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« Honor étouffa une exclamation de surprise ou de crainte. Il n’aurait su dire ce que c’était et s’en moquait — son corps la désirait trop. Il la fixa, s’attendant à ce qu’elle lui demande d’arrêter. Mais le regard d’Honor se promena lentement sur lui. Ses doigts suivirent son cheminement, traçant des rivières de sensations presque intolérables sur sa peau, jusqu’à la ceinture de ses culottes. Elle entreprit de les déboutonner, son regard rivé au sien.

Il lui prit la main, la pressa sur son cœur qui battait follement. Il voulait qu’elle sente les émotions qui lui faisaient bouillonner le sang. Cet instant lui parut complètement différent de tous les autres instants de sa vie. Il ne s’agissait pas là d’ébats coquins d’un après-midi, qu’il se rappellerait avec une vague affection dans la soirée. Ce qui se passait le chamboulait et son cœur galopait comme une pouliche enivrée d’heure fraîche.

Honor regarda sa main posée sur son torse, puis se haussa sur la pointe des pieds et l’embrassa tendrement, coulant les doigts dans ses cheveux. »

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« — Bon sang ! marmonna George.

Il lâcha ses cartes, tandis que Rutherford se levait brusquement, manquant jeter à terre la pauvre fille assise sur ses genoux, et demandait :

— Qu’est-ce qu’elles fichent là ?

Puis il contempla le petit groupe en plissant les paupières.

— C’est fichtrement déplacé et ça ne peut être toléré ! Ces jeunes filles doivent être renvoyées sur-le-champ !

Les trois jeunes gens qui s’étaient lancés dans cette aventure se regardèrent. Le plus petit haussa le menton.

— Elles ont autant le droit d’être ici que vous, monsieur. On leur a permis d’entrer.

George pouvait voir au teint de son partenaire de jeu qu’il était au bord de la crise d’apoplexie.

— Alors, qu’elles s’asseyent et jouent, dit-il d’un ton détaché. Elles constituent sinon une trop grande distraction pour les gentlemen ici présents.

— Qu’elles jouent ? répéta Rutherford, les yeux exorbités. Elles n’en sont pas capables ! 

— Moi, si, dit une voix féminine.

Laquelle avait osé parler ? George se pencha pour voir, mais les petites colombes s’agitaient et se déplaçaient, et il ne put déterminer à qui appartenait la voix.

— Qui a dit ça ? demanda Rutherford assez fort pour que les gentlemen assis aux tables autour d’eux s’arrêtent dans leur jeu pour suivre la scène.

Aucune des jeunes dames ne bougea ; elles le fixaient avec de grands yeux. Puis, juste comme il semblait qu’il allait se mettre à tempêter, l’une d’elles s’avança timidement. La foule frémit tandis qu’elle regardait Rutherford, puis George. Ce dernier fut surpris par le bleu profond de ses yeux, ses cils sombres et le noir de jais de ses cheveux, qui encadraient son visage d’un blanc de lait. C’était bien le dernier endroit où il s’attendait à voir une telle beauté juvénile !

— Miss Cabot ? fit Rutherford, incrédule. Que diable faites-vous ici ?

Elle fit la révérence comme si elle se tenait au milieu d’une salle de bal et joignit ses mains gantées devant elle.

— Mes amies et moi sommes venues voir le fameux endroit où les gentlemen ne cessent de disparaître.

Des rires parcoururent l’assemblée. Rutherford parut alarmé, comme s’il était en quelque sorte responsable de ce manquement à l’étiquette.

— Miss Cabot… ceci n’est pas un endroit pour une jeune dame vertueuse.

L’une des oies blanches, derrière elle, s’agita et lui murmura quelque chose, mais miss Cabot ne sembla pas le remarquer.

— Pardon, monsieur, mais je ne comprends pas comment un endroit peut convenir à un homme vertueux, et pas à une femme vertueuse.

George ne put s’empêcher de rire.

— Peut-être parce qu’il n’existe pas d’hommes vertueux !

Ses yeux bleus étonnants se fixèrent de nouveau sur lui, et il en ressentit un curieux petit coup dans la poitrine. Elle abaissa son regard sur les cartes. »

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Je suggère, monsieur, que si vous voulez cette femme comme vous la voulez apparemment, étant donné le nombre de fois où vous avez planté votre poing dans un mur, vous trouviez un emploi afin de pouvoir les entretenir, elle et toutes les Cabot, comme vous dites.

