenir brûlantes.

— Pourquoi ?

— À cause de ta façon de me couver du regard, répliqua-t-il en tournant brièvement vers elle un regard malicieux. Qu'est-ce que j'ai qui cloche? Un bouton? Un reste de mousse à raser dans l'oreille?

Parce que si j'apprends un jour que vous l'avez menée en bateau, je vous coupe les roustons pour les accrocher au sapin de Noël ! C'est clair ?

— Maman !

Sean faillit s'étrangler avec sa tarte.

— Parfaitement clair.

Amelia le gratifia du plus angélique de ses sourires.

— Très bien. Encore un peu de café ?

Un coup fut frappé à la porte du bureau de Sean juste avant que la tête d'Eve ne surgisse dans l'entrebâillement.

- Vous avez une minute ?

Sean fit pivoter son fauteuil, détournant les yeux de l'écran de son ordinateur et du rapport qu'il était en train de taper, et lui fit signe d'entrer.

- J'en ai même plusieurs, si cela me permet de lâcher la paperasse.

Elle referma la porte derrière elle et s'assit dans le fauteuil qui faisait face à son bureau, aussi souplement et gracieusement qu'un chat. Eve, qui avait la force requise pour tenir son rang dans une profession majoritairement masculine, n'en demeurait pas moins extrêmement féminine.

Une combinaison que Sean trouvait fascinante. Et très sexy.

Un commentaire qu'il n'aurait même pas dû formuler dans sa tête.

- On a beau tout faire par informatique, on appelle toujours ça de la paperasse, dit-elle avec un sourire prudent, comme si elle craignait qu'il trouve un prétexte pour lui aboyer dessus comme il l'aurait fait il y avait quelques semaines de cela.

Sean se laissa aller contre le dossier de son fauteuil et croisa les doigts sur son ventre.

- Informatique ou pas, c'est toujours aussi pénible. Mais je me demande comment on a pu se passer si longtemps d'ordinateurs et d'Internet.

Une lueur malicieuse passa dans ses beaux yeux bleus.

- Certains d'entre nous sont trop jeunes pour se souvenir de l'époque où on s'en passait.

- Aïe ! Brûlure au troisième degré le jour même de mon retour, plaisanta-t-il. Et pour comble de malchance, je n'ai même pas enfilé mon équipement ignifugé.

- Je m'assurais simplement que vous vous étiez remis dans le bain.

- Pourquoi ai-je l'impression que mon supplice ne fait que commencer ?

- Parce que c'est le cas. Les pancakes n'étaient qu'un stratagème diabolique visant à vous endormir

- Vous venez au Waterin' Hole, demain soir? demanda Eve, interrompant le cours de ses pensées.

- Je ne sais pas, répliqua-t-il en haussant les épaules pour dissimuler sa surprise. Personne ne m'en a parlé.

Il ne s'était pas attendu à ce que cela le blesse autant.

- Qu'est-ce que c'est que cette réponse?

- Que veux-tu que je réponde d'autre? Personne ne m'a rien dit, marmonna-t-il. Ils n'ont peut-être pas envie que je vienne.

Il tourna la tête vers elle et découvrit qu'elle le contemplait d'un air furieux.

- Qu'est-ce que vous espérez? Qu'ils vous fassent parvenir un carton d'invitation en bonne et due forme? Vous êtes complètement maboul! Ce n'est pas un truc prévu depuis des siècles. Julian et Clay ont émis cette idée ce matin et ont chargé ceux qui étaient là de faire passer l'info, en stipulant qu'on pouvait venir accompagné.

- Tu seras accompagnée?

Sean frémit lui-même du ton tranchant qu'il venait d'employer.

- Vous voulez dire avec un copain? s'enquit-elle comme si ce seul concept lui était étranger.

- Non, avec un éléphant, rétorqua-t-il sèchement. Évidemment, avec un copain, rectifia-t-il aussitôt.

- Je ne vois pas pourquoi vous prenez ce ton.

- Je ne prends aucun ton!

- Ben voyons...

Eve se tut et sourit d'un air satisfait quand il lui jeta un bref coup d’œil.

- Je viendrai peut-être avec Drake s'il est libre, déclara-t-elle.

- Quoi, ce petit prof à tête d'intello? Je n'ai pas l'impression qu'il se sente très à l'aise parmi nous.

- Il se sent parfaitement à l'aise et il n'y a rien de petit chez lui, répliqua-t-elle d'un ton qui sous-entendait que Drake avait été généreusement doté par la nature.

Sean sentit son sang se mettre à bouillonner.

- Je croyais t'avoir entendue dire que Drake n était rien de plus qu'un ami.

Qu'est-ce qui lui avait pris de lâcher cette réflexion? La diablesse battit des cils d'un air parfaitement innocent.

