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Été 1979
Le cri retentit derrière moi :
– Capitaine, mon capitaine !
Il provenait de la vigie, mais je ne me retournai pas pour répondre. Pas encore. Le spectacle que je contemplais, debout à la proue du navire, était à couper le souffle.
Afficher en entierGeorges Dent, l'homme qui était un peu fou, et qui était également mon père, s'inclina de façon théâtrale.
_ Les études, c'est la guerre. Les livres, ce sont tes armes. Sois brave au combat, mon fils.
Et il s'éclipsa. Je partis essayer mon sabre dans le jardin en poussant des cris de bataille, fendant les airs et décapitant les fleurs.
C'était le 25 juin 1979. Il nous restait dix jours, dix petits jours à peine, avant le drame qui allait mettre un terme définitif au monde de notre enfance.
Afficher en entierQuelle comédie humaine, songeai-je, tout cela était si convenu. Je n'ai rien contre la religion. Je suppose qu'elle est nécessaire. Mais je ne peux pas croire qu'un type barbu - appelez-le Dieu, Bouddha ou tout ce que vous voudrez - surveille nos faits et gestes du haut de son nuage. L'univers est si vaste, pourquoi imaginer que nous sommes la création la plus importante au monde plutôt que, je ne sais pas, moi, une tortue, une étoile ou une bactérie ? La triste vérité, selon moi, est que des crimes peuvent être commis en toute impunités. La religion n'est que le voile fragile dressé devant nos yeux pour nous empêcher de redevenir des barbares, massacrer notre voisin, sauter sa femme et lui piquer son fric. Pas nécessairement dans cet ordre.
Afficher en entierMon père ne répondit pas. Il ne répondait jamais rien, de toute façon. ça faisait longtemps qu'il s'était réfugié dans ce monde intérieur silencieux où nous terminerons tous. D'une certaine façon, je trouvais réconfortante cette image de la vieillesse. Pas de souvenirs, pas de haine, pas d'envie, juste de longues journées à être transbahuté d'un endroit à l'autre, avec des gens qui vous sourient et qui s'occupent de vous. Et la mort au bout du chemin, de moins en moins effrayante, comme une amie que l'on apprivoise en douceur.
Afficher en entierLa fameuse citation de Nietzsche "Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort" me faisait bien rigoler. Cette citation, voyez-vous, c'était de la pure propagande. La vérité est que chaque coup vous rend plus faible, et plante un clou de plus dans votre cercueil.
Afficher en entierLa nuit, la réalité a tendance à perdre ses contours. Le cerveau fonctionne différemment. Tout ce qui est logique s'estompe, tout ce qui est émotionnel remonte à la surface.
Afficher en entierUn jour mon père m'avait dit: << Accroche-toi à tes rêves!Tu le dois à trois personnes:à toi aujourd'hui,à l'enfant que tu as été,au vieil homme que tu deviendras.Ne les déçois pas! >>George était le roi de la citation.Je ne sais pas à quel auteur beatnik il avait emprunté celle-ci,mais elle nous avait bien plu.Stan l'avait recopiée au stylo-bille sur son jean et en avait fait sa devise.
Afficher en entier"Cette part d'innocence, cette merveilleuse magie de l'enfance qui nous avait permis d'être si forts à l'époque, d'affronter nos drames personnels et de soulever des montagnes, nous l'avions détruite en devenant des adultes."
Afficher en entier"Je savais que mes parents faisaient des efforts pour ne pas s'enguirlander en ma présence. Tellement d'efforts, en fait, que parfois ils ne se parlaient plus du tout. Ils étaient capables de ne pas s'adresser la parole durant des jours. Nos repas du soir ressemblaient à un spectacle d'équilibriste dans lequel je tenais le rôle principal : pour combler l'effroyable vide et le bruit solitaire des couverts, j'étais obligé de parler sans cesse, de relater mes journées à l'école, de raconter des blagues ou de faire des commentaires, bref d'inventer des dialogues de famille à moi tout seul. C'en était épuisant."
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