- Pardon ? fit George.

- Un emploi, répéta Finnegan comme si c’était un mot étranger. Du travail. C’est une activité que d’autres personnes moins fortunées, comme moi, trouvent nécessaires de pratiquer.

- Quoi ? Vous suggérez que je devienne un valet ?

- Absolument pas. Vous seriez complètement inutile dans ce domaine.

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Début

1

Les ennuis commencèrent au printemps 1812, dans un tripot situé au sud de la Tamise, dans la partie la moins recommandable du quartier de Southwark, connue pour grouiller de voleurs.

Que le vieux bâtiment, construit à l’époque des Vikings, soit devenu l’un des endroits les plus en vogue pour les gentlemen de la haute société dépassait l’entendement, mais c’était ainsi. L’intérieur

était somptueux, avec ses épaisses draperies de velours rouge, son bois précieux et ses plafonds bas.

Nuit après nuit, ces messieurs y venaient de leurs imposantes maisons de Mayfair, dans de luxueux coupés aux cochers dûment armés, pour passer la soirée à perdre d’outrageuses sommes d’argent au profit les uns des autres. Et quand un gentleman avait perdu la somme qu’il s’était fixée comme limite, il pouvait profiter de la compagnie d’une dame de petite vertu, dans l’une des nombreuses pièces privées de l’endroit.

Par une nuit glaciale, un mois avant le début de la Saison mondaine — date à laquelle les gentlemen délaisseraient le tripot pour les salons et les bals de Mayfair, devenus un rite printanier pour les riches et les privilégiés —, un groupe de jeunes dandys se laissa persuader par les sourires et les gracieuses supplications de cinq débutantes de les conduire audit tripot.

Il était dangereux et stupide pour ces jeunes gens de risquer de souiller à jamais la réputation de fleurs aussi précieuses, mais, fougueux et enclins à s’amuser, ils n’avaient pu leur refuser ce plaisir.

Ils ne s’étaient pas laissé arrêter par la règle du tripot — pas de femmes —, ni par le fait que toutes sortes de mésaventures pouvaient arriver aux demoiselles. Ils n’avaient vu que le zeste d’aventure, propice à égayer la fin d’un hiver lugubre.

Ce fut là, dans ce tripot, que George Easton fit la connaissance d’une de ces débutantes : miss

Honor Cabot.

Il n’avait pas remarqué le remue-ménage que les jeunes dandys avaient pourtant occasionné en arrivant avec leurs élégantes compagnes, tout excités de leur audace et très fiers d’avoir convaincu le portier de les laisser entrer. Il était à ce moment-là bien trop occupé à prendre trente livres à Charles

Rutherford, banquier et joueur notoire, au cours d’une partie de Commerce. Il fallut que son partenaire s’exclame : « Par tous les diables, que se passe-t-il ? », pour qu’il relève la tête et aperçoive alors les jeunes femmes. Elles se tenaient là, au milieu de la salle, pareilles à des colombes ou des oies blanches, voletant et lissant leurs plumes, leur joli visage encadré par leur capuche. Elles pouffaient entre elles, tandis que leur regard allait et venait entre les nombreux hommes qui les reluquaient, comme ils auraient lorgné un paddock plein de belles juments.

— Bon sang ! marmonna George.

Il lâcha ses cartes, tandis que Rutherford se levait brusquement, manquant jeter à terre la pauvre fille assise sur ses genoux, et demandait :

— Qu’est-ce qu’elles fichent là ?

Puis il contempla le petit groupe en plissant les paupières.

— C’est fichtrement déplacé et ça ne peut être toléré ! Ces jeunes filles doivent être renvoyées sur-le-champ !

Les trois jeunes gens qui s’étaient lancés dans cette aventure se regardèrent. Le plus petit haussa le menton.

— Elles ont autant le droit d’être ici que vous, monsieur. On leur a permis d’entrer.

George pouvait voir au teint de son partenaire de jeu qu’il était au bord de la crise d’apoplexie.

