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Extrait ajouté par TommyRollrbox 2020-04-08T06:07:05+02:00

Ils attendent la marée et partent aux premières lueurs du jour.

Après une nuit de pluie, le sol bouillonne doucement, une brume s’en élève et se mêle aux nuages. Nelson passe chercher Ruth en voiture banalisée. Il est assis à côté du conducteur ; elle monte à l’arrière, comme dans un taxi. Tandis qu’ils longent la route du Saltmarsh1 pour rejoindre le parking près du site où les premiers ossements ont été découverts, seuls les crépitements saccadés de la radio et la respiration enrhumée du chauffeur viennent rompre le silence. Nelson ne dit rien. Il n’y a rien à dire.

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Extrait ajouté par siegrid 2014-06-23T13:11:32+02:00

1

S'arracher au sommeil, c'est comme revenir d'entre les morts. La lente remontée vers la conscience, les formes qui se détachent dans l'obscurité, le réveil qui sonne telle la trompette du Jugement dernier. En tendant le bras pour l'éteindre, Ruth le flanque par terre, où il continue de sonner sur un ton de reproche. Elle se redresse péniblement, relève le store. Il fait encore nuit. Ce n'est pas normal, se dit-elle, en grimaçant au contact du parquet froid sous ses pieds. L'homme du Néolithique se couchait et se levait avec le soleil. Qu'est-ce qui nous fait croire que notre façon de faire est la bonne ? S'assoupir sur le canapé devant Newsnight, se traîner jusqu'à la chambre à l'étage pour lire un Inspecteur Rebus sans réussir à se rendormir, écouter la BBC World Service et énumérer les nécropoles de l'âge du fer comme on compte les moutons, tout ça pour se réveiller dans le noir avec une impression de mort… Non, vraiment, ce n'est pas normal.

Sous la douche, l'eau lui décolle les paupières et fait ruisseler ses cheveux dans son dos. Un baptême, en quelque sorte. Les parents de Ruth, des chrétiens « régénérés », sont de grands amateurs de l'Immersion Totale Pour Adultes (majuscules obligatoires). Ruth comprend ce qui les attire dans cette pratique, à la différence près qu'elle ne croit pas en Dieu. Ses parents Prient Pour Elle (majuscules, encore), mais bizarrement elle n'en tire aucun réconfort.

Ruth se sèche vigoureusement devant le miroir embué. Elle n'a pas besoin de voir son reflet, elle le connaît et ne le trouve pas plus rassurant que les prières de ses parents : cheveux châtains aux épaules, yeux bleus, peau pâle, elle pèse soixante-dix-neuf kilos quelle que soit la manière dont elle se tient sur la balance, qui est présentement reléguée dans le placard à balais. Avec un soupir (je ne me résume pas à mon poids, être grosse est un état d'esprit), elle étale du dentifrice sur sa brosse à dents. Elle a un très joli sourire. Maigre consolation, encore une fois, d'autant qu'à cet instant elle ne sourit pas.

Les pieds mouillés, elle retourne dans sa chambre. C'est un jour de cours, elle doit donc s'habiller un peu mieux qu'à l'ordinaire. Sans réfléchir, elle choisit un pantalon et un haut droit, noirs tous les deux. Ruth aime les couleurs et les tissus ; en vérité, elle a même un faible pour les sequins, les perles et le strass, mais sa penderie n'en laisse rien paraître – une rangée austère de pantalons et de vestes amples dans les tons sombres. Les tiroirs de sa coiffeuse en pin sont remplis de pulls noirs, gilets longs et collants opaques. Avant d'atteindre la taille 44, Ruth portait des jeans, mais à présent elle préfère le velours – noir, bien sûr. De toute façon, elle est trop vieille pour les jeans. Elle aura quarante ans l'an prochain.

Une fois habillée, elle entreprend de descendre l'escalier, tellement raide qu'il tient plus de l'échelle. Lors de sa seule visite, sa mère s'est plainte qu'elle ne pourrait jamais monter au premier. Personne ne te le demande, avait pensé Ruth. Comme son petit cottage ne possède qu'une seule chambre, ses parents avaient logé au bed and breakfast du coin ; ils n'avaient donc aucune raison d'aller à l'étage (il y a des toilettes en bas, juste à côté de la cuisine ; sa mère trouve que ce n'est pas hygiénique). L'escalier débouche directement dans le salon : parquet brut, canapé défraîchi mais confortable, grande télévision à écran plat, livres sur toutes les surfaces disponibles. Des ouvrages d'archéologie pour la plupart, mais aussi des policiers, des recettes de cuisine, des guides de voyage et des romans à l'eau de rose. Ruth est très éclectique dans ses goûts. Elle affectionne particulièrement les histoires pour enfants qui parlent de danse classique ou d'équitation, même si elle ne s'est jamais essayée à ces deux activités.

