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Les gentlemen rebelles, tome 3 : La lady offensée



Description ajoutée par TerverChante57 2017-10-19T16:54:23+02:00

Résumé

"Je préfère vous prévenir. Vous êtes l'objet d'un pari !"

Lorsque Alyssa découvre que les ennemis de son frère ont manigancé un scandaleux coup monté, elle refuse d'abord d'y croire. D'après le dénommé Benedict, venu l'avertir du danger, ce pari méprisable consiste à la séduire lors du prochain bal, pour la conduire ensuite jusqu'à une auberge et l'y abandonner, faisant d'elle la risée de la société. Bien sûr, son informateur se défend d'y participer ; et heureusement, songe Alyssa, car si quelqu'un aurait pu la conquérir, c'est bien ce parlementaire franc et terriblement séduisant.

Mais, malgré ses conseils de prudence, Alyssa compte bien se rendre au bal pour affronter ses "prétendants"....

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Classement en biblio - 16 lecteurs

extrait

** Extrait offert par Julia Justiss **

Chapitre 1

Toutes ces choses que l’on fait pour apaiser sa conscience…

Ce fut avec cette pensée un peu nostalgique que Benedict Tawny mena furtivement son cheval sur le chemin tapissé d’herbe qui serpentait dans le joli bois menant au manoir de Dornton. Au-dessus de lui, le matinal et doux soleil d’octobre commençait à peine à dorer les frondaisons. Quand un coup de vent emporta son chapeau, Ben sauta de sa monture pour courir le rattraper.

Si les amis des Contestataires le voyaient dans cette tenue ! Cette pensée le fit sourire tandis qu’il ramenait sa casquette sur son front. Non qu’il fît spécialement la fierté de son tailleur mais tout de même… Avec sa veste déjà portée, ses hauts-de-chausses sans allure et ses bottes éraflées, il ne ressemblait en rien à un honorable membre du Parlement, ni à l’un des meneurs du mouvement réformiste, et encore moins à l’une des forces montantes du gouvernement… qu’il était pourtant.

Il hocha pensivement la tête. Vraiment déconcertante cette facilité avec laquelle il se retrouvait aujourd’hui dans le rôle d’agent de renseignement qu’il avait déjà tenu à l’armée, en Inde.

Sauf qu’à présent il œuvrait pour préserver la vertu d’une femme qu’il ne connaissait même pas.

Quoi qu’il en fût, entre la session parlementaire qui resterait close jusqu’à ce que la date de la prochaine soit choisie et l’absence de ses trois amis Contestataires qui avaient déserté Londres, le temps libre ne lui manquait pas.

Aussi, s’était-il dit, pourquoi ne pas en profiter pour accomplir une bonne action ?

Un éclair de lumière dans le bois attira soudain son regard. Entre les grands arbres aux troncs fins se profilait la silhouette d’une jeune femme. Comme il changeait de position pour mieux la voir, il lui sembla qu’elle n’était pas grande, que sa chevelure noire était rassemblée à la va-vite sous un bonnet démodé et que toute son attention était accaparée par le cahier à dessin qui était posé sur ses genoux.

Bien que la robe lui parût aussi démodée que le bonnet, sa coupe et son tissu avaient l’air de bonne qualité. Sourcils froncés, Ben fit une rapide analyse de la situation : le vêtement était trop vieillot pour tenter la chambrière d’une lady. Pourtant, sa finesse ne le destinait pas à une servante. La femme qui le portait devait donc être une dame de qualité. Du reste, seule une dame de qualité et passionnée par son art pouvait se trouver d’aussi bon matin en train de dessiner en pleine nature.

Petite, indifférente à la mode et artiste possédée : Benedict aima la description qui s’était présentée spontanément à son esprit. Elle définissait même à la perfection la jeune lady qu’il cherchait.

Décidément, leur rencontre tombait à pic. Enchanté, Benedict sentit un léger sourire s’épanouir sur ses lèvres. La Providence venait d’offrir au parfait inconnu qu’il était pour elle le moyen idéal d’approcher cette jeune femme à la bonne éducation évidente. Il avança sans bruit pour ne pas risquer de l’effrayer.

Précaution inutile. Même lorsqu’il eut atteint la clairière où elle avait pris place sur un rondin de bois, elle ne bougea pas. Complètement absorbée par sa tâche, elle ne l’avait même pas remarqué.