— Alors, qu’elles s’asseyent et jouent, dit-il d’un ton détaché. Elles constituent sinon une trop grande distraction pour les gentlemen ici présents.

— Qu’elles jouent ? répéta Rutherford, les yeux exorbités. Elles n’en sont pas capables !

— Moi, si, dit une voix féminine.

Laquelle avait osé parler ? George se pencha pour voir, mais les petites colombes s’agitaient et se déplaçaient, et il ne put déterminer à qui appartenait la voix.

— Qui a dit ça ? demanda Rutherford assez fort pour que les gentlemen assis aux tables autour d’eux s’arrêtent dans leur jeu pour suivre la scène.

Aucune des jeunes dames ne bougea ; elles le fixaient avec de grands yeux. Puis, juste comme il semblait qu’il allait se mettre à tempêter, l’une d’elles s’avança timidement. La foule frémit tandis qu’elle regardait Rutherford, puis George. Ce dernier fut surpris par le bleu profond de ses yeux, ses cils sombres et le noir de jais de ses cheveux, qui encadraient son visage d’un blanc de lait. C’était bien le dernier endroit où il s’attendait à voir une telle beauté juvénile !

— Miss Cabot ? fit Rutherford, incrédule. Que diable faites-vous ici ?

Elle fit la révérence comme si elle se tenait au milieu d’une salle de bal et joignit ses mains gantées devant elle.

— Mes amies et moi sommes venues voir le fameux endroit où les gentlemen ne cessent de disparaître.

Des rires parcoururent l’assemblée. Rutherford parut alarmé, comme s’il était en quelque sorte responsable de ce manquement à l’étiquette.

— Miss Cabot… ceci n’est pas un endroit pour une jeune dame vertueuse.

L’une des oies blanches, derrière elle, s’agita et lui murmura quelque chose, mais miss Cabot ne sembla pas le remarquer.

— Pardon, monsieur, mais je ne comprends pas comment un endroit peut convenir à un homme vertueux, et pas à une femme vertueuse.

George ne put s’empêcher de rire.

— Peut-être parce qu’il n’existe pas d’hommes vertueux !

Ses yeux bleus étonnants se fixèrent de nouveau sur lui, et il en ressentit un curieux petit coup dans la poitrine. Elle abaissa son regard sur les cartes.

— Commerce ? demanda-t-elle.

— Oui, répondit George, impressionné qu’elle reconnaisse le jeu. Si vous désirez jouer, miss, alors allez-y, sapristi.

Rutherford était devenu blême et George fut assez amusé de le voir prêt à s’évanouir.

— Non ! décréta alors le banquier en secouant la tête et en levant une main vers elle. Je vous demande pardon, miss Cabot, mais je ne peux pas vous soutenir dans cette folie. Vous devez rentrer chez vous tout de suite.

La jeune fille parut désappointée.

— Moi, je vais vous soutenir, dit George, et, de sa botte, il écarta une chaise de sa table.

Un nouveau murmure se répandit parmi la foule et le groupe serré des débutantes se remit à

voleter, le bas de leurs capes virevoltant sur le parquet, tandis qu’elles pivotaient pour chuchoter entre elles.

— A qui ai-je l’honneur ? demanda-t-il.

— Miss Cabot, répondit-elle. De Beckington House.

Etait-elle la fille du comte de Beckington ? Disait-elle cela pour l’impressionner ? C’était sans effet sur lui.

Il haussa les épaules.

— George Easton. D’Easton House.

Les jeunes filles derrière miss Cabot gloussèrent, mais pas elle. Elle lui sourit joliment.

— Enchantée, monsieur Easton.

George supposa qu’elle avait appris à sourire ainsi très tôt dans la vie, afin d’obtenir ce qu’elle voulait. Il ne put s’empêcher de noter qu’elle était très attirante.

— Nous ne pratiquons pas des jeux de salon, miss. Avez-vous de l’argent ?

— Oui.

Elle leva son réticule pour le lui montrer.

Seigneur, ce qu’elle était naïve !

— Vous feriez mieux de ranger cela. Malgré les écharpes de soie et les bottes cirées que vous voyez autour de vous, vous êtes ici dans un repaire de voleurs.

— Au moins, nous avons une bourse, Easton. Nous n’avons pas tout investi dans un bateau qui a coulé ! lança quelqu’un.

