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Les Geishas



Description ajoutée par sha-w 2011-11-30T14:26:19+01:00

Résumé

Peu d'Occidentaux sont parvenus à pénétrer et à comprendre le monde secret des geishas japonaises. Un monde de luxe et d'amour, de culture et de mystère semblable aujourd'hui encore à celui des estampes d'Hiroshige ou d'Hosukaï.

Archétype de la féminité ? Gardiennes de la tradition ? Prostituées de luxe ? Robert Guillain, qui a vécu quarante ans en Asie, répond ici à ces interrogations. Il nous livre sur l’univers des geishas un témoignage sans équivalent.

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Classement en biblio - 5 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par sha-w 2011-11-30T14:26:31+01:00

Geishas pour étrangers

Dans ces débuts à Tokyo, avant la guerre, je n’avais fait que tourner autour du mystère des geishas. Mais vint enfin le jour où je fis mon entrée dans leur cercle magique : j’étais invité à un banquet où pour la première fois je dînerais en compagnie de ces séduisantes personnes. Il fallait que je sois encore bien novice pour en faire un événement, car les « parties de geishas », comme on les appelait, étaient loin d’être rares et exceptionnelles. Mais après tout, ma satisfaction avait ceci de justifié que j’allais accéder à la performance qui est au centre de la vie de ces demoiselles : le banquet, c’est-à-dire le moment et l’endroit où elles sortent de leur monde inconnu pour s’exhiber dans leurs rites, leurs toilettes, leur raffinement et éventuellement leur beauté. L’appellation « partie de geishas » vient en fait des Anglo-Saxons pour lesquels une geisha party est, parmi bien d’autres occasions organisées d’ébriété et d’effusions qu’ils appellent party, la variété exotique par excellence, le must, comme ils disent, pour le gaijin qui passe par le pays du Soleil-Levant. Le dîner de geishas est en fait un dîner ou un banquet où sont invitées des geishas, et pour le résident étranger qui vit au Japon, les invitations de cette sorte sont fréquentes. Il s’en fatigue assez vite, une ou deux fois lui suffisent et il n’a pas nécessairement l’envie de souvent recommencer, je dirai pourquoi.

Une fois du moins, cependant, il faut qu’il ait vécu cette aventure d’un dîner sans chaises, ni meubles, ni fourchettes, qu’il ait été assis au ras des nattes sur un coussin de soie, et qu’il ait goûté de ses baguettes maladroites des tranches de poisson cru, en buvant du saké, ce vin de riz versé dans des coupes ridiculement petites par des créatures trop fardées. Quant aux Japonais, de leur côté, la partie de geishas est la politesse indispensable qu’ils se croient obligés d’offrir à leurs honorables invités de marque, touristes ou partenaires en affaires, pensant faire ainsi les délices de ces voyageurs. Le repas ne se tient jamais à la maison. Ils estiment leur logis trop modeste et – souvent bien à tort – leur épouse pas assez présentable. Non, cela n’aura jamais lieu à la maison, il faut que cela se passe dans un restaurant renommé, que ce soit même une séance de gala, un vrai banquet, et le luxe n’en est parfait que s’il comporte la présence coûteuse de ces personnes très demandées, spécialistes patentées, comme disait M. Bonmarchand, de la distraction des messieurs. Car il n’y a pas d’autres femmes, à une partie de geishas, que les geishas elles-mêmes ; les épouses ont disparu.

« Cerisiers en fleur... Fuji-Yama... Geishas... » Voilà, disait-on dans les années d’avant-guerre, à quoi se résumait l’image du Japon aux yeux des touristes qui faisaient escale dans l’archipel. À vrai dire, le même cliché paraissait suffisant à beaucoup de résidents étrangers : vivant entre eux à l’occidentale, à Tokyo ou dans quelques grandes villes, ils y manifestaient pour la plupart une ignorance ou une indifférence supérieure envers ce pays étrange et les façons bizarres de ce petit peuple inconnu au milieu duquel ils étaient venus vivre. Le Japon lui-même était en partie responsable de cette fâcheuse distance. Non seulement il avait gardé de son long isolement en marge de l’histoire une remarquable maladresse dans les relations publiques, quand il s’agissait de se présenter au monde et d’expliquer sa culture originale – aujourd’hui encore il reste quelque chose de cela –, mais il trouvait au surplus bien pratique, en ce temps-là, de pouvoir mettre en avant les gentillesses périmées du Japon ancien pour servir de paravent aux aspects grimaçants du Japon militariste contemporain, pour en masquer les rigueurs croissantes. Ce n’était pas de la duplicité ou de la tromperie de la part des Japonais : ils s’accrochaient eux-mêmes désespérément à quelques espaces protégés où ils pouvaient encore s’offrir quelques restes de leur raffinement et de leur gaieté d’autrefois.