Ben s’éclaircit la gorge.

— Lady Alyssa Lambornne, je présume ?

La jeune femme sursauta tellement fort que, si son cahier de dessins ne tomba pas, la boîte qui contenait ses pastels, en revanche, vola en l’air.

Ben sauta immédiatement de cheval pour la récupérer avant que les crayons ne s’éparpillent à terre.

— Désolé, dit-il en se redressant, je ne voulais pas vous faire peur.

Quand il tendit la main pour lui rendre le coffret, il croisa le regard qu’elle avait fixé sur lui et eut l’impression d’être brusquement traversé par un éclair.

La jeune lady possédait des yeux splendides : grands, d’un brun fauve stupéfiant et dont l’intelligence l’attira et l’invita à s’attarder. Beaucoup de fierté et d’intensité s’y reflétaient. Ces trois qualités, du reste, habitaient toute sa personne. L’espace d’un instant, Ben eut l’impression étrange qu’elle était à deux doigts de s’enfuir… ou de l’attaquer. Certes, avec sa robe fade, son bonnet sans éclat et son châle qui avait glissé de ses épaules, elle ressemblait presque à une sauvage. Aussi indomptée que les bois que, deux minutes plus tôt, elle reproduisait dans son carnet avec tant de concentration.

Quelque chose de primitif, de passionné et de puissamment féminin en elle stimula tout ce que Ben avait en lui de masculin. Le désir alourdit soudain sa langue, s’insinua dans son sang, éveilla la moindre parcelle de son corps.

Avec l’envie terrible de la prendre contre lui, il tendit de nouveau la main dans sa direction pour remettre, cette fois, les pastels dans leur boîte. Le bruit qu’ils firent en retrouvant leur place chassa la magie de l’instant.

Ben secoua la tête pour essayer de recouvrer ses esprits.

Remets-toi, Tawny. Tu n’es pas en présence d’une déesse de la forêt qui se prêtera à des ébats sur la mousse, mais d’une modeste et pure jeune femme.

Ses sensations erratiques semblaient avoir suspendu le cours du temps. Pourtant, tout cela n’avait probablement duré qu’un court instant car Lady Alyssa continuait à l’étudier, les sourcils froncés comme une personne qui cherche à reconnaître celle qui se tient en face d’elle sans y parvenir.

Ce n’était pas une fille qui se trouvait assise devant lui, se dit-il soudain en lui retournant son regard scrutateur, mais une femme. Et il continua à lutter contre l’incendie qui reprenait de plus belle en lui. Le visage de la jeune lady possédait un ovale parfait, ses joues et son nez étaient parsemés de taches de rousseur — probablement au grand dam de sa mère qui devait regretter que sa fille ne fût pas pâle comme l’exigeait la mode. Quant à ses lèvres, elles s’entrouvraient, tels deux pétales de rose, sur des dents très blanches.

Et tout cela donnait un petit bout de femme dont seuls les cheveux noirs semblaient corroborer la description qu’en avait héritée Benedict.

Les mots utilisés pour la mentionner revenaient à sa mémoire : Terne… Au placard depuis longtemps… Pas de conversation et peu d’esprit… Mais pourquoi ? Cette petite créature lui faisait plutôt l’effet d’une Aphrodite de poche. Et même si sa robe était démodée, elle mettait en valeur deux seins à la générosité attirante et son tissu soulignait des bras à la courbe fort plaisante.

Quant à son regard ardent, quel homme aurait pu le croiser sans que cela lui donne immédiatement envie de la posséder ?

Une nouvelle fois, la colère s’empara de Benedict. Dire que Denbry était prêt à sacrifier cette ravissante créature pour assouvir une pauvre revanche mesquine contre le frère de la jeune femme…

Comme la lady n’avait pas encore pris la parole — peut-être était-elle timide ? —, Ben fit l’effort de se reprendre pour lui adresser un joli sourire.

— La journée s’annonçait si belle, dit-il en désignant le ciel, que je suis parti de bonne heure faire un tour à cheval. Puis, en apercevant une femme seule dans les bois, j’ai pensé qu’il s’agissait peut-être d’une lady en détresse et je me suis approché pour lui offrir mon assistance. Mais je vois maintenant que vous étiez en train de dessiner et vous présente toutes mes excuses pour vous avoir interrompue.

