Extraits

" Il était un Gardien de Légendes. "

" Il avait mené des dizaines de batailles et soutiré la vie à des centaines d'hommes, mais il ne pouvait trouver en lui la force de tuer ce petit être sans défense. Plutôt que d'exécuter le lutin, il abaissa son épée sur le piège, libérant ainsi la créature. "

Il n'en avait aucun souvenir. Où était-il donc? Il ouvrit les yeux, mais ne vit rien. Bien que ses paupières soient ouvertes, il était entouré de noirceur complète, l'absence totale de lumière. Il tenta de tourner la tête, mais réalisa que cela lui était impossible. Ce n'était pas qu'il était paralysé, mais c’était plutôt comme s’il n'avait plus de tête à tourner. Il ne pouvait plus sentir son cou non plus.

Cet homme n'était pas un guerrier ordinaire; il était l'égal de Samuel, la version noire d'un Gardien de Légendes. Tout comme le jeune homme, son adversaire s'était fait octroyer certains pouvoirs, les mêmes habiletés au maniement de l'épée que possédait Samuel. De plus, le jeune homme était relativement inexpérimenté, alors que son ennemi pouvait très bien avoir profité de ceux-ci depuis plusieurs années, voir même quelques siècles.

Mais au contraire, cette soirée s'avérait être le dernier incident d'une longue liste d'événements misérables, une suite de malédictions que Dieu jugeait bon de lui faire subir pour une raison inconnue. Des larmes roulèrent le long de ses joues, tandis qu'il demeurait immobile sur les berges du lac souterrain, observant ses hommes disparaître dans le tunnel. Le dragon blanc survola une nouvelle fois la tête de Vortigern et se posa directement sur le dernier groupe de soldats, écrasant leurs corps fragiles sous ses jambes puissantes. La bête observa l'ouverture devant elle et l'inspecta un moment, puis elle fit quelques pas vers l'arrière. Avec une force extraordinaire, elle se lança vers la paroi rocheuse, s'enfonçant dans l'ouverture.

— Ceci est une arme bien étrange et terrifiante, dit-il. Une arme puissante, j'ajouterais. Toutefois, une question saute aux yeux : pourquoi tous ces embêtements, simplement pour éliminer quelqu'un? Que cette arme soit dirigée contre moi ou encore contre toi, mon brave Myrddin, ne serait-il pas plus facile de simplement utiliser une lame? Si vous voulez mon avis, utiliser un engin pareil me semble un peu poussé pour obtenir le résultat désiré.

— C'est simple, répondit Myrddin. Le dragon rouge représente les gens de cette île, les Bretons. Il fait partie de ceux-ci, il vit au sein de leurs cœurs et au fond de leurs âmes. Il est l'esprit qui les guide au cours de leur histoire, l'idée de base qui nous définit tels que nous sommes. Il est nos ambitions, les défis auxquels nous faisons face et les victoires que nous remportons. Le dragon blanc est aussi un guide spirituel, mais il représente un adversaire de la Bretagne, un ennemi qui cherche à détruire le peuple de cette île en tuant le dragon rouge. Il est l'envahisseur, essayant de soumettre les héritiers légitimes de cette grande patrie.

Cette idée avait déjà traversé l'esprit de Samuel. Plus le temps s'écoulait sans qu'il y ait le moindre signe de l'Yfel, plus il s'interrogeait sur sa présence ici. Peut-être y avait-il eu une erreur. Peut-être que ce mythe n'avait pas besoin d'être secouru, après tout. Tout de même, cela voudrait dire que les dés s'étaient trompés en l'envoyant ici, ce qu'il avait du mal à croire. Il était relativement nouveau dans son rôle de Gardien de Légendes, mais s'il y avait une chose contre laquelle il ne parierait pas, c'était bien l'intuition des dés.

Tandis qu'il attendait un nouveau petit-déjeuner, Morghan ramassa les parchemins et les cartes éparpillés sur le sol. Il plaça quelques-uns d'entre eux sur la table, déroulant les vieux parchemins jaunis pour les étudier. Comme si quelqu'un l'espionnait pour s'assurer qu'il travaillait bien, il s'efforça de donner l'impression qu'il élaborait un plan pour bâtir les défenses contre les Saxons. En réalité, par contre, il ne faisait que fixer les écrits et les documents, incertain de ce qu'il devait faire. Lorsqu'il entendit quelqu'un entrer dans la tente, il indiqua d'un geste nonchalant de déposer la nourriture sur une petite table près d'une chaise de bois.

— Votre peuple est sur le bord d'un gouffre, celui du désespoir, dit-il. Ils ont abandonné tout espoir et attendent patiemment la mort. Ils suivent Vortigern sans poser de question, puisqu'ils feraient face à un destin terrible aux mains des Saxons s'ils agissaient autrement. Nous devons leur redonner courage. Si nous pouvions leur fournir un signe puissant, un symbole fort et indéniable que leur véritable roi est de retour, leur montrer que celui-ci peut les mener à la victoire, alors nous aurions une chance de vaincre les barbares.