Extraits

Elle l'avait rencontré un jour d'été exactement comme celui-ci, beau et doux.

Aujourd'hui, elle ne peut s'empêcher de s'étonner à l'idée d'être tombée amoureuse d'un homme loup sans rien y trouver d'étrange.

Yuki, en pyjama et pieds nus, se mit à courir. Elle galopa à travers la forêt, tantôt fille, tantôt fille, tantôt louve, dans une vertigineuse succession de transformations.

Ame voulut la suivre, et lui aussi passa de quatre pattes à deux jambes, puis de nouveau à quatre pattes. Dans son élan, il avait perdu son pyjama et ne conservait que son cache-nez.

Son duffle-coat sur les épaules, Hana partit à leur suite en ramassant les pyjamas.

Comme pris au jeu, les deux enfants couraient en tous sens pour lui échapper.

Le ciel d'un bleu infini était superbe.

Les deux louveteaux descendaient à toute allure en décrivant des huit sur la colline enneigée surmontée d'un arbre unique.

Yuki la louve partit en glissant le long de la pente puis, prenant son élan, sauta en l'air. Le vent la souleva, légère. Derrière elle, son cache-nez flottait dans le nez. Ce fut un instant palpitant durant lequel elle se crut en train de voler. Elle rejoignit le sol en faisant tournoyer la neige en un nuage qui la dissimula.

Ame le louveteau l'imita et sauta en l'air. Paniqué de se voir étonnamment léger, il agita les jambes, chancela et retomba au milieu d'une gerbe de neige. Ne voulant pas être en resten Yuki la louve se propulsa dans un bond plus puissant au cours duquel elle décrivit une rotation élégante.

Ils bondirent tous deux à qui mieux mieux, déclenchant chaque fois un faisceau de neige fine.

_ Ouhouuuuuuu! hurla Yuki.

_ Ouhouuuuuuu! hurla Ame

A quoi Hana joignit sa voix:

_ Ouhouuuuuuu hou houuuu!

Avant de se laisser tomber et de s'enfoncer membres écartés dans l'univers d'un blanc infini.

Leurs voix faisaient écho dans les hauteurs lointaines.

Yuki était redevenue une petite fille. Son souffle bruyant se changea en rire.

_ Ha! Ha! Héhéhéhé!

Aussitôt, Ame, couvert de sueur, se mit à rire lui aussi.

_ Hahahahah... hahahahah!

Entraînée, Hana y alla à son tour d'un:

_ Ahahahahahah!

Tous trois mêlèrent leur fou rire.

_ Les enfants... leur lança-t-elle d'une voix éteinte.

_ Qu'est-ce qu'il y a, maman?

Ils arrivèrent, hors d'haleine.

Hana respira à fond, soupira. Puis, murmura, comme pour elle-même:

_ Qu'aimeriez-vous faire?

_ ??

_ Quelle vie voudriez-vous avoir?

_ ??

_ ... une vie de loups? Une vie d'hommes?

_ ??

Les demi-loups penchaient la tête, mine ébahie. Évidemment, elle ne pouvait attendre de réponse d'eux.

Néanmoins, à voir leurs visages à présent, elle sentait revenir son entrain, lentement certes, mais sûrement. Sa sensation d'usure physique disparaissait peu à peu et, à la place, jaillissait une énergie d'un genre nouveau.

Elle leur sourit tendrement:

_ J'ai l'intention de déménager. Pour que vous ayez le choix

Cela dit, elle regarda le ciel au loin.

Le soleil qui se levait dardait ses rayons vigoureux à travers les branchages.

Une lumière éblouissante les inonda.

Un jour nouveau débutait.

Lorsqu'elle se mettait en colère ou faisait un caprice, elle hérissait ses poils, dressait ses oreilles et prenait la forme d'une louve.

Jamais elle n'y manquait.

Il lui arrivait aussi, de temps à autre, de prendre une forme mi-animale, mi-humaine.

Pour Hana, c'était comme si elle hésitait entre l'une et l'autre existence.

_ Pourquoi "Hana"?

_ Tu parles de mon prénom?

_ Oui.

_ Quand je suis née, des cosmos étaient en fleur dans le jardin. Personne ne les avait plantés, c'étaient des fleurs sauvages. Mon père m'a raconté qu'en les voyant, il avait tout à coup eu l'idée de m'appeler ainsi: "fleur". Pour que je grandisse et devienne une fille qui ne perde jamais son visage souriant.

"Celui dont je suis tombée amoureuse était un homme loup..."

Ils se sont promirent de veiller sur elle jusqu'à ce qu'elle soit grande. La tempête de neige s'était levée. Ils appelèrent le bébé Yuki, après le jour de neige où elle est née. C'était un bébé en bonne santé et énergique. Elle pleurait souvent, mais dès qu'il la prenait dans ses bras, elle s'arrêtait. Le soir, ils la mettaient tous les deux en bandoulière et marchaient le long de la berge.

Hana regarda le plat avec des sentiments mitigés. Elle craignait de ne pas pouvoir manger le repas qu'il avait si soigneusement préparé pour elle. Normalement, le simple fait de regarder de la nourriture ou de la sentir suffisait à la faire vomir. Elle prit une nouille avec ses baguettes et la grignota avec hésitation. Une saveur douce et savoureuse se répandit dans sa bouche. "Hum!" lâcha-t-elle. Tout d'abord, elle était contente de pouvoir enfin avaler quelque chose. Deuxièmement, elle était contente que ce quelque chose soit aussi délicieux après ce qui lui semblait être une éternité.

Tout d'un coup, elle se sentit affamée, avalant à grande bouchée, comme pour compenser tous les repas qu'elle avait manqué. Il posa son menton sur ses mains et la regarda, soulagé.

Un jour, Hana l'entendit entrer et s'assit dans son lit pour le saluer, mais remarqua que son manteau était couvert de plumes marron foncé. Elle lui lança un regard inquiet, mais il se contenta de lui répondre par un sourire taquin et sortit sa main de derrière son dos pour lui montrer ce qu'il tenait. Un bel oiseau à la queue d'un vert profond piaillait dans sa main - un faisan sauvage. Hana était stupéfaite. Elle essaya de l'imaginer en train de chasser sous forme de loup, mais elle n’y parvint pas.

Il se tenait dans la cuisine et plumait habilement l'oiseau, puis le plongea dans une grande casserole d'eau bouillante. Pendant que le faisan libérait son jus dans le bouillon, il se pencha sur le comptoir pour hacher les légumes. Hana lui demanda si elle pouvait l’aider en sortant du lit, mais il lui dit de simplement s'asseoir et se détendre. Finalement, il enveloppa les poignées du pot d'argile dans un torchon et le porta de la cuisinière sur un dessous de plat sur la table. Lorsqu'il souleva le couvercle, de la vapeur teintée de l'odeur de la soupe monta de la marmite. Il avait fait des nouilles au faisan dans un bouillon clair et brillant parsemé belles tranche de carottes et de radis.

Toutes ses habitudes étaient boulversé. Incapable de sortir du lit, elle passait chaque jour à essayer de supporter la nausée. Bientôt, elle ne put plus avaler une bouchée de nourriture et les nausées matinales lui volèrent le peu de poids de sa silhouette élancée. Même alors, elle ne pu arrêter les vomissement.

Chaque jour, quand il rentrait du travail, il lui frottait silencieusement le dos tout au long de la soirée et de la nuit. Le matin, n'ayant pas fermé l’œil de la nuit, il repartait travailler. Il représentait tout son soutient.