Comme elle se penchait pour attraper la boîte de pastels, Ben risqua un regard sur son croquis.

— Je trouve en outre votre dessin excellent, déclara-t-il en inclinant la tête sur le côté pour mieux l’étudier.

Presque toutes les jeunes femmes aimaient crayonner, mais celle-ci avait vraiment du talent.

— La façon dont vous avez capté la forme de l’oiseau que vous reproduisez ici est très habile. On le dirait vraiment sur le point de s’envoler !

— Merci, répondit-elle enfin. Mais vous avez un avantage sur moi, sir : vous savez qui je suis alors que je demeure incapable de vous reconnaître. En fait, non, je suis même sûre de ne vous avoir jamais rencontré auparavant. Si on nous avait présentés l’un à l’autre, je me serais certainement souvenue de vous.

Lady Lambornne termina sa phrase en l’étudiant une nouvelle fois de la tête aux pieds comme pour le mémoriser dans les moindres détails, avant de demander :

— Ne seriez-vous pas le secrétaire de Lord Fulton ?

La lady était très observatrice ! Elle était parvenue au résultat qu’il avait très précisément escompté en s’habillant de la sorte : vêtements de bonne facture mais trop usés et quelconques pour que Lady Fulton eût envie de l’inviter à l’une de ses réceptions. Quant à ses intonations de voix, elles étaient assez distinguées pour laisser deviner qu’il n’était ni fermier ni manœuvre.

— Non.

— Vous n’êtes pourtant pas un invité qui vient d’arriver. Votre tenue l’indique et vous n’avez pas de bagages. Mais, alors, comment savez-vous qui je suis ?

— Je séjourne dans le village où les commentaires portent sur les invités qui affluent en ce moment au manoir de Dornton. Parmi eux, Lady Alyssa Lambornne a été décrite comme petite, brune et très amatrice de croquis.

Soudain méfiante, la jeune femme lança :

— Est-ce moi particulièrement que vous cherchiez ? Et, si oui, pourquoi puisque je sais que nous ne nous sommes jamais rencontrés ?

— Permettez-moi de clarifier les choses, Lady Lambornne, et de me présenter : je suis Benedict Tawny, membre du Parlement pour Launton.

Ben accompagna sa phrase d’un salut tandis que la perplexité de Lady Alyssa semblait augmenter.

— Excusez-moi si j’agis comme une sotte ainsi que mon père le répète sans arrêt, dit-elle, mais je crains que votre statut de parlementaire ne m’éclaire pas du tout sur la raison de votre présence ici. Êtes-vous là pour vous entretenir avec Lord Fulton ?

— Non. Je ne connais ni Lord ni Lady Fulton. C’est vous que je suis venu trouver, Lady Alyssa, et je suis enchanté d’avoir fait votre connaissance dans un endroit où nous pourrons avoir une discussion privée sans que je doive trouver un moyen pour vous enlever.

— Vous êtes venu pour converser en privé avec moi ? répéta-t-elle, ébahie. J’ai du mal à l’imaginer. Voulez-vous m’expliquer, s’il vous plaît ?

— Certainement. Votre confusion ne m’étonne pas car vous et moi ne nous sommes en effet jamais rencontrés. Mais j’ai suivi mes études à Oxford à la même époque que votre frère, Lord Harleton. Et je crains d’avoir une information plutôt pénible à vous communiquer.

La jeune femme n’entendit pas la dernière phrase. Son visage s’éclaira.

— Je me rappelle maintenant ! Vous faisiez partie du groupe que Harleton appelait les Contestataires de Hadley. Avec quelques autres copains de collège, vous vouliez entrer en politique et réformer le gouvernement. Mais Harleton vous appelait plutôt le Bât…

Elle s’interrompit en rougissant violemment.

— Il utilisait un nom que je ne répéterai pas.

C’était inutile… Le Bâtard de Chilford… Ben serra les dents pour arrêter la vague de colère que ce sobriquet provoquait chaque fois en lui.

Son expérience personnelle — il le savait — le rendait beaucoup plus sensible que le reste de la société à la charge démesurée de honte et de blâme qui s’abattait sur les épaules d’une femme prise dans un scandale, alors que, dans le même temps, la conduite immorale d’un homme ne donnait lieu à aucun reproche. En se rappelant comment sa mère, dont le seul péché avait été de croire en la promesse de mariage de l’être qu’elle aimait, avait été traitée quand la famille de cet homme avait pesé de tout son poids pour empêcher une union qui ne lui convenait pas, Ben n’avait pu s’empêcher de songer immédiatement à déjouer un plan visant une femme tout aussi innocente.

