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Oh ! je ne sais plus. J’ai la tête comme une éponge. Et à propos d’argent… Tenez, c’est peut-être pour ça que je vous ai demandé si le boulot que vous lui aviez procuré, dans le temps, était un boulot honnête. Ma grossesse l’a assommé, je vous dis, et alors, s’il avait été malhonnête une fois, il pouvait le redevenir… Bref, il y a, je ne sais pas, moi, un mois ou deux, oui, un mois, un mois et demi, il est rentré avec un peu plus de fric que d’habitude, le jour de la paye, au moins vingt mille balles de plus. Il ne m’en a rien dit, mais… enfin, je l’ai su. — Et lui ? Il a su que vous saviez ? — Oui. Je lui ai demandé d’où venait cet argent. — Et alors ? — Il m’a répondu en rigolant qu’il fallait qu’il songe à l’avenir. C’était une réponse qui n’en était pas une, puisque cet argent, il m’a dit l’avoir emprunté. — Mais vous ne l’avez pas cru. Vous avez pensé qu’il l’avait barboté
Afficher en entierJe feuilletai à nouveau le cahier. Dire que je ne suis pas foutu d’établir la différence entre un écrou, une pince à linge et une boîte de vitesse, et que le delco, je l’ai toujours confondu avec une marque de peinture d’à peu près le même nom, serait exagéré, mais il y a un peu de ça. Je ne tirai donc de l’examen rapide de ces notes et croquis aucune indication sur les talents de mécano de Demessy. Mais ce n’était peut-être pas nécessaire pour retrouver le gars. Si ça l’était, le réparateur de la Porte de la Plaine me fournirait tous les renseignements désirables sur les capacités de son employé intermittent. Je demandai son nom
Afficher en entierLundi, il est allé travailler… Il était manœuvre chez Citron, à la tôlerie, quai de Javel… Il est rentré une fois sa journée terminée, comme d’habitude. Mais mardi, il est parti et n’est pas revenu. Alors, mercredi, comme il n’était toujours pas là, je suis allée voir à l’usine. Ils ne l’avaient pas vu non plus, là-bas. Ça ne m’a pas tellement surprise. S’il a l’intention de me laisser tomber, hein ? il ne va pas rester dans la place que je lui connais
Afficher en entierDétrompez-vous. Nous n’étions pas copains du tout. Nous ne nous étions jamais vus. Je l’ai rencontré par hasard, parmi d’autres pouilladins de la place Maubert. Mais, dès l’abord, il m’a été sympathique. C’est pourquoi je ne comprends pas son attitude actuelle. Évidemment, on peut changer, comme vous dites. Et la venue d’un enfant modifie toujours le comportement des gens, dans un sens ou un autre. Dès que l’enfant paraît, tel contempteur de la famille tombe dans le gâtisme adorateur, par exemple. Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille… Un cercle vicieux, parfois
Afficher en entierMaintenant, il pleuvait franchement, le ciel ne voulant pas qu’Hortense Demessy fût seule à ouvrir ses écluses. Le vent avait tourné, pris de l’ampleur. On l’entendait mugir autour de la maison et dans les escaliers de fer, et il rabattait la flotte en violentes rafales contre les deux monstruosités zoologiques des rideaux, qui semblaient la narguer, à l’abri derrière les vitres. L’encadrement des fenêtres craquait comme des jointures d’arthritique. Le temps passa. J’entrepris de le tuer à coups de Cinzano. La femme s’apaisa progressivement. Enfin, elle laissa retomber ses mains sur son ventre fécondé, leva la tête et me regarda à travers ses larmes : — Vous êtes toujours là, articula-t-elle, sur un ton de constatation étonnée
