Extraits

Je ne peux m’empêcher de sourire. Depuis qu’elle et mon frère White sont mariés, Kayla est devenue une personne différente : sûre d’elle, heureuse et franche. Sans parler du fait qu’elle arbore un sérieux ventre rebondi de femme enceinte, ces derniers jours. Comme si mon frère savait exactement à quoi je pense, il tend la main et frotte le ventre de Kayla tout en lui murmurant quelque chose à l’oreille. Je ne sais pas trop ce qu’il lui a dit, mais la rougeur qui se répand sur son visage me rend très envieuse de ces deux-là. Ils sont si amoureux, c’est beau, mais douloureux à regarder.

Seize ans, et je n’ai jamais été embrassée. Ça, c’est moi, mais seulement parce qu’en un seul regard sur Luka Parish quand j’avais seize ans, j’ai su qu’il était tout ce que je voudrais jamais. J’étais à une soirée bowling en famille pour célébrer l’anniversaire de mes frères Blue et Black. Luka était en formation à l’école de police, à l’époque, et il avait rencontré mon frère Black par ce biais. Il s’était approché avec d’autres copains pour lui souhaiter un bon anniversaire. Il ne m’avait absolument pas remarquée. Pourquoi l’aurait-il fait ? L’idée qu’un homme comme lui puisse me regarder était risible. Mais je l’ai vu. Je l’ai vu et je vais m’assurer de le revoir – et bientôt. Je devrai juste m’assurer de porter du maquillage, de très bien m’habiller et de ne surtout pas avoir l’air d’avoir seulement seize ans. Un homme comme Luka Parish n’embrasserait pas une fille de seize ans. Je veux qu’il me voie comme une femme, et j’ai clairement envie qu’il m’embrasse.

-Ce n'est pas a moi de révéler ses secrets, et je ne les trahirai pas. Mais je te fais savoir qu'ils existent. Alors avant de réagir avec agressivité, souviens-toi que le cœur d'une femme est un puits profond. Il peut contenir bien plus de douleur que celui d'un homme. C'est la pure vérité, dit'il d'un ton mystérieux.

Je me dis que si je me répète ça assez souvent, je pourrais finir par le croire. Le vrai problème, c’est que Luka a accepté facilement notre divorce. Pas une seule fois il n’a essayé de me convaincre que nous avions un futur ensemble quand je suis partie. Son père m’avait dit qu’il ne ferait rien, mais j’avais espéré…

J’imagine que j’espère encore, ce qui est ridicule. Même les dîners que nous passons ensemble tournent uniquement autour de notre fils. Il n’y a rien d’autre, et me retrouver si proche de Luka presque tous les soirs sans pouvoir le toucher, savoir ce qu’il se passe dans sa vie, ou simplement lui parler comme nous le faisions avant, est en train de littéralement me détruire à petit feu. Il me manque.

Ma mère a un talent particulier pour faire ressortir cet aspect-là de ma personnalité.

— Je l’aurais peut-être fait si tu avais été un peu plus à la maison, ces dernières semaines.

— J’étais là tous les soirs !

— Oui, mais généralement, je suis au lit à l’heure où tu rentres. Honnêtement, Petal, le petit River a besoin d’une vie plus structurée que celle que tu lui donnes.

— Tout ce que je fais, je le fais pour River. Ne commence pas.

— Est-ce qu’il est la raison pour laquelle tu reparles à cet homme ?

Je pousse un soupir. C’est une vieille dispute entre nous. Ma mère n’a jamais approuvé Luka, et il la déteste. Les conflits entre eux sont l’une des nombreuses raisons pour lesquelles mon mariage a implosé. Enfin, ça, et le fait que je n’aurais jamais dû me marier à dix-sept ans. J’étais une enfant qui jouait à être une adulte, et c’est pourquoi j’ai fait tous les mauvais choix. Bon sang, j’ai vingt-deux ans et je continue de faire les mauvais choix.

— Si tu m’avais écoutée dès le départ, il ne serait jamais entré dans ta vie.

— Maman, j’étais enceinte…

La dernière chose dont j’ai envie, c’est d’être ici, à une soirée bowling en famille. J’ai tout essayé, à part lui dire que j’étais en train de mourir de la peste bubonique, pour y échapper. Même ça, ça n’aurait servi à rien. Quand Ida Sue veut quelque chose, soit vous suivez le mouvement, soit vous fuyez. Vous n’imaginez même pas le nombre de fois où j’ai eu envie de m’enfuir.

Ne vous méprenez pas : j’ai une mère formidable. Elle est drôle, talentueuse, farouchement loyale, et c’est une mère aimante. Elle est aussi forte comme un roc. Il le fallait, parce qu’elle a élevé neuf enfants complètement seule. Je l’admire et je l’aime tout autant que je lui en veux.