Certains gentlemen se mirent à rire, mais George les ignora. Il avait bâti sa fortune avec de l’adresse et du travail, et quelques-uns en étaient jaloux.

Il fit signe à la charmante miss Cabot de s’asseoir.

— Vous semblez à peine assez âgée pour comprendre les nuances d’un jeu comme le

Commerce.

— Ah oui ? rétorqua-t-elle, haussant un sourcil et prenant gracieusement place sur la chaise qu’un homme lui avançait. A quel âge est-on considéré comme assez vieux pour jouer à un jeu de hasard ?

Derrière elle, ses compagnes cancanaient farouchement. Elle regardait calmement George, attendant sa réponse. Rien ne semblait l’intimider, ni lui-même ni l’établissement ou quoi que ce soit d’autre.

— Je n’aurais pas la présomption de fixer un âge, répondit-il cavalièrement. Un enfant pourrait jouer, cela me serait bien égal.

— Easton ! dit Rutherford d’un ton d’avertissement, mais George ne suivait pas les mêmes règles que les hommes titrés qui se trouvaient là, et le banquier le savait.

Cette affaire risquait même d’être assez divertissante ; il n’avait pas d’objection à passer un moment en compagnie d’une femme — n’importe qui à Londres le confirmerait —, en particulier une femme aussi plaisante que celle-ci.

— Etes-vous prête à perdre tout l’argent que vous avez apporté ? lui demanda-t-il.

Elle rit, d’un rire argentin.

— Je n’ai pas l’intention de tout perdre.

Des rires s’élevèrent alors autour d’eux à cette réponse et un ou deux gentlemen se levèrent et s’approchèrent pour regarder.

— On doit toujours être préparé à perdre, miss Cabot, la prévint-il.

Elle ouvrit son réticule avec soin, sortit quelques pièces et sourit fièrement. George nota mentalement de ne pas se laisser charmer par ce sourire… au moins tant qu’il était à la table de jeu.

Rutherford les fixa d’un air choqué, puis se rassit lentement, avec une réticence manifeste.

— Est-ce que je distribue ? demanda George, en ramassant le jeu de cartes.

— Je vous en prie, répondit miss Cabot, qui mit ses gants de côté, bien rangés à côté de ses pièces.

Elle parcourut la salle du regard, tandis que George battait les cartes.

— Savez-vous que je ne suis jamais venue au sud de la Tamise ? J’ai passé ma vie à Londres et je ne suis encore jamais venue jusqu’ici, vous rendez-vous compte ?

— Je veux bien le croire, déclara-t-il d’un ton traînant, tout en distribuant les cartes. Votre mise pour commencer, miss Cabot.

Elle jeta un coup d’œil à ses cartes et plaça un shilling au centre de la table.

— Vous n’irez pas bien loin avec ça, dit George.

— Est-ce autorisé ?

Il haussa les épaules.

— Oui.

Elle se contenta de sourire.

Rutherford suivit, et la femme qui s’était tenue sur ses genoux avant l’intrusion reprit sa place.

Elle glissa lascivement sur sa cuisse, défiant miss Cabot du regard.

— Oh ! murmura celle-ci, s’avisant apparemment du genre de femme à qui elle avait affaire, et elle détourna les yeux.

— Etes-vous choquée ? chuchota George, amusé.

— Un peu, répondit-elle, jetant un nouveau coup d’œil à la femme. Je pensais qu’elle serait plus… ordinaire. Mais elle est très jolie, n’est-ce pas ?

George décocha une œillade à la compagne de Rutherford. Il la qualifierait de piquante. Mais pas de jolie. Miss Cabot, elle, était jolie.

Il prit connaissance de sa donne — il avait deux rois. Ce serait une victoire facile. Il plaça sa mise.

Une serveuse passa avec un plateau de nourriture pour une table où l’on s’était remis à jouer.

Miss Cabot la suivit du regard.

— Miss Cabot…, dit George.

Elle se tourna vers lui.

— Votre jeu.

— Oh !

Elle examina ses cartes et prit un autre shilling qu’elle posa au milieu.

— Messieurs, nous avons une mise de deux shillings, ce soir. A ce rythme, nous pouvons espérer finir la partie à l’aube, annonça George.

