Extraits

Je n'avais encore jamais prononcé ces mots à voix haute. Les larmes me montent aux yeux, car je suis terrifiée d'ouvrir ainsi mon cœur à celui qui vient de réduire mes espoirs en miettes.

La vie est courte, il faut profiter de chaque instant de bonheur.

On ne choisit pas de qui on tombe amoureux ; c'est une question d'alchimie ou de flèche de cupidon, appelle ça comme tu veux !

- Et ton jeune ami, il revient quand ? me demande-t-elle le vendredi après-midi avant de me remettre une petite robe imprimée qui a appartenu à sa mère dans les années 1940.

- Aucune idée. Peut-être ce week-end. Oh, elle est magnifique !

Rose lève les yeux au ciel d'un air impatient.

- Vous les jeunes, vous pensez avoir la vie devant vous. Mais les années filent sans qu'on s'en aperçoive. Je dois avoir une photo de maman quelque part...

Elle fouille dans un tiroir et en sort le portrait en sépia d'une jeune femme aux yeux clairs, posant devant la porte du cottage, vêtue de la fameuse robe.

- Le temps nous est compté, insiste-t-elle. Si tu as des choses à vivre avec ce jeune homme, fais-le avant qu'il ne soit trop tard.

J'emballe soigneusement la robe dans du papier de soie et je range la photo en réfléchissant à ce conseil que je suis incapable de suivre.

Vivre implique de prendre des risques.

Aimer aussi.

Il me montre comment allumer le détecteur de métaux et comment le promener d'un geste ample au-dessus du sol. Je me demande à quoi ressemblait l'endroit autrefois. J'imagine une mare aux canards, une porcherie, un potager, des chevaux de trait tirant de vieilles charrettes à foin sur les pavés de la cour...

Je contemple avec nostalgie le bâtiment en ruines autour duquel tournoient les hirondelles. La vision de tout à l'heure, si vivace, a fini par s'estomper. Mais Georges a raison: ici, le passé semble plus proche qu'ailleurs. Ça me rend triste, comme si ce lieu tentait de raconter une histoire que personne n'écoute.

Ici, le passé semble plus proche qu'ailleurs. Ça me rend triste, comme si ce lieu tentait de raconter une histoire que personne n'écoute.

Faisant abstraction de la voix discordante de Harry, je me laisse happer par le travail: faire chauffer le chocolat, le tempérer, le goûter, vérifier les dosages, mouler les truffes. Ces gestes qui me paraissait autrefois compliquée me sont devenus instinctifs. Enfin, le sourire aux lèvres, je dépose trois plateaux bien garnis au frigo. Incapable de supporter plus longtemps cette torture musicale, j'abandonne mon compagnon pour aller me préparer un sandwich, puis je m'installe dans le hamac avec un boisson fraîche et un livre, pendant que Fred prend le soleil à mes pieds. La scène semble idyllique, mais je ne parviens pas à me concentrer. Le roman recommandé par Millie s'avère être une histoire d'amour gnangnan dont le scénario comporte autant de trou qu'un filet de pêche.

-Du calme. Tout va bien se passer. Tu peut compter sur moi.

-Oh, merci! Tu veux bien jeter un coup d'œil à mes affaires? Je panique tellement que je n'arrive plus à réfléchir.

Je lui tends son sèche-cheveux et la fait asseoir devant sa coiffeuse. Je suis passionnée par la mode, et j'adore ajouter une touche vintage ou décalée à mes tenues. Nos vêtements en disent long sur nous, comme ma belle chemise de nuit en broderie ou le kimono en soie de ma demi-sœur... Aujourd'hui, il lui faut un ensemble qui l'aide à garder confiance en elle.

Une demi-heure plus tard, elle paraît créative et motivée dans une petite robe rouge à bretelles portées sur un tee-shirt noir à manches longues et un legging. Des sandales rouges à semelles compensées complètent l'ensemble. Cherry se regarde une dernière fois dans le miroir pour regarder sa coiffure, deux petits chignons façon personnages de manga qui sont devenus sa marques de fabrique. Puis elle glisse quelques carnets, stylo et marqueurs dans son sac.

Quand on te vois faire, ça paraît facile, s'amuse-t-elle. C'est parfait, Skye. Merci!