- Quand ai-je dit cela?

- Je... Je ne sais plus. Il y a un moment. Mais je suis certain que tu l'as dit.

- Oh. Si c'était il y a un moment, on ne peut plus retenir ce que j'ai dit contre moi. Les choses changent, vous savez.

Si Sean avait eu les pouvoirs de Superman, il aurait plié le volant du camion en deux. En s'imaginant qu'il s'agissait du cou osseux de Drake. Il aurait volontiers serré le kiki de ce petit merdeux jusqu'à ce que ses yeux jaillissent de leurs orbites...

- Oui, je vais peut-être bien l'appeler, dit Eve comme si elle réfléchissait à voix haute.

- Fais donc.

- Je n'y manquerai pas.

- Parfait.

- Parfait.

- Pourquoi est-ce que tu ne crois pas en Dieu, Jesse ?

Son ami réfléchit longuement avant de répondre.

- Je crois à ce que je peux toucher, sentir, goûter. Je crois que les hommes créent leur propre destin. Il n'y a qu'ici et maintenant, et rien d'autre.

- C'est une conception un peu sinistre.

- La vie est sinistre.

- Depuis combien de temps es-tu amoureuse de Sean?

Eve contempla longuement l'homme en question, puis se tourna vers Shea.

- Il a suffi qu'il me dise : « Bonjour, je suis Sean Tanner, votre capitaine » pour que tout se déclenche, avoua-t-elle en souriant. Dès l'instant où j'ai mis le pied à la caserne, c'était mon héros. Il était le pompier que je rêvais de devenir, il avait le courage de dix hommes à lui tout seul, et il a ravi mon cœur dès que j'ai posé les yeux sur lui.

Il aida Eve à grimper dans la voiture et hésita un instant avant de refermer sa portière. Leurs regards demeuraient rivés l'un à l'autre, emplis d'incertitude. Et de promesses.

Sean se pencha vers elle, comme attiré par une force invisible. Eve entrouvrit les lèvres et, à cet instant précis, l'envie de les goûter effaça tout le reste. L'envie de l'embrasser vraiment, à pleine bouche.

Mue par une volonté propre, une de ses mains se posa sur sa joue.

— Ta peau est si douce. Tu es si belle.

Eve arrondit les yeux, le souffle coupé.

— Mon Dieu, chuchota-t-il, j'ai tellement envie de t'embrasser.

— Qu'est-ce que tu attends? murmura-t-elle en retour.

Le fil ténu de son contrôle se rompit et il pressa ses lèvres contre les siennes avec un gémissement. Une sensation de plaisir pur le submergea lorsque sa langue plongea dans la chaleur de sa bouche et rencontra la sienne. Eve répondit avidement à son baiser, ses doigts s'enroulant autour de sa nuque, s'immisçant dans ses cheveux, l'attirant vers elle. Sa langue avait une saveur d'épices et de bière, et il sut qu'il pourrait s'enivrer d'elle. Et que cela lui suffirait.

Quand il rompit leur baiser, ils étaient aussi haletants l'un que l'autre et l'éclat de désir sauvage qui brillait dans leurs yeux avait la même intensité. Ils ne pouvaient plus le cacher, ils ne pouvaient plus fuir. Et Sean n'était pas certain qu'il aurait été en mesure de se sauver même s'il l'avait voulu.

— J'ai envie de toi, s'entendit-il lui dire, à sa grande surprise.

La vérité que reflétaient ces mots le bouleversa jusqu'au tréfonds de l'âme.

— Raccompagne-moi à la maison et je me donnerai à toi, répliqua-t-elle dans un souffle.

Il lui vola un autre baiser, referma sa portière et s'empressa de se mettre au volant. Quitter sa place de parking lui donna l'impression de prendre une éternité, et chaque kilomètre les séparant de leur destination le mit à l'agonie. Son jean étranglait son sexe qui ne demandait qu'à jaillir de sa prison de toile à l'idée de plonger dans sa chair tiède et accueillante.

Le sang de sean ne fit qu'un tour. Il l'attira dans ses bras et l'embrassa à pleine bouche. Ardemment, comme s'il n'avait pas l'intention de s'en tenir là, ce qui était effectivement le cas.

C'était peut être une mauvaise idée de s'investir émotionnellement avec elle, mais la laisser filer avec un autre était une plus mauvaise idée encore.

Sa langue franchit le rempart de ses lèvres et il la sentit fondre dans ses bras. Devenir toute douce et chaude, comme il l'aimait. Il nageait en pleine extase lorsqu'un toussotement retentit derrière son dos

Sean rompit leur baiser, mais prit la main d'Eve avant de se retourner.

- Désolé, marmonna-t-il.

Mais il ne l'était pas le moins du monde [...]