Extraits

À l’exception de la Grande-Bretagne, coupable d’un délit majeur en votant pour le Brexit, les autres moutons se laissaient tondre par l’implacable couple franco-allemand, se contentant des miettes du festin qui fournissaient cependant des plats substantiels. L’Europe n’avait pas d’autre avenir que cette Europe-là, dûment encadrée et formatée. Et même si certains rebelles avaient osé voter contre des traités admirablement ficelés, ils avaient dû revoter dans le bon sens. En dépit de quelques trublions populistes, rien ne changerait, tant la Machine était devenue lourde et tentaculaire. Et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Selfridge, à la tête d’une administration complexe et intouchable, déminait, rafistolait, désinformait et traçait le chemin qu’empruntaient les vedettes européennes. À lui d’étouffer les scandales touchant telle ou telle personnalité, comme José Manuel Barroso, qui n’avait commis aucune faute en entrant à la banque Goldman Sachs, laquelle avait un tantinet magouillé avec la Grèce avant de remagouiller un second tantinet avec l’Europe ; ou Neelie Kroes, ex-commissaire à la Concurrence et vice-présidente sous la commission Barroso de 2004 à 2014, qui dirigeait pendant la même période une société offshore aux Bahamas, tout en oubliant de signaler ce dur labeur lors de sa prise de fonction, en dépit des très strictes règles européennes. Aucune faute, en réalité, puisque sa société, écrasée par le soleil et le vent, n’était pas opérationnelle.

L’Angleterre traverse une sombre période, estima Smith ; avoir voté « leave » fut une erreur tragique, et le Brexit nous entraîne vers l’abîme. Le peuple a compris, mais trop tard, que les promesses des indépendantistes étaient irréalisables. Quelle qu’elle soit, l’Europe est notre seul avenir, et nous la rejoindrons à nouveau tôt ou tard, contraints et forcés, en baissant la tête. Une crise économique et une humiliation : voilà tout ce que nous aurons gagné. Heureusement, des esprits éclairés travaillent à amortir le choc.