La cuisine offre à peine la place de caser un frigo et une gazinière, mais Ruth se met rarement aux fourneaux, malgré ses nombreux recueils de recettes. Après avoir branché la bouilloire et mis du pain à griller, elle allume Radio 4, prend ses notes et va s'asseoir à la table face à la fenêtre – sa place préférée. Au-delà du jardin battu par le vent et de la barrière bleue cassée, l'horizon s'étend à l'infini. Des kilomètres et des kilomètres de marais ponctués de maigres buissons d'ajoncs, où s'entrecroisent de traîtres ruisseaux. À cette saison, on voit parfois de grandes volées d'oies sauvages traverser le ciel, leurs plumes rosies par le soleil levant. Mais en ce matin gris d'hiver, pas une seule créature à perte de vue. Tout est pâle, délavé ; le gris-vert du marais se fond dans le gris-blanc du ciel. Au loin, il y a la mer, une ligne de gris plus sombre sur laquelle dansent des mouettes. C'est un paysage on ne peut plus désolé, et Ruth ne saurait dire pourquoi elle l'aime tant.

Elle avale sa tartine, boit son thé (elle préfère le café, mais elle se réserve pour un vrai expresso à l'université), tout en relisant ses fiches de cours, tapées à l'origine à l'ordinateur mais recouvertes d'un palimpseste de notes bigarrées. « Le rôle des sexes dans la technologie préhistorique », « La mise au jour d'artefacts », « Vie et mort au Mésolithique », « Les os d'animaux dans les fouilles »… Bien que le mois de novembre soit à peine entamé, le premier trimestre touche à sa fin : c'est sa dernière semaine d'enseignement. Ruth voit en esprit les visages de ses étudiants, sérieux, travailleurs, un brin ternes. Aujourd'hui, elle n'a plus que des troisièmes cycles, et elle regrette un peu la désinvolture des plus jeunes, leur bonne humeur de lendemain de cuite. Ses élèves sont tellement avides, ils l'attendent à la fin des cours pour parler des Hommes de Lindow et de Boxgrove, ils se demandent si les femmes n'auraient pas pu jouer un rôle important dans la société préhistorique. « Regardez autour de vous ! a-t-elle envie de crier. On a déjà du mal à se faire une place dans notre société. Comment voulez-vous qu'une bande de chasseurs-cueilleurs mal dégrossis aient été plus éclairés que nous ? »

« D'une certaine manière, Dieu est comme un iPod… »

Pensées du jour, la chronique religieuse de la matinale de Radio 4, s'immisce dans son inconscient et lui rappelle qu'il est temps de partir.

Elle pose son assiette et sa tasse dans l'évier puis sert à manger à Sparky et Flint, non sans répondre à la petite voix sardonique omniprésente dans sa tête : OK, je suis grosse et je vis seule avec mes chats. Et alors ? C'est vrai qu'il m'arrive de leur parler, mais je n'imagine pas qu'ils me répondent, et je ne prétends pas être autre chose pour eux qu'un distributeur de croquettes. À point nommé, Flint, gros matou roux, fait son entrée par la chatière et fixe Ruth de son regard doré.

« … sur notre liste “Morceaux récents”, ou faut-il parfois choisir “Lecture aléatoire” pour retrouver Dieu ? »

Ruth éteint la radio, caresse Flint un moment, retourne au salon pour ranger ses cours dans son sac à dos. Elle enroule une écharpe rouge (sa seule concession à la couleur : même les gros peuvent s'acheter des écharpes) autour de son cou, enfile son anorak, éteint la lumière et sort de la maison.

Celle-ci fait partie d'une rangée de trois cottages construits en bordure du Saltmarsh. L'un est occupé par le gardien de la réserve ornithologique, tandis que l'autre sert de résidence secondaire à une famille qui y vient l'été, fait beaucoup de barbecues toxiques et gare son 4 X 4 devant les fenêtres de Ruth. La route est régulièrement inondée au printemps et en automne, et souvent impraticable au cœur de l'hiver.

« Pourquoi tu ne t'installes pas dans un coin plus accessible ? lui demandent ses collègues. Il y a de jolies propriétés à King's Lynn, ou même à Blakeney, si tu tiens à vivre près de la nature… »

Ruth n'arrive pas à expliquer comment une fille originaire du sud de Londres peut ressentir une telle attirance pour ces marécages inhospitaliers, ces mornes vasières, ce paysage isolé, implacable. Au départ, ce sont ses travaux de recherche qui l'ont conduite dans ces marais, mais elle ne sait pas ce qui la retient ici, envers et contre tout.

