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Ceux qui se sont aventurés au pays des grizzlis savent bien, écrit John Murray, que la présence ne serait-ce que d’un seul grizzly fait que les montagnes paraissent plus élevées, les canyons plus profonds, le vent plus glacé, les étoiles plus brillantes, la forêt plus sombre, et qu’elle fait battre plus vite le cœur de celui qui y pénètre. Et ils savent que la mort d’un ours entraine la mort d’un élément sacré, caché dans tout ce qui vit au contact de son royaume.
Afficher en entierLe faucon qui fond vers le sol pour capturer un écureuil sous le nez d'un promeneur médusé, les coyotes qui poursuivent le chien d'un randonneur entre les jambes de son maître, le serpent qui ne veut pas lâcher le poisson déjà accroché à la ligne du pêcheur, le cerf en rut qui traverse un campement à la poursuite d'une biche : il existe dans la nature des cycles, des mouvements si intenses, tellement fixés sur un seul but, que rien ne peut les arrêter tant qu'ils n'ont pas été accomplis.
Afficher en entierLa nature et le système originel qui nous ont créés doivent toujours nous accompagner, doivent rester le socle de nos mouvements et de nos actions.
Quel est notre devoir ? Vivre une vraie vie.
Afficher en entierPour que la nature sauvage puisse survivre, pour qu’elle revienne, il faut que revienne d’abord le respect. Pas tant le savoir que la compréhension. Respect, conscience, prudence, providence, précaution, compassion – ce qui ressemble à une liste de bonnes résolutions pour Quaker est peut-être une liste de nos devoirs envers la nature.
Afficher en entierUne tempête nous tombe dessus pendant la nuit. Des éclairs se fichent dans les crevasses au-dessus de nous, illuminent la forêt d’une lumière bleue et crue. Ils ne sont pas très différents de ceux qui me brouillent la vue. Je veux jeter un coup d’œil à l’extérieur de la tente, le ciel se déchire et j’aperçois une harde de cerfs qui dévale au milieu des trembles. Le tonnerre roule dans la vallée. Les éclairs frappent partout autour de nous – le plus proche tombe à moins de cent yards, de sorte que le sol sur lequel nous dormons est comme électrifié, il bourdonne et grésille. Le tonnerre est si violent qu’il m’aplatit sur le ventre. Quand je me redresse, il frappe à nouveau et me plaque au sol. Je me presse contre la terre, vacillant, tandis que le ciel là-haut explose. Cette tempête est si proche et tellement démente qu’elle semble me viser personnellement. D’autres éclairs tombent, six ou sept d’affilé, accompagnés chacun d’une explosion assourdissante. Je suis aveuglé par la lumière et je tremble. La terre entière est en guerre.
Afficher en entierRenoncer à la chasse n’est pas la fin du monde, bien sûr. On s’adapte – on s’adapte ou on casse. On se terre, on se cramponne à ce qui reste. On réduit son territoire ; on passe des cinq cents miles carrés où l’on vit avec une force insolente du type “Tout-ce-que-je-peux-voir-d’ici-m’appartient”, à deux cent cinquante miles carrés où le mot d’ordre devient “Laissez-moi-en-paix”. Plus tard, on se contente de cent miles carrés et d’une philosophie du genre “Mieux-vaut-rester-seul”. Puis on passe à vingt miles carrés, puis à quatre ou à cinq. Au lieu de chasser ses semblables comme on a pu le faire à une certaine époque, on se replie sur soi-même et on tient bon.
Les territoires sauvages de l’âme se réduisent comme peau de chagrin.
Afficher en entierNous trouvons d’autres débris de canne dans les fourrés, pareillement saccagés.
— Les poissons fantômes, rigole Peacock.
Il jubile en imaginant les types bredouilles en train de casser et de brûler leur matériel tandis que les truites, tout près, ne cessent de bondir hors de l’eau sans jamais toucher un leurre, une mouche ou un hameçon. Des truites sauvages.
— Pauvres branleurs, fait Peacock en s’efforçant de reconstituer le matériel de pêche à la manière d’un archéologue.
Afficher en entierComment peut-on penser que les grizzlys ou d’autres bêtes sauvages ont pu changer quand des membres de notre propre espèce en sont incapables ? S’il reste des grizzlys dans les San Juan, c’est pourtant bien ce qu’ils ont dû faire : changer.
Afficher en entier— Clavaire dorée, annonce Peacock en désignant un nouveau champignon.
Il regarde la pente abrupte – vue à travers les branches, la vallée paraît de plus en plus petite – et découvre encore un champignon, fronce les sourcils (il n'est pas comestible) et grommelle :
— Amanite.
Au lacet suivant il regarde par terre, montre un mégot et, du même ton sérieux de guide, annonce :
— Camel.
Afficher en entierUn jour, à la question de savoir pourquoi il pensait que tant d'écrivains choisissent comme thème la nature, il m'avait répondu brièvement que la nature servait à « soulager les cauchemars ». La littérature traite des passions, disait-il, et il s'ensuit que les écrivains vont se passionner pour des sujets et des endroits de grande beauté. « Personne ne va devenir lyrique ou pathétique à propos d'un thermostat cassé. »
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