Miss Cabot lui sourit, ses yeux bleus pétillants d’amusement.

George se rappela alors qu’il ne devait pas se laisser attirer par de jolis yeux, non plus.

Ils jouèrent de nouveau, et Rutherford en oublia sa réticence à jouer avec une débutante.

Au tour suivant, miss Cabot misa deux shillings.

— Miss Cabot, soyez prudente. Vous ne voudriez pas perdre tout ce que vous avez durant la première partie, dit l’un des jeunes dandys avec un rire nerveux.

— Je ne pense pas que cela me coûtera davantage de perdre tout ce que j’ai en une partie ou six, monsieur Eckersly, répondit-elle d’un ton jovial.

George gagna le pli, comme prévu, mais miss Cabot ne parut pas démontée le moins du monde.

— Je pense qu’il devrait y avoir plus de jeux de hasard dans les salons mondains, pas vous ?

demanda-t-elle au groupe toujours plus dense qui se rassemblait autour d’eux. C’est plus divertissant que le whist.

— Seulement si l’on gagne, fit remarquer un homme.

— Et avec l’argent de son père ! répliqua miss Cabot, ravissant les spectateurs ainsi que les jeunes colombes qui l’avaient accompagnée, et qui avaient maintenant l’attention de plusieurs gentlemen.

Ils continuèrent à jouer, miss Cabot misant un shilling de temps à autre et plaisantant avec la foule. Ce n’était pas le genre de jeu à fortes mises que George appréciait, mais il appréciait miss

Cabot. Beaucoup. Elle ne correspondait pas à l’image qu’il se faisait d’une débutante. Elle avait de l’esprit, était enjouée, s’enchantant de ses petites victoires, débattant de son jeu avec quiconque se trouvait derrière elle.

Au bout d’une heure, sa bourse ne contenait plus que vingt livres.

— Augmentons-nous les mises ? demanda-t-elle gaiement, tout en se préparant à distribuer les cartes.

— Si vous pensez que vous pouvez suivre, vous avez toute mon attention, dit George.

Elle lui jeta un regard malicieux.

— Vingt livres, dit-elle, et elle se mit à donner.

George ne put s’empêcher de rire de sa naïveté.

— Mais c’est tout ce que vous avez !

— Alors vous allez peut-être me suivre ?

Elle leva les yeux vers lui. Ils pétillaient toujours, mais d’une façon légèrement différente : elle le défiait. Le ciel lui vienne en aide, elle préparait quelque chose, et il n’aurait pas pu être plus ravi.

Il lui fit un grand sourire.

— Miss Cabot, je dois vous conseiller de ne pas tout risquer, dit le dandy qu’elle avait appelé

un peu plus tôt M. Eckersly et qui était devenu de plus en plus nerveux au fur et à mesure que la partie progressait. Il est temps que nous regagnions Mayfair.

— Je prends acte de votre prudence et de votre notion du temps, monsieur, répondit-elle suavement, les yeux toujours posés sur George. Vous allez me faire plaisir, n’est-ce pas, monsieur

Easton ? Vous allez me suivre ?

George n’avait jamais été homme à opposer un refus à une dame, en particulier une dame qu’il trouvait aussi captivante.

— Estimez-vous satisfaite, dit-il, en hochant poliment la tête. Je vous suis.

La nouvelle se répandit rapidement dans tout le tripot, et, en quelques minutes, d’autres spectateurs s’attroupèrent pour voir la débutante perdre une belle somme au profit de George Easton, l’homme qui se proclamait lui-même bâtard du défunt duc de Gloucester.

Les mises augmentèrent, jusqu’à ce que Rutherford, atterré à la perspective qu’une débutante lui doive de l’argent, se retire du jeu. Il ne resta que George et miss Cabot, celle-ci demeurant remarquablement calme. C’était bien l’attitude de quelqu’un de Mayfair, pensa George. Elle ne se souciait pas de perdre l’argent de son père — pour elle, ce n’était que de la magie, les pièces sortaient de nulle part.

La mise avait atteint cent livres, et George fit une pause. Il appréciait la hardiesse de sa partenaire de jeu, mais n’avait pas l’habitude de prendre une telle somme à des débutantes.

