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En prenant soin de ne pas buter sur les rails, Mélanie gagna l'endroit qu'on lui avait indiqué et marcha le long d'une haie de fusains jusqu'à un passage sur voies qui rejoignait la barrière du rendez-vous. Après quoi elle attendit le départ du train.

Le coeur lui battait bien un peu en se lançant dans cette aventure, mais elle n'éprouvait rien de ce qu'elle avait craint et surtout pas de peur en quittant ce train où elle laissait Francis. Elle avait hâte, au contraire, de mettre la plus grande distance possible entre elle et l'homme qui s'était moqué d'elle si cruellement...

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En cette circonstance, l’oncle Hubert venait chercher Mélanie et sa mère dans sa voiture électrique conduite par un chauffeur vêtu de peaux de bêtes et les amenait déjeuner dans le vieil hôtel des Champs-Élysées. La distance n’était pas grande mais, comme il faisait toujours froid, ces dames ne prenaient place dans le véhicule qu’au milieu d’un grand luxe de fourrures. Albine détestait ce moyen de locomotion dont son beau-frère raffolait mais Mélanie trouvait que c’était le seul épisode consolant de la journée, le reste étant d’une affligeante tristesse.

En effet, franchies la haute porte cochère enduite d’un vernis vert foncé toujours impeccablement entretenu et la cour pavée sur laquelle donnaient les portes des écuries, on pénétrait dans un univers consternant et vaguement sinistre qui aurait pu servir de décor pour Marie Tudor ou Les Burgraves de M. Victor Hugo. De hautes boiseries sombres travaillées à la manière d’un chœur d’église, les stalles en moins, encadraient des fenêtres à vitraux rouge et bleu qui, lorsque les lourds rideaux de velours frappé à pompons le leur permettaient, éclairaient de taches sanglantes ou livides une infinité de bahuts tarabiscotés, de cathèdres et de portraits de famille où même les dames se croyaient obligées de prendre un air sévère. Il y avait aussi, sur d’épais tapis dont il était difficile de distinguer les couleurs, un imposant piano à queue en ébène verni dont la caisse d’harmonie disparaissait à demi sous une chape d’évêque retenue elle-même par trois gros livres reliés en rouge et abondamment dorés, quantité de sièges capitonnés aux couleurs indéfinissables, une vaste vitrine contenant la collection d’éventails anciens chère à Bonne-Maman et des tables juponnées sur lesquelles s’étalaient des boîtes, des flacons, des statuettes, cependant que dans un coin, érigé sur une colonne gothique et abrité par un aspidistra géant, un buste d’empereur romain posait sur toutes choses un regard vide que Mélanie trouvait féroce.

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De son perchoir, Mélanie se laissait aller au plaisir de l’admirer, assise bien droite dans une bergère à oreilles, parée d’une robe de satin nacré à reflets roses et d’une quantité de perles magnifiques. Un collier-de-chien emprisonnait son cou et d’immenses sautoirs coulaient de ses épaules. Des perles encore à ses bras gantés très haut. D’autres enfin, en forme de poire, lui composaient un diadème qui se perdait dans un piquet de roses-mousse.

Une couronne de jeunes ladies en mousselines tendres, dont les longues jupes semblables à des corolles mettaient en valeur les tailles fines ceinturées de rubans, l’entouraient comme un parterre cependant qu’à l’entrée des salons les noms illustres se succédaient lancés d’une voix forte par un immense valet à perruque poudrée :

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Née en Louisiane, elle avait été d’une extraordinaire beauté dont – dans son âge avancé car elle comptait quatre-vingt-dix printemps – il lui restait des traces frappantes. Celui ou celle qui lui était présenté ne l’aurait jamais imaginée si vieille tant elle prenait soin de sa personne. Son visage rose et frais, toujours habilement maquillé, restait le plus aimable qui se pût voir. En outre, à la tête d’une des fortunes les plus colossales d’Amérique, elle n’aimait rien tant qu’en faire profiter ses amis et, autour d’elle, s’assemblait une cour d’altesses plus ou moins royales, de grands seigneurs exotiques, de milliardaires américains et de ladies anglaises ravissantes qui semblaient provenir d’une toile de Lawrence, de Gainsborough ou de Dante Gabriel Rossetti car, pour être admis chez Mrs. Hugues-Hallets, il fallait être très noble, très intelligent, très brillant ou d’une très grande beauté. En fait c’était l’argent qui importait le moins à cette Hôtesse d’un autre âge qui, pendant la saison de Dinard, donnait chaque soir un dîner de trente couverts et chaque semaine un bal de trois cents personnes dans sa somptueuse villa du Moulinet. Ladite saison ne durait, il est vrai, que du 1er août au 8 septembre et ce bal-ci était le dernier, mais on devait y entendre l’illustre Caruso, un ami personnel de la maîtresse de maison et un habitué de la Côte.

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C’est donc en vertu de ces règles de vie dignes d’un soldat du Grand Frédéric que l’unique héritière des Desprez-Martel en était réduite à galoper pieds nus dans l’herbe mouillée, ce qui, d’ailleurs, ne la tourmentait guère : à quinze ans et en été on n’a pas le pied délicat. Et puis Mélanie eût fait bien d’autres sacrifices pour le plaisir de voir le bal qui allait se dérouler chez sa voisine.