« Je m'y suis habituée, se contente-t-elle de répondre. Et puis les chats ne supporteraient pas de déménager. »

Ça, ça fait rire ses collègues. Cette bonne vieille Ruth, si attachée à ses minets – des enfants de substitution, bien sûr. Dommage qu'elle ne se soit jamais mariée. Elle est tellement jolie quand elle sourit…

Aujourd'hui, néanmoins, la route est dégagée ; seul le vent incessant imprime une fine ligne de sel sur son pare-brise. Machinalement, Ruth fait gicler de l'eau pour le nettoyer. Après avoir franchi au ralenti le passage canadien1, elle négocie les nombreux virages qui mènent au village. L'été, les feuillages des arbres se rejoignent au-dessus de la route, formant un mystérieux tunnel verdoyant, mais à cette saison ils ressemblent à des squelettes levant leurs bras décharnés vers le ciel. Un peu plus vite que ne le commande la prudence, Ruth dépasse les quatre maisons et le pub fermé qui constituent le village, avant de tourner en direction de King's Lynn. Son premier cours est à 10 heures. Elle a amplement le temps.

Ruth travaille à l'université du North Norfolk, un nouvel établissement situé aux abords de King's Lynn. Elle y enseigne l'archéologie, une discipline récente ici, et plus précisément l'archéologie médicolégale, spécialité encore plus moderne. Phil, son chef de département, dit souvent pour plaisanter qu'il n'y a rien de neuf en archéologie, et Ruth sourit toujours poliment. Cela ne l'étonnerait pas que Phil arrive un jour avec un autocollant sur sa voiture, L'archéologie, ça creuse, ou Tu ne seras jamais trop vieille pour un archéologue. « Comment les squelettes écoutent-ils la radio ? Avec des os parleurs… » : elle connaît toutes ses blagues, et pourtant elle rit à chaque fois. Ruth s'intéresse plus particulièrement aux ossements. L'année dernière, ses étudiants lui ont offert une silhouette en carton grandeur nature du personnage de Bones, dans Star Trek. Elle l'a placé en haut de l'escalier, où il terrorise ses chats.

À la radio, quelqu'un parle de la vie après la mort. Pourquoi éprouvons-nous le besoin de créer un paradis ? Est-ce une preuve qu'il existe, ou juste qu'une grande partie de la population se berce d'illusions ? Les parents de Ruth parlent du paradis comme d'un endroit familier, une sorte de centre commercial cosmique où ils se sentiront chez eux et bénéficieront de tickets gratuits pour le parking, alors que Ruth croupira ad vitam æternam dans les transports en commun. Jusqu'à ce qu'elle naisse à nouveau, évidemment. Ruth préfère le paradis catholique, gravé dans sa mémoire lors de ses voyages d'études en Italie et en Espagne. De vastes cieux nuageux, l'encens et la fumée, l'obscurité et le mystère. Ruth aime l'Immensité, celle des tableaux de John Martin, du Vatican, du ciel du Norfolk. Heureusement, songe-t-elle avec ironie, tout en pénétrant dans l'enceinte de l'université.

Celle-ci se compose de longs bâtiments plats reliés entre eux par des passerelles de verre. Les matins gris comme aujourd'hui, l'ensemble est assez séduisant ; une lumière douce brille à travers la myriade de parkings, une rangée de petites lampes éclaire le chemin jusqu'au pavillon d'archéologie et de sciences naturelles. De près, c'est moins impressionnant. Au bout de dix ans seulement, des fissures apparaissent déjà dans la façade en béton, les murs sont couverts de graffitis, et un bon tiers des lampes ne marchent plus. Mais Ruth n'y fait pas attention. Elle se gare à sa place habituelle et sort de la voiture son sac à dos trop lourd – il est à moitié rempli d'os.

En montant l'escalier humide qui mène à son bureau, elle se concentre sur son premier cours : « Règles de base d'une fouille archéologique ». Bien qu'ils soient en troisième cycle, ses étudiants n'ont, pour la plupart, pas ou peu d'expérience sur le terrain. Beaucoup sont étrangers (l'université a besoin de leur argent) et la terre gelée de l'Est-Anglie leur provoquerait un joli choc culturel. Pour cette raison, ils ne feront leur première fouille officielle qu'au mois d'avril.

Tandis qu'elle cherche à tâtons sa carte magnétique dans son sac, Ruth voit du coin de l'œil deux personnes s'avancer vers elle dans le couloir. Phil, le chef du département, accompagné d'un autre homme qu'elle ne connaît pas. Grand et sombre, les cheveux grisonnants coupés très court, ce dernier dégage une impression de dureté contenue, un petit quelque chose de dangereux qui fait penser à Ruth qu'il n'est pas étudiant et encore moins enseignant. Alors qu'elle s'efface pour les laisser passer, Phil, à sa grande surprise, s'arrête devant elle.

— Ruth, ce monsieur veut te voir, annonce-t-il d'une voix sérieuse où perce une pointe d'excitation mal réprimée.

Peut-être bien un étudiant, finalement. Ruth ébauche un sourire cordial, qui se fige sur ses lèvres lorsqu'elle entend la suite :

— C'est l'inspecteur principal Harry Nelson. Il veut te parler d'un meurtre.

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