Les déshérités ou l'urgence de transmettre

Le constat dressé par Bellamy il y a plusieurs années n'a cessé de s'aggraver dans le monde de l'Education Nationale, et ce livre permet de comprendre d'où viennent les choix qui ont été faits par le ministère depuis les cinquante dernières années.

Les réflexions sur le rôle de la culture sont très intéressantes (et à mon avis fort justes).

Simple témoignage personnel, avant d'avoir fini ce livre.

J'ai une jeune voisine qui vient de passer le brevet. Elle m'a demandé des conseils - deux mois avant le brevet, deux jours avant son brevet blanc - ce que je fais. Elle me montre ses copies de brevet blanc et je lui donne des astuces pour renforcer ses points forts et combattre ses points faibles.

Elle m'avoue que sa prof. de français a dit à l'ensemble de ses élèves, en remettant les copies de l'épreuve en blanc, que de tels résultats catastrophiques lui donnaient envie de démissionner.

En histoire/géo, français, éducation civique, ma voisine n'a eu que des notes inférieures à 10/20. Je constate qu'en moyenne il y a deux fautes d'orthographe par ligne, jamais signalées par les profs correcteurs. Avec une graphie très médiocre ; l'expression écrite n'est autre que celle de l'expression orale ! Ça c'était pour la forme. Quant au fond, c'est d'une indigence hallucinante. De Gaulle serait un propagandiste...

Je lui propose donc un plan d'attaque de révisions, sans pour autant la fustiger. Elle m'écoute. Pendant ces deux mois, que j'imagine occupés aux révisions, je lui demande parfois où elle en est. Elle est évasive. Quinze jours avant, je comprends grâce à ses copines, qu'en fait, elle avait décidé que son plan de révision ne démarrerait qu'une semaine avant le brevet...

Elle se vante d'être classée la 1ère de sa classe... Je suis persuadée qu'elle va se planter. Et j'apprends, très étonnée, qu'elle vient d'obtenir son brevet avec la mention très bien.

=> CHERCHEZ OÙ EST L'ERREUR !

Dans les révisions d'histoire, j'avais proposé, à elle et ses copines, un jeu de frise chronologique. J'ai tracé à la craie une frise datée sur le trottoir. Puis quelqu'un lance un événement historique (d'après un film, un héros, etc), et elles doivent le situer dans le temps. On dit qu'en faisant de l'exercice physique, on retient mieux.

J'ai vite déchanté. Ces élèves sont incapables de situer un événement dans le temps et ça les a très vite lassées. Elles (3°, 5° et CM2) ont été incapables d'ordonner dans le temps Asterix, d'Artagnan et Napoléon. Si, je vous jure. Et nous n'habitons pas dans une banlieue particulièrement déshéritée. Elles vivent en HLM, mais habitat mixte et tout pavillonnaire. Les parents ne tirent pas le diable par la queue, au vu de leurs belles voitures, mais il n'y a pas un livre à la maison, hormis les livres scolaires.

Je ne comprends pas ce grand écart entre le niveau réel et les notes. Ma voisine m'a dit que les profs ne corrigeaient quasiment jamais les fautes d'orthographe, ce dont j'ai pu avoir la confirmation sur internet.

C'est pourtant le B.A. BA de corriger pour progresser. Cette notion simple aurait disparue de l'enseignement d'aujourd'hui.

Je ne dois pas chercher plus loin pourquoi des professeurs font des fautes d'orthographe élémentaires (cf. leurs blogs).

A l'âge d'internet, des réseaux sociaux et de la connaissance accessible au premier clic (l'est-elle d'ailleurs vraiment?), il est plus que jamais important de remettre la culture au centre de notre société.

La culture, et donc l'éducation, façonnent les êtres humains que nous sommes ou serons. Ce n'est ni un fardeau inutile, ni une variable d'ajustement dans une société où tout va très (trop?) vite, sans que l'on prenne le temps de se reposer cette question pourtant essentielle à tout être humain : Qui suis-je donc et d'où est-ce que je viens?

Sans culture et sans identité, nous ne sommes rien de plus que des barbares.