Arrivée au bout de la grande pelouse, elle se retourna pour vérifier qu’il ne se passait rien d’imprévu mais la villa blanche, abritée comme sous un parapluie par ses toits d’ardoise, montrait paupières closes : aucune lumière ne filtrait de ses volets. Normal car il était déjà tard, mais un bal ne commençait jamais avant dix heures du soir et il n’y avait guère qu’une demi-heure que les tziganes se faisaient entendre.

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L'orage qui éclata en fin d’après-midi, conséquence logique d’une longue canicule, fit quelques dégâts, à Dinard. La villa « Morgane » et son jardin s’en tiraient avec un pin abattu, des massifs d’hortensias ravagés par la grêle, l’une des verrières de la serre endommagée et les allées sablées changées en longs fragments de grève creusés de rigoles. Au crépuscule, il fit presque froid et le vent apaisé du soir changea en fontaine la moindre branche d’arbre.

Ayant reçu presque tout le contenu d’un magnolia, Mélanie s’ébroua. À peine arrivée à mi-chemin de son mur, elle était déjà mouillée. Encore heureux qu’en s’échappant par la cuisine elle eût trouvé le grand châle noir que Rosa mettait pour aller au marché quand il y avait du vent ! Il l’enveloppait tout entière, couvrant presque sa chemise de nuit, seul vêtement qu’elle eût à sa disposition à cette heure tardive.

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Trois femmes également charmantes, également attachantes jusque dans leurs différences, qui se sont succédé chacune à une année d’intervalle : une petite marquise de seize ans, tout juste mariée, une belle Américaine sûre d’elle-même et de ses pouvoirs, et une exquise princesse mandchoue dont la fragilité de jade blanc cachait une âme forgée aux feux de l’enfer…

Le silence, petit à petit, s’est installé dans le compartiment. Les hommes rêvent, ou dorment, à moins qu’ils ne fassent les deux à la fois. Pierre Bault ferme les yeux lui aussi et se laisse bercer par la cadence familière des bogies. Il sait bien qu’il ne dormira pas car, à son poste au bout du long couloir d’acajou, il ne s’est jamais assoupi. Simplement, il va laisser venir à lui ses souvenirs et surtout ces trois femmes qui lui sont restées chères.

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C’est sans importance, au fond, car ils sont bien sympathiques ces hommes qui entourent Pierre Bault ! Chaleureux et gais comme s’ils roulaient en « train de plaisir » et non vers un destin incertain qui, pour certains sera tragique. Mais, la mort, ils n’y pensent même pas peut-être parce que c’était si beau, tout à l’heure, dans la cour de la gare, cette foule de parents, d’amis et même d’inconnus qui les pressait, les chérissait et leur criait son amour avec son espérance. Beaucoup de femmes, bien sûr ! Elles étaient vêtues de robes claires, distribuaient des baisers et des fleurs, ces fleurs à présent mourantes à une boutonnière ou au canon des fusils.

Pierre les a trouvées belles avec leurs yeux brillants de larmes retenues et leurs sourires tendres. L’une d’elles lui a même donné une rose, à lui que personne n’accompagnait, et elle l’a embrassé… Il aurait voulu les tenir toutes et leur dire que même les vieilles ou laides elles lui semblaient aussi belles que ces créatures de rêve qui, depuis une douzaine d’années, peuplaient sa vie quotidienne sans qu’aucune lui ait jamais dit : « Je t’aime. » Elles passaient seulement et lui, durant quelques heures, veillait à leur confort, à leurs caprices, à leur sommeil. Parfois même à leur vie.

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Dans un coin-fenêtre, un homme est assis bras croisés, le képi enfoncé sur les yeux. Il est le seul à porter son uniforme avec aisance. Peut-être parce que depuis des années il vit sous un costume pas tellement différent. Il s’appelle Pierre Bault et, hier encore, il était « conducteur » de sleepings à bord des grands trains de luxe qui sillonnaient la France : le Méditerranée-Express d’abord, puis le Calais-Méditerranée.

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La grosse locomotive noire, au coup de sifflet, commence à tirer ses wagons bondés, pleins de cris, de promesses, de chansons et de fleurs…

Depuis trois mois, à l’appel du président de la République, Raymond Poincaré et de René Viviani, son président du Conseil, des millions d’hommes quittent leurs champs – en pleine récolte ! –, leurs usines, leurs ateliers, leurs boutiques et leurs bureaux pour s’entasser dans des centaines de trains qui les emportent vers les frontières. Ils ne remarquent même pas que ce sont souvent des trains de marchandises vaguement aménagés ou simplement garnis de paille : ce sont leurs voitures et ils en ont pris possession en écrivant sur les parois extérieures et en grandes lettres blanches leurs défis et leurs espoirs. « À Berlin ! » ou « On les aura ! »… Sans imaginer un seul instant que de l’autre côté du Rhin, des wagons sur lesquels on a écrit « Nach Paris ! » ou « Gott mit uns ! » viennent à leur rencontre avec les mêmes certitudes.

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