D’où sa présence en ce lieu.

La plupart des femmes à la réputation ruinée se retrouvaient à la rue une fois que leur famille les avait rejetées. Sur ce plan, Ben savait que sa mère avait été un peu moins maltraitée. Oui, même s’il avait haï son père pendant des années pour avoir préféré la fortune à l’amour, il savait que le vicomte s’était heureusement assuré que l’enfant et sa mère eussent un toit et de quoi manger. Mais cela ne compensait en rien le fait d’avoir fait de cette femme innocente, sa mère, une réprouvée et de lui, son enfant devenu bâtard, un objet de harcèlement de la part d’un voyou.

Se forçant pour revenir au présent, Ben dit :

— Merci de ne pas être allée jusqu’au bout de votre phrase. Cela dit, je suis effaré que votre frère ait utilisé un tel langage devant sa jeune sœur.

— Si vous connaissez un tant soit peu Harleton, vous savez qu’il agit exactement comme il l’entend sans le moindre respect pour les envies ou la sensibilité de qui que ce soit.

— Je ne le sais que trop, répondit Ben avec une petite grimace.

Bien qu’il n’eût jamais fait mystère de sa naissance en dehors des liens du mariage, la plupart de ses camarades de collège évitaient discrètement le sujet. Sauf Lord Harleton qui, pour sa part, profitait de la moindre occasion pour l’affubler de son sobriquet préféré : le Bâtard de Chilford.

— Vous n’êtes donc pas l’un de ses… amis.

— Tant s’en faut, confirma Ben. Sans vouloir offenser personne, je dois même avouer avoir toujours évité votre frère autant que je l’ai pu ! Non seulement à Oxford, mais aussi après nos études.

Pour une raison ou une autre, cette remarque la fit rire.

— Dans ce cas, il semble que nous ayons au moins une chose en commun. Mais comment en avez-vous découvert autant sur moi et pourquoi voudriez-vous me parler ? Est-il arrivé quelque chose à Harleton ?

— Ce que j’ai à vous dire implique votre frère, en effet, mais à ce que je sache, il est en bonne santé. En fait, je crains que ce ne soit un peu compliqué.

— Si Harleton est concerné, j’en suis sûre, remarqua Lady Lambornne. Et louche par-dessus le marché.

Posant son carnet de dessins par terre, elle tapota la souche d’arbre à côté d’elle.

— Venez m’expliquer cela.

— Louche, cela l’est sans la moindre hésitation, acquiesça Ben en s’asseyant un peu plus loin qu’elle le lui avait indiqué.

C’était en effet plus prudent car, même si leur conversation était assez rationnelle pour avoir tempéré l’attirance qui l’avait cloué sur place en apercevant la jeune femme pour la première fois un peu plus tôt, rien, sauf la mort, n’aurait pu complètement l’éliminer.

— Ainsi que je vous l’ai expliqué, commença-t-il, je suis parlementaire. Avec quelques confrères, nous nous réunissons souvent au Quill and Gavel, un établissement public situé tout près du Parlement. Comme nous sommes actuellement hors session, je m’y trouvais seul, il y a environ une semaine, quand une ancienne connaissance d’Oxford m’a reconnu et m’a introduit au sein de son groupe. Des hommes étaient en train de prendre des paris. C’était le comte de Denbry qui s’occupait de tout. Dois-je préciser que le comte n’est pas un admirateur de votre frère…

— Denbry ! s’exclama Lady Alyssa. Je me rappelle très bien avoir, plus d’une fois, entendu Harleton pester contre lui. Apparemment, ils sont plus ou moins en compétition sur des affaires bien peu claires. Et cela remonte aussi à Oxford. En quoi consistait ce pari ? S’agissait-il d’un défi destiné à embarrasser mon frère ?

— Oui. Mais un défi d’un genre particulièrement vénal. Votre frère s’est récemment attiré les foudres de Denbry en renchérissant sur un lot de chevaux qu’il convoitait et surtout en lui volant la… loyauté et l’affection d’une femme.

— Cette danseuse d’opéra ?

