Extrait

Gaunt avait fait réunir son état-major dans un petit vestibule lambrissé à l’écart de la salle de banquet principale. La plupart des individus présents étaient déjà vêtus pour leur fonction protocolaire, engoncés dans des manchettes et des cols à galons dorés. Le personnel subalterne du Munitorum surveillait les portes afin d’en interdire poliment le passage aux éminences de Tanith.

— Je ne comprends pas, s’exclama un officier supérieur du Departmento Munitorum, le front de la zone de combat la plus proche est censé se situer à quatre-vingts jours d’ici ! Comment est-ce possible ?

Gaunt faisait les cent pas en fixant sa plaque de données avec intensité.

— Nous les avons vaincus sur Balhaut, mais ils se sont éparpillés. Les rapports transmis par les escadres de surveillance suggéraient une fuite désorganisée. Pour autant, il n’était pas exclu qu’une portion conséquente de leurs effectifs se dirige vers nous plutôt que de retourner s’abriter dans la zone ennemie des mondes de Sabbat.

Il pivota sur ses talons et jura à pleine voix.

- Par Solan ! Sur son lit de mort, Slaydo nous avait bien avertis à ce sujet ! Les flottes étaient censées garder toutes les entrées des voies Warp vers des territoires tels que Tanith, particulièrement à l’heure des nouvelles fondations, où nous sommes aussi vulnérables ! À quoi Macaroth se croit-il en train de jouer ?

Sym releva les yeux de la carte plane qu’il avait déroulée sur un bureau.

— Le seigneur commandant militant en chef a lancé la majorité de nos forces dans une poussée de libération. Il est clair qu’il cherche à accroître l’avantage gagné par son prédécesseur.

— Balhaut a été une victoire significative… esquissa l’un des représentants de l’Ecclésiarchie.

— Balhaut ne restera une victoire que si nous parvenons à policer correctement les nouveaux secteurs conquis. Macaroth a brisé le nouveau front en s’élançant à la poursuite de l’ennemi, ce qui a permis à l’ennemi de passer derrière nos lignes. C’est ce que j’appelle de la stupidité ! Les forces du Chaos auraient même pu continuer de nous éviter !

— Cela nous laisse à leur merci, reconnut platement un autre prêtre.

Hélas, Gaunt poursuivit en ce sens.

— Il y a une heure, nos vaisseaux en orbite ont détecté une armada hostile en approche du système. Il n’est pas exagéré d’affirmer que Tanith n’a plus que quelques heures à vivre.

— Nous pourrions combattre… risqua bravement quelqu’un.

— Nous ne disposons que de trois régiments sans expérience, nous n’avons ni position défensive naturelle ni emplacements préparés. La moitié du contingent est déjà à bord des transporteurs de troupes et l’autre moitié attend en transit. Il nous faudrait deux jours entiers pour faire revenir les navettes, débarquer tous ces hommes et creuser des tranchées. Quel que soit notre choix, ce sera un massacre.

— Alors qu’allons-nous faire ? demanda Sym. D’autres hochèrent la tête comme pour appuyer sa question.

— Les astropathes doivent immédiatement alerter le commandement principal et avertir Macaroth des événements : même si le reste de la croisade ne peut rien faire de plus, il lui faudra couvrir ses propres arrières. Pour tous les autres : les vaisseaux de transport quitteront l’orbite dans une heure ou dès le déclenchement de l’attaque. D’ici-là, faites encore embarquer autant d’hommes et d’équipement que vous le pouvez, le reste devra rester ici.

— Nous allons abandonner Tanith ? s’étrangla un aide du Munitorum, la voix noyée par l’incrédulité.

— Tanith est déjà morte. Nous pouvons mourir avec elle, ou nous pouvons sauver autant d’hommes que possible et les redéployer quelque part où ils pourront accomplir quelque chose au nom de l’Empereur.

Ils le regardèrent tous, médusés, écrasés par le caractère atroce de cette décision.

— Exécution ! dut-il les invectiver.