Extraits

– Qu’est-ce qui t’est arrivé ? me demanda Matélio quand il vit mon coquard sur l’œil gauche.

– Une mauvaise rencontre avec ma table de nuit.

– J’espère que ce n’est pas toi qui as commencé, pouffa-t-il en apportant le souper.

– Bien sûr que non voyons ! Je ne commence jamais, mais je finis toujours. À moins que cela ne soit l’inverse, je ne sais plus trop.

Ma peau était rougeâtre et m’insufflait une douleur terrible. Terrassé par un coup de soleil, voilà une défaite bien pitoyable.

– Arrête de faire cette tête de chien battu. Viens là que je te soigne.

Je grimaçai avant de répliquer :

– Si je peux brûler au soleil, je peux te noyer dans de la limonade !

Et je ne parlais pas de Matélio, mais bien de moi. Comment mon frère pouvait-il comprendre des choses dont je n’avais même pas conscience ? Je savais que j’avais mal agi, mais c’était plus fort que moi. Ça me faisait tellement mal… J’avais conscience d’être un putain d’égoïste. Le cœur serré, je regardai le plafond de notre petit appartement, quand une voix tendre, mais emplie de larmes, me plongea dans un profond sommeil.

— Tu as un chien ?

— Non.

— Tu t’en achèteras un alors. Un molosse de préférence.

— Je… Je ne peux pas.

J’avais toujours voulu avoir un chien. À l’annexe des ados du Centre Echidna c’était bien sûr impossible, mais il s’avérait que ce n’était pas ça le problème…

— Allergique, hein ? Pas de bol mon petit. Tu devras faire sans.

— C’est ça. Qu’est-ce que je vais devoir faire durant mes heures ?

— Tourner en rond dans le cimetière, pour pas que des petits voyous saccagent les tombes. Garder l’œil ouvert sans jouer les héros.

J'essayai de me battre comme contre les Barjs, mais ce fut bien plus difficile car le vampire était bien plus agile et bien plus intelligent. Ma carapace d'eau semblait souffrir de ses ongles aiguisés et au bout de plusieurs minutes, il réussit même à me griffer, emportant des morceaux de peau. Mon sang ruissela, se mélangeant à l'eau qui recouvrait mon corps, et, chose surprenante, la blessure se referma d'elle même en quelques secondes.

- Mais tu es qui toi? grogna le vampire.

- Pas la moindre idée, répondis-je en attaquant de nouveau.

Le Centre nous avait laissé des plaies béantes, mais notre nouvelle vie commençait petit à petit à les soigner. C’était au temps maintenant de nous aider à oublier, même si certains souvenirs resteraient gravés en nous à jamais…

– Tu as pensé quoi de ta première nuit avec nous ? me demanda-t-il amusé.

– Éreintante, je n’aurais jamais pensé tenir aussi longtemps, fis-je en me changeant à mon tour.

Mon interlocutrice pencha sa tête sur le côté tout en remettant une mèche de cheveux châtain clair derrière son oreille avec un sourire craquant. Une vague sensation de chaleur m’envahit, provoquant un frisson qui me parcourut de bas en haut en augmentant la température de la pièce d’un bon degré. Une pression de ma cage thoracique me coupa le souffle, faisant se dilater mes pupilles qui voulaient recevoir plus de cette fille, plus de lumière, plus d’elle. M’imprégner de son corps. Sans que je n’en aie conscience, je la déshabillai du regard. Ce n’était pas mon genre, plutôt celui de Kaywann. Et puis cette fille ne me plaisait pas, trop belle pour être sincère. Je clignai des yeux plusieurs fois pour reprendre le contrôle de mon corps. Quand je les ouvris, je surpris sur le visage de la demoiselle un air de prédatrice qui disparut si vite que je crus l’avoir rêvé.