Qu’on n’aille pas croire en m’entendant évoquer ces aspects légers de la vie au Japon qu’à cette époque, journaliste à Tokyo, je m’amusais au lieu de travailler et que je fuyais les devoirs de mon métier ou les désagréments du régime, en passant mon temps dans les maisons de thé ou encore dans les bars à hôtesses qui leur faisaient concurrence. L’époque était trop sérieuse et l’actualité politique et militaire ne m’en laissait vraiment pas le temps. Je crois avoir été un journaliste sérieux, mais tout de même, quand j’en avais l’occasion, c’est avec une vive curiosité, je l’ai dit, que je tentais de connaître la vie cachée des Japonais, cette deuxième vie, puisque la moitié occidentalisée de leur existence n’en était qu’une partie, et la moins développée.

Le jour où je me rendis dans le restaurant luxueux du quartier d’Akasaka où j’étais invité, ce n’était donc pas la première fois que j’entrais dans un des établissements fermés du monde traditionnel. Ayant laissé mes souliers devant le seuil relevé de l’entrée et chaussé une paire de pantoufles, accueilli par tout un personnel qui se confondait en courbettes, je m’avançai avec les autres invités, guidé par des servantes, dans un établissement tout en bois blanc, nattes de paille tressée, cloisons légères, shoji de papier. Je connaissais cela, mais ici tout ce décor était d’une qualité admirable, à commencer par le parquet de cyprès des longs corridors, glissant et doux sous le pied comme de la soie. Il fallait de nouveau se déchausser, cette fois-ci des pantoufles qu’on venait de mettre, pour entrer dans la salle de banquet. Elle était vaste et d’une noble austérité, sans mobilier ni chaises, décorée seulement par une sorte de large alcôve qui exposait une calligraphie verticale et illisible au-dessus d’un bouquet d’iris. Sur les nattes de couleur dorée, cernées d’un ruban brodé, il n’y avait qu’une longue table laquée allongée entre une dizaine de coussins de soie violette, et notre hôte, en chaussettes et en veston bleu foncé impeccable, était là, debout, pour recevoir ses invités, combinant drôlement les shake-hands à l’anglaise et les courbettes à la japonaise. Il était flanqué de quatre de ses associés ou subordonnés, dont les manières presque serviles à son égard témoignaient comme il convenait de leur loyale vassalité. Du côté français, notre conseiller commercial, invité numéro n, était lui-même accompagné de trois personnages de la colonie, un banquier, un industriel et un membre de l’ambassade, plus le journaliste que j’étais, en tant que seul représentant français au Japon de notre presse.

Notre hôte, M. Ishikawa, était un petit homme jovial au crâne dégarni, cinquante ans peut-être, pittoresque figure de Japonais qui avait roulé sa bosse dans le monde et jusqu’en Amérique, gagné beaucoup d’argent, mais conservé le verbe haut et les manières un peu provinciales du nord du pays. Curieusement, du côté français et du côté japonais, les deux parties ne s’étaient encore jamais rencontrées, et mieux encore, le motif de cette invitation restait très vague aux yeux de notre conseiller et de tous les invités français. Il était probable qu’elle avait été lancée à la japonaise en vue d’avoir sur nous ou sur la France une créance, de nous mettre en position de débiteurs envers notre hôte et sa société commerciale, de sorte qu’on les verrait bientôt à même de nous demander en échange un service qu’il serait difficile de refuser.