— Nous jouons maintenant pour cent livres, miss Cabot. Votre papa mettra-t-il cette somme dans votre réticule ? demanda-t-il.

Les hommes, autour de lui, s’esclaffèrent.

— Juste ciel, monsieur Easton, c’est une question bien personnelle ! Je devrais peut-être demander si vous serez capable de sortir cent livres de votre poche, dans le cas où je gagnerais…

La petite impertinente ! Il y eut de nombreux murmures autour d’eux, et George ne put qu’imaginer le ravissement que la remarque de la fière jeune femme avait causé autour d’eux. Il jeta une poignée de billets sur la table et lui fit un clin d’œil.

— Je les aurai.

Elle suivit sa mise avec un bout de papier que quelqu’un lui tendit, signant de son nom une reconnaissance de dette de cent livres.

George étala ses cartes. Miss Cabot étouffa une exclamation de surprise. Il avait une tierce, dont la meilleure carte était un dix. La seule main qui pouvait battre la sienne était une tierce à l’as, ou trois cartes de même valeur.

— C’est impressionnant ! dit-elle.

— Je joue à ces jeux depuis longtemps.

— Oui, bien sûr.

Elle leva les yeux et lui sourit, et, lorsqu’elle le fit, George comprit qu’il était battu. Son sourire

était trop coquin, trop triomphant pour ne pas accompagner la certitude d’une victoire.

Quand elle étala son jeu, des exclamations montèrent, suivies par des applaudissements. Miss

Cabot l’avait battu avec trois dix. George fixa ses cartes, puis leva lentement les yeux vers elle.

— Puis-je ? demanda-t-elle, et elle se servit de ses deux mains pour ramasser pièces et billets.

Elle prit toute la mise, jusqu’à la dernière pièce, la glissant dans son délicat petit réticule. Elle remercia George et Rutherford de lui avoir permis de jouer, s’excusa poliment, remit sa cape et ses gants, et rejoignit sa petite troupe d’oies blanches.

George la regarda partir, tapotant des doigts sur la table. Lui, un joueur expérimenté, venait d’être refait par une débutante !

C’est donc ainsi que ses ennuis avec Honor Cabot commencèrent.

2

La soirée musicale de printemps de lady Humphrey était considérée comme l’événement au cours duquel les dames de la haute société révélaient leurs aspirations en matière de mode pour la nouvelle Saison, et chaque année, inévitablement, une dame s’y faisait remarquer. En 1798, lady

Eastbourne fit son apparition vêtue d’une robe avec des manches qui lui découvraient les épaules, ce que beaucoup avaient jugé si osé et néanmoins si plaisant que les langues s’étaient agitées pendant des semaines à Mayfair. En 1804, miss Catherine Wortham choqua tout le monde en déclarant qu’elle ne portait aucune sorte de dessous sous sa robe de mousseline qui laissait en effet voir à tous l’ombre de ses jambes.

En ce début de printemps 1812, ce fut miss Honor Cabot qui fit grande impression dans sa robe ajustée, pourvue d’un décolleté audacieux. Elle était vêtue d’une exquise soie de Paris dont on pouvait raisonnablement supposer qu’elle avait coûté un prix exorbitant, étant donné la quantité de broderies et de perles qui dansaient le long de l’ourlet et le fait que l’Angleterre était en guerre avec la France. La soie était bleu paon et mettait en valeur de manière exquise ses yeux bleu foncé. Ses cheveux, aussi noirs qu’une nuit d’hiver, étaient ornés de minuscules cristaux qui reflétaient la nuance de la robe.

Honor Cabot était une véritable beauté, nul ne pouvait le nier. Ses toilettes étaient toujours superbement coupées, sa peau crémeuse joliment rehaussée par ses cils sombres, ses lèvres pleines couleur rubis et ses joues roses. Elle était en général d’une humeur charmante et ses yeux étincelaient de gaieté lorsqu’elle riait avec ses très nombreux amis et admirateurs.

Elle avait la réputation de repousser jusqu’à ses limites le comportement chaste et modeste que l’on attendait des débutantes. Tout le monde avait entendu parler de sa récente incursion à Southwark.

Un scandale ! Les gentlemen de la haute société l’avaient qualifiée en plaisantant de « fière-à-bras ».

