Extraits

- Si tu pouvais résumer toute ton existence avec un seul repas qu'est-ce que ce serait ? Quel goût aurait ta vie ?

-Je ne sais pas, dis-je en riant. Drôle de question.

[...]

- Disons... du chocolat mi-amer, peut-être ?

- Seulement mi-amer ? releva-t-il.

- J'ai mes raisons, protestai-je. Et toi ? Quelque chose de sucré et délicieux ?

- Hum... Il faudrait que j'étudie la question. Ce qui est sûr, c'est que ça a changé depuis que je t'ai rencontrée.

Il me sourit et je reculai pour m'adosser contre le coussin du banc, le regard tourné dans une autre direction - loin de lui.

- Du beurre de cacahuète, décida-t-il

_ Pourquoi donc ?

- J'ai mes raisons, railla-t-il

- Ce n'est pas très sucré.

- Non, mais ça va bien avec le chocolat.

- Oh....

Mon visage s'enflamma et je pris une nouvelle bouchée pour tenter de cacher un sourire trop évident.

-Songe donc à tout ce que tu raterais. Tu dois sortir de ton terrier, apprendre à aimer le froid. Parce que si tu...

Sans le laisser achever sa phrase, je me penchai et saisis une poignée d'eau froide que je lui jetai sur le cou.

Il se figea. Je redoutais sa réaction, craignant d'avoir été trop loin. Quand il se retourna d'un bond, son expression était incompréhensible et je ne sus pas quoi penser.

- D'accord, je vois... annonça-t-il tandis qu'un sinistre petit sourire lui montait aux lèvres.

Et, d'un coup, il bondit vers moi. J'émis un cri instinctif tandis qu'il me poursuivait sur la plage abandonnée. Sans réfléchir ni me soucier de mes pieds et de mon pantalon, je courus dans l'eau. Le rire de William résonnait juste derrière moi tandis qu'il m'éclaboussait.

J'avais l'impression d'être libre, d'être redevenue une petite fille, de briser les règles implicites de l'âge adulte; mon rire m'échappa. Ainsi détendue, j'eus le courage de me tourner vers mon poursuivant. J'adoptai une position accroupie qu'il imita aussitôt.

-Tu vas voir ce que tu vas, menaça-t-il avec un sourire magnifique.

-Et toi donc! ripostai-je.

Alors la folie des éclaboussures nous reprit. Suffoquant de rire, nous nous effondrâmes bientôt sur le sable, étendus sur le dos.

Je souris devant la crise d'angoisse que lui avait inspiré une idée si absurde. Compte tenu de l'épisode de Sam, j'avais du mal à croire que William s'inquiétait pour si peu.

Ses lèvre, pulpeuses, parfaites, frôlèrent les miennes avec une douceur de pétale de rose. D'abord, elles les touchèrent à peine, comme s'il avait peur qu'un baiser plus appuyé m'écrase. Je sentis le désir dans la pointe de ses doigts, qui trouvèrent ma joue. Sa bouche exprimait bien plus que du désir, et s'il m'embrassait, ce n'était pas seulement une bravade. C'était un baiser éperdu qui articulait l'aveu : " J'ai besoin de toi. "

Ni mes propres craintes ni l'âme prophétique du vaste monde rêvant de l'avenir ne sauraient définir la durée de mon amour profond, ni prétendre qu'il est destiné à sombrer.

La lune mortelle a enduré l'éclipse, et les tristes augures méprisent leurs présages. Les incertitudes se parent de conviction, la paix est le héraut des oliviers hors d'âge.

Grâce aux gouttes tirées de ses heures embaumées, mon amour resplendit et la mort m'obéit, car en dépit d'elle, je vivrai dans ces pauvres rimes, tandis qu'elle chargera des hordes sottes et muettes.

Et toi, tu trouveras ici ton monument, quand auront disparu les couronnes des tyrans et leurs tombes de cuivre.

La vie. Un labyrinthe de croisements et de virages où nul n'est vraiment destiné à se frayer un chemin. Une abondance de moments essentiels et de repères marquants qui vous prennent par surprise, à tout instant, et retournent votre univers.

- Je me demandais simplement si l'on peut se remettre d'un chagrin d'amour. Par exemple, crois-tu qu'il vaut mieux aimer quelqu'un puis le perdre, ou ne jamais connaître l'amour ?

Enfin, le présent balayait la tristesse du passé et, sans en oublier la menace, je décidai de repousser la peur de l'avenir obscur.

- Vivons l'instant présent. Si tu te projettes vers l'avenir, tu vas rater ce qui se passe ici et maintenant, et tu le regretteras.

Je n'étais pas obligée de l'aimer, mais je sentais que c'était déjà le cas - et on n'éteint pas l'amour.

Comme un rêve oublié qui remonte sans prévenir, je revis notre ville paisible, qui s'endormait chaque soir au coucher du soleil.