Nous étions à peine installés sur nos coussins violets, jambes croisées en tailleur, que les cloisons qui fermaient le fond de la pièce s’ouvrirent en glissant doucement dans leurs rainures et que quatre geishas se présentèrent en kimonos couleur pastel, d’abord agenouillées sur le seuil, puis avançant de quelques pas vers notre hôte, puis de nouveau agenouillées pour répéter toutes les quatre de profondes révérences à l’intention de l’invité d’honneur et de nos plus humbles personnes. Après quoi, ayant pris position un peu en retrait sur les nattes entre les dîneurs français, avant même que les servantes n’aient apporté les premiers mets, elles commençaient avec cent sourires à verser le saké doré dans nos coupes de porcelaine bleue traditionnelle, des coupes minuscules, plus petites qu’un simple coquetier. Toutes quatre, assises sur leurs talons, avaient la haute coiffure professionnelle, composant une sorte d’encadrement léger et rigide autour de leurs visages fardés. Le repas nous arrivait dans toutes sortes de petits bols et de tulipes légères de laque et de porcelaine sur des plateaux laqués portés par des servantes en kimonos rayés. Les geishas ne prenaient aucune part au dîner, leur rôle étant exclusivement de verser le saké, de le reverser sans fin avec des gestes gracieux de leurs longues manches, car les coupes menues étaient vite bues et la règle voulait que même seulement à moitié vides elles soient immédiatement remplies de nouveau jusqu’au bord. On nous poussait nettement à la consommation, et le saké est une boisson assez traîtresse : d’un degré alcoolique un peu supérieur à celui du vin, servi en petites quantités indéfiniment répétées, légèrement tiède, il met bientôt les dîneurs en état d’euphorie, sans toutefois les enivrer à l’excès – sauf parfois les Japonais eux-mêmes qui « tiennent » assez mal l’alcool.

En l’occurrence, nous avions affaire à un saké comme on en goûtait rarement, parfumé, fruité et cependant assez sec : le saké même qu’il faudrait faire déguster à des connaisseurs étrangers – français de préférence –, car bien souvent le saké moyen des repas japonais est un liquide agréable mais sans plus, trop dépourvu de corps pour être pris au sérieux par un buveur occidental, au moins par un buveur de chez nous.

Mais notre partie de geishas méritait-elle un tel raffinement ? Car ce n’était, il faut l’avouer, qu’une « party pour gaijin », une de celles que les Japonais offrent si souvent à des invités étrangers ignorants des manières du pays, et spécialement de ses bonnes manières. Le mot gaijin, très souvent employé, comporte d’ailleurs dans l’esprit japonais une subtile nuance de condescendance et d’ironie. La plupart des étrangers n’ont jamais accès qu’à ces « parties de geishas » pour visiteurs, alors que les « vraies », dont je parlerai, se passent hors de leur présence. Aussi bien, la petite bande que nous étions se composait en majorité de nouveaux arrivés, personnages farceurs et ne songeant qu’aux plaisanteries, aux jambes trop longues qu’ils n’arrivaient pas à replier sous la table basse. Ils s’extasiaient quand il n’y avait pas lieu de le faire et rataient au contraire les occasions où l’admiration était obligatoire. Le banquier parisien prenait la servante pour une geisha et le commerçant voyait dans la coiffure d’une maïko (apprentie geisha), qui était arrivée en renfort, un véritable arbre de Noël, car il décrochait de ses cheveux, en s’amusant, toutes sortes de petites pendeloques traditionnelles ressemblant à des jouets. Tout cela faisait heureusement les délices de notre hôte, qui applaudissait et riait bruyamment aux facéties de ses invités et à leur gaieté bien française.

De temps en temps, une ou deux geishas disparaissaient discrètement, aussitôt remplacées par de nouvelles arrivées, et ces demoiselles changeaient de place et de voisins selon un protocole bien réglé, veillant à arroser nos Japonais autant que nous-mêmes. Chacune ne restait guère plus d’une heure, car elles étaient appelées à servir ensuite dans quelque autre réunion, et nous avons dû en voir défiler ce soir-là au moins une bonne douzaine. Parmi elles, il n’y en eut pas plus de trois ou quatre qui fussent vraiment belles ou jolies. Une d’elles, aux yeux marron dans des paupières en amande, grande et souple, d’une peau plus fine que la cire ou la soie, aurait pu être chez nous modèle, actrice ou star. Plusieurs n’étaient pas jeunes, mais toutes se distinguaient par la grâce de leurs gestes et la beauté de leurs kimonos.

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Les Geishas

  • France : 2011-05-05 - Poche (Français)

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