Ce soir-là, une fois le récital terminé et les invités conviés à traverser Hanover Square afin de rejoindre la maison des Humphrey pour le souper, ce n’était pas la robe ravissante et osée de la

« fière-à-bras » qui faisait jaser. C’était sa coiffe.

Quelle œuvre artistique que cette coiffe ! D’après lady Chatham, qui se disait une autorité dans tout ce qui touchait à la chapellerie féminine, elle avait été confectionnée par la prestigieuse boutique

Lock & Company, dans Bond Street, le summum dans le domaine de la parure pour dames. Elle était faite de crêpe noir et de beau satin bleu, et l’étoffe pincée en un tout petit éventail sur le côté était maintenue en place par une aigue-marine scintillante. De cet éventail partaient deux très longues plumes de paon qui, toujours d’après lady Chatham, venaient d’Inde, ce qui laissait entendre qu’elles

étaient très supérieures aux plumes de paon anglaises.

Quand miss Monica Hargrove vit la coiffe posée avec désinvolture sur la tête brune d’Honor, elle en eut presque une attaque.

Le bruit qu’un incident s’était produit entre miss Cabot et miss Hargrove dans le boudoir des dames se répandit si vite dans Mayfair qu’il atteignit la demeure du comte de Beckington, sise

Grosvenor Square, avant miss Cabot elle-même.

Honor l’ignorait encore lorsqu’elle se faufila dans la maison, au chant du coq. Elle gravit prestement l’escalier et se réfugia dans sa chambre où elle jeta la coiffe sur la méridienne, ôta la magnifique robe que Mme Dracott avait faite spécialement pour elle, et sombra rapidement dans un sommeil profond et sans rêves.

Elle fut réveillée avec rudesse un peu plus tard et ouvrit les yeux pour voir sa sœur de treize ans, Mercy, penchée sur elle et la dévisageant avec attention.

Cela lui causa une telle frayeur qu’elle poussa un cri et se mit sur son séant, serrant les draps contre elle.

— Mercy, qu’y a-t-il, au nom du ciel ?

— Augustin te demande de venir, répondit Mercy en la scrutant derrière ses lunettes à monture métallique.

Mercy était comme elle, brune aux yeux bleus, tandis que leurs sœurs Grace — qui avait vingt et un ans, soit un an de moins qu’Honor — et Prudence — âgée de seize ans — étaient blondes aux yeux noisette.

— Augustin ? répéta Honor en bâillant.

Elle n’était pas d’humeur à voir son beau-frère ce matin. Etait-ce seulement le matin ? Elle jeta un coup d’œil à la pendule de la cheminée, qui indiquait 11 h 30.

— Que me veut-il ?

— Je ne sais pas, répondit Mercy en sautant sur un pouf au pied du lit d’Honor. Pourquoi as-tu des cernes sombres sous les yeux ?

Honor grogna.

— Avons-nous des visites, aujourd’hui ?

— Juste M. Jett, répondit Mercy. Il a laissé sa carte pour toi.

Ce cher M. Jett ! Rien ne pouvait le persuader, semblait-il, que jamais Honor ne consentirait à

être courtisée par lui. C’était son lot, dans la haute société londonienne, d’attirer des gentlemen pour qui elle ne pourrait jamais éprouver d’attirance, même en faisant les plus gros efforts d’imagination.

M. Jett avait au moins le double de son âge et, pire, il avait de grosses lèvres. Que les femmes soient censées accepter n’importe quel homme dont la fortune et la position étaient comparables aux siennes l’ulcérait. Et la compatibilité des âmes, alors ? Et l’estime ?

Elle avait approché une telle profondeur de sentiments l’année de ses débuts. Elle était tombée follement amoureuse de lord Rowley, un beau et charmant jeune gentleman. Elle en avait été très

éprise, et avait cru — avait été amenée à croire — qu’une demande en mariage se profilait à

l’horizon.

Une demande en mariage se profilait bien… mais pour Delilah Snodgrass.

Honor avait appris leurs fiançailles lors d’un thé et avait été si assommée par la nouvelle qu’elle était rentrée précipitamment chez elle et que Grace avait été obligée de l’excuser. Elle en avait eu le cœur brisé et avait souffert de cette amère déception pendant des semaines. Rowley escortait miss Snodgrass partout, et Honor s’était sentie devenir de plus en plus insignifiante dans son chagrin.

