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Si la mémoire était ce qui définissait l'être humain , ce qui l'empêchait de passer sa vie telle une mouche à se heurter inlassablement à la même fenêtre en la croyant ouverte , qu'étais je alors ? Car c'était bien cette existence qui me minait : d'un manière inépuisable , buter contre les mêmes obstacles sans jamais avancer , tourner sur soi même à s'étourdir , revenir sur ses pas vers un passé égaré dans un abîme , verrouillé sans une clé.
Afficher en entierJe soutins momentanément son regard, désemparée comme un comateux revient d'année d'absence - on ne pouvait suspendre un saut vers la mort en plein vol.
Afficher en entier— As-tu seulement déjà touché ton cœur, Émilie ?
Je ne compris d’abord pas ce que cette question signifiait — j’appelai, presque follement, cette inconnue qui s’était enfuie. Et alors, sentant mes poumons se vider de leur air, le sang quitter mes membres refroidis, je posai une main juste là, sur ma poitrine.
Je n’y sentis aucun battement. "
Afficher en entierC’était un jeu. Rien de plus qu’un jeu, depuis le début.
Et je n’étais pas celle qui en déterminait les règles. Je les subissais. "
Afficher en entierUne étrange lueur brillait au creux de ses pupilles.
— Émilie, parle-moi ! me murmura-t-il vivement en me secouant légèrement les épaules.
Je soutins momentanément son regard, désemparée comme un comateux revient d’années d’absence — on ne pouvait suspendre un saut vers la mort en plein vol.
— Laisse-moi mourir, gémis-je en détournant ma tête vers le mur.
Je cherchai à ôter le bandage me recouvrant le bras, mais il retint fermement ce dernier. On allait ainsi m’enlever tous mes droits, y compris celui d’en finir avec ma propre vie !
— Je sais que tu es innocente, Émilie. Je le sais.
Ces mots transpercèrent ma chair et gagnèrent mon cœur immobile, comme une main tendue qui m’aurait saisie au milieu de ma chute. Et je me suspendis à ses lèvres, vivante lisière séparant la vie de la mort. "
Afficher en entierLes ténèbres du grenier se marièrent à celles de la mort.
Afficher en entierNous le savons tous, Émilie, que tu es innocente ! Depuis ta naissance, tu as toujours été blanche comme neige !
Afficher en entier" J'arrache de mon ongle un lambeau de chair,
Comme j'ôtais fillette une pétale d'aster,
Je meurs, je vis, je meurs..
Mon bras couvert de sang,
De ce supplice heureux frémit en sévissant,
A m'effiler le corps trouverai-je peut-être,
Mon cœur désavoué avant de disparaître ?
En écorchant mon sein, chaque fibre crépite,
Combien de côtes ai-je à rompre : sept ou huit ?
Ma paume enserre enfin l'organe fixe et froid,
Telle une mère berce, éplorée son mort-né,
- Hypocrisie miroir, ce monstre c'était moi !
O funèbre vie ! Dis : le destin est morne et railleur !
Ainsi je suis condamnée à souffrir
L'éternelle douleur de ne rien ressentir
Ce qu'il faut de sang pour se maudire ! "
Afficher en entierNon, je n’avais pas imaginé ces horreurs.
Ni même tous ces cadavres lors de cette folle nuit où la mort se jouait de son œuvre.
Quelque anormale chose vivait dans ce manoir ; quelque indescriptible magie ou ensorcellement ramenait les défunts d’outre-tombe.
À ces mots murmurés par ma conscience, je me retournai vers Charron, les yeux écarquillés comme si une horde de démons, surgissant de l’abîme de mes pupilles, écartaient mes paupières de leurs griffes noires.
— C’est l’œuvre de la sorcière ! hurlai-je passionnément tel un oracle perçoit la vérité dans les astres. Une sorcière vit dans ce manoir ; elle-même revient de la mort pour mieux l’apprivoiser ! Et je vous tuerai encore une fois s’il le faut, Docteur, pour vous faire payer le prix de m’avoir agressée ! "
Afficher en entierJ’avais, depuis aussi longtemps que l’attestait ma fragile mémoire, témoigné d’un plus grand respect pour les animaux que pour les êtres humains ; ces premiers n’étaient motivés, d’après ce que j’en savais, du moins, que par l’instinct de survie. Même les plus carnassiers des fauves avaient un immense respect de la vie ; leur cruauté n’était pas cruelle ni violente leur violence. Les hommes, depuis toujours et à jamais, étaient quant à eux encrassés par la concupiscence et la haine, legs empoisonné d’une conscience profonde et vulnérable. J’en avais subi les preuves les plus suffisantes et irréfutables qui soient. "
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