Afficher en entierQu’après tout, vous ne me connaissez pas. Paul m’a présentée à vous, un jour, ça fait déjà une paye, mais vous ne me connaissez pas. Je veux dire que vous n’avez aucune raison de me rendre service… surtout contre lui. S’il a foutu le camp avec une autre femme ou s’il ne veut plus me revoir, à cause de cet enfant qui va naître, ce n’est pas vous, un de ses copains… Elle ne termina pas sa phrase. Elle reprit son souffle et le garda
Afficher en entierJe vivais, fit-elle. Oui, je vivais. Je vivais avec lui. En ménage. À la colle. Je suis peut-être injuste, mais ça ne me plaît pas qu’il ait toujours refusé de régulariser, de se marier avec moi. Ce n’est pas que je ne l’ai pas désiré, le mariage ! que je ne lui en ai pas parlé. Que voulez-vous ? Je suis une idiote. J’ai des idées d’idiote. J’ai souvent mis la question sur le tapis, mais il trouvait toujours un bon prétexte pour remettre la décision à plus tard. J’ai fini par abandonner tout espoir de ce côté. En somme, puisque nous étions heureux comme ça, hein ? Heureux… (Elle soupira et eut un regard mauvais en direction des rideaux au crochet)… autant qu’on peut l’être en tirant le diable par la queue. Mais maintenant ça me revient. Bon Dieu ! comment expliquez-vous ça ? On parle de faire sa vie avec quelqu’un, on la fait plus ou moins, et on refuse de se marier. Non, ce n’était peut-être pas un type si bien que ça
Afficher en entierJe comprenais. À partir de trois ou quatre mômes, échelonnés savamment, on doit pouvoir s’acheter un tas d’appareils ménagers, avec les primes, les allocations, etc., mais un tout seul, c’est une catastrophe… Je reluquai furtivement le ventre de la pauvre bonne femme. Si elle couvait des quintuplés, le problème était plus ou moins résolu. Je ne suis pas gynécologue, mais il ne me parut pas y avoir place pour plus d’un, là-dedans. — Ce que vous m’apprenez me peine, dis-je. Je n’aurais pas cru que Demessy soit ce genre de salaud qui, après avoir pris son plaisir, fuit ses responsabilités. Quand j’ai fait sa connaissance, c’était un type bien
Afficher en entierLa femme eut un geste large : — … il n’a pas été enlevé, kidnappé, comme on dit, et il n’est pas allé se flanquer à la Seine ou quelque chose comme ça. Il m’a laissé tomber, tout simplement… Elle émit un ricanement douloureux : — … C’est joli, les enfants, hein, M’sieu ? C’est mignon tout plein et ça apporte joie et lumière dans un foyer, n’est-ce pas ? Du moins, on le dit. Merde, alors. Je ne sais plus dans quel canard j’ai lu ces jours-ci que le drame de la reine de Perse et de Jane Russell, l’actrice de cinéma, était qu’elles ne pouvaient pas avoir d’enfants. Et elles se désolent, ces braves dames ! Tout fout le camp. La vie n’est plus possible. Merde ! ce n’est pas à nous, les femelles fauchées, que ça arriverait, un drame comme ça, hein ? Foutre non
Afficher en entierLa salle à manger était minuscule, propre et sommairement meublée. Les bestioles bizarroïdes des rideaux au crochet n’apportaient dans le tableau aucune note de gaîté, au contraire. Il flottait dans l’atmosphère une odeur de lessive et des relents de naphtaline. La première provenait de la cuisine attenante ; les seconds des frusques du dimanche. Aucune odeur de boustiffe. C’était pourtant l’heure de se mettre à table, mais il ne semblait pas que mon hôtesse ait préparé à manger. Elle n’avait peut-être pas faim et ce n’était pas à une invitation à déjeuner que je répondais. Elle me débarrassa de mon chapeau qu’elle déposa sur le coin de la table qui supportait déjà, au centre d’un napperon, un verre à pied et une bouteille de Cinzano encore pucelle, manifestement achetée à mon intention, puis elle m’avança une chaise
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