Comment avait-elle pu se tromper à ce point ? Rowley ne l’avait-il pas complimentée sur son apparence et ses succès ? Ne lui avait-il pas murmuré à l’oreille qu’il aimerait beaucoup l’embrasser autrement que sur la joue ? N’avaient-ils pas fait de longues promenades au parc ensemble, parlant de leurs espoirs pour l’avenir ?

Le lendemain de cette nouvelle ahurissante, elle l’avait rencontré par hasard. Il lui avait souri, et son cœur s’était emballé. Elle n’avait pu s’empêcher de se confronter à lui et de lui demander, aussi poliment que possible, ce qu’il était advenu de la demande en mariage qu’elle avait attendue.

Elle n’oublierait jamais, aussi longtemps qu’elle vivrait, l’expression de surprise du jeune homme.

— Je vous demande pardon, miss Cabot. Je n’avais aucune idée de la force de vos sentiments, avait-il répondu d’un ton d’excuse.

Elle en avait été complètement désarçonnée.

— Vous n’en aviez aucune idée ? Mais vous êtes venu me voir plusieurs fois ! Nous avons marché dans le parc, parlé de l’avenir, nous nous sommes assis côte à côte pendant l’office du dimanche !

— Eh bien, oui, avait-il admis, l’air très mal à l’aise. J’ai beaucoup d’amies parmi le beau sexe.

J’ai fait d’innombrables promenades et eu beaucoup de conversations intéressantes. Mais je le répète, je n’avais pas conscience que vos sentiments avaient dépassé les limites de l’amitié. Aucun signe extérieur ne me l’a montré.

Elle en avait été sidérée. Evidemment qu’elle n’avait montré aucun signe extérieur de son attachement ! Elle était une jeune fille correcte ! Elle s’en était tenue à une attitude convenable et chaste, ainsi qu’on le lui avait appris ! Elle avait sagement attendu qu’il fasse le premier pas, comme elle supposait que cela se faisait.

— Et je dois vraiment insister sur le fait, miss Cabot, avait-il ajouté avec une expression peinée, que si je l’avais su, cela n’aurait rien changé.

Il avait un peu rougi, haussant les épaules sans conviction.

— Notre union n’aurait pas été convenable.

Ces mots avaient encore plus abasourdi Honor que sa duplicité.

— Pardon ?

Il s’était éclairci la gorge et, fixant ses mains, s’était montré plus explicite :

— En tant que fils aîné d’un comte, on attend de moi que je vise un peu plus haut que la bellefille de Beckington… ou la fille d’un évêque, puisque c’est le cas.

Il l’avait ensuite regardée dans les yeux. Mais à peine.

— Vous comprenez ?

Elle avait compris, ah, ça oui ! Pour lui, et pour tous les gentlemen de Mayfair, le mariage était une affaire de position et de statut. Il ne se souciait visiblement pas d’amour ou d’affection. Il ne se souciait visiblement pas d’elle.

La blessure de cet été-là l’avait profondément marquée, et elle n’en avait jamais vraiment guéri.

Elle s’était juré et avait juré à ses sœurs qu’elle ne se laisserait jamais, jamais remettre dans une telle situation.

— Dis à Augustin que je descends tout de suite, s’il te plaît.

— D’accord, mais tu ferais bien de ne pas tarder. Il est très en colère contre toi.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Il est fâché contre maman, aussi. Apparemment, il lui a dit que les Hargrove venaient dîner hier soir, et elle assure qu’il ne l’a pas fait. Elle n’avait pas prévu de repas, et ils se sont disputés.

— Oh ! non… Et que s’est-il passé ?

— Nous avons mangé de la poule bouillie, répondit Mercy. Je dois y aller, maintenant, ajouta-telle avec légèreté, avant de sortir de la pièce en gambadant

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- Ne souriez pas ainsi ! répéta-t-il avec brusquerie. Je ne me laisserai pas influencer par votre charmant sourire.

- Vous trouvez mon sourire charmant ?

- Je le trouve dangereux.

[...]

- Je trouve tout dangereux en vous.

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