Comme Ben haussait les sourcils, Lady Alyssa ajouta :

— Les serviteurs de mon frère adorent cancaner sur ses chevaux, ses conquêtes et ses jeux. Et comme ma servante adore m’en faire ensuite un rapport circonstancié, je suis au courant de tout. Ainsi mon frère a renchéri aussi pour gagner l’affection de la danseuse ?

— Apparemment. Cela a rendu Denbry tellement furieux qu’il a conçu une revanche dont il veut que Harleton se souvienne jusqu’à la fin de ses jours. Je préfère vous prévenir : vous êtes l’objet d’un pari. Denbry a proposé que l’un des membres de son petit groupe vous séduise. Puis vous abandonne.

Les yeux fauves s’écarquillèrent de surprise. Lady Alyssa étouffa un petit cri avant d’éclater de rire.

— Quelle histoire à dormir debout ! Vous ne pouvez tout de même pas attendre de moi que je croie une histoire pareille ! Le pari ne consisterait-il pas plutôt en ceci : me faire croire à votre roman pour que je pique une crise de nerfs et que vous puissiez ensuite tout rapporter à mon frère afin de nourrir sa malveillance ?

— J’aurais presque aimé qu’il en fût ainsi car j’aurais pu alors déjouer ce plan. Malheureusement, aussi grotesque qu’il puisse paraître — sans mentionner son aspect repoussant —, je vous assure que le projet de Denbry consistant à vous séduire est l’absolue vérité. Le défi a été relevé par son groupe d’amis qui ont tous versé leur quote-part. Après accomplissement de son forfait, le gagnant remportera la totalité de la somme ainsi récoltée.

Toute trace de gaieté quitta le visage de Lady Alyssa qui se mit à le scruter de nouveau avec la même intensité qu’un peu plus tôt. Dans l’instant, le trouble qui avait saisi Ben à son approche le reprit.

— À moins que vous ne soyez l’acteur le plus convaincant de l’histoire de la farce comico-tragique, me voici obligée de considérer que vous pourriez être en train de me dire la vérité. Ainsi, un pari sur mon nom et ma réputation existerait bel et bien. Si je synthétise correctement, dans ce petit jeu consistant à être tout le temps le plus fort, Denbry cherche à venger le vol d’une maîtresse en ruinant la réputation d’une sœur ?

— Je le crains.

Maintenant qu’il avait révélé à haute voix l’abjecte proposition, Ben se sentait malade et honteux. En agissant de la sorte, Denbry ne se contentait en effet pas de donner une mauvaise image de l’aristocratie, il ternissait aussi toute la gent masculine.

— Mais comment peuvent-ils, tous autant qu’ils sont, se croire capables de relever ce défi ridicule ? reprit Lady Alyssa. Je ne suis pas une potiche susceptible de se retrouver dans une situation compromettante simplement parce qu’un homme lui aurait susurré des phrases sucrées à l’oreille !

— Denbry a réussi à se procurer la liste des réceptions où vous devez vous rendre, et il ne fait pas le moindre doute que les parieurs sauront s’y faire inviter d’une manière ou d’une autre. Comme ils s’estiment, en effet, tous très habiles avec les femmes, ils pensent que l’un d’eux saura vous convaincre de faire une petite… escapade qui vous mènerait en fait dans une auberge où ce prétendu amoureux vous séduirait, puis vous abandonnerait.

Lady Alyssa haussa un sourcil sceptique.

— Si le séducteur m’abandonnait, rien ne m’empêcherait de retourner alors tranquillement chez moi !

— Il était prévu qu’il emporte votre robe et s’éloigne très vite. Bloquée sur place, vous n’auriez alors plus rien pu prouver. La société est toujours plus sévère avec les femmes. Vous seriez devenue la risée de tous et auriez, de plus, été incriminée pour l’avoir accusé sans preuve.

Anticipant la question suivante, Ben poursuivit :

— De plus, en admettant que vous ayez trouvé une parade pour que rien ne s’ébruite, le coupable aurait précisément cité le nom de l’auberge, celui de son directeur, des servantes et même des valets d’écurie pour que Denbry puisse rédiger contre vous un texte à charge aussi virulent que calomnieux. Il se serait appelé Fugue amoureuse avec un mystérieux gentleman révélée. Bien sûr, plus vous auriez essayé de nier, moins on vous aurait cru et plus le rapport aurait circulé. Et, au cas où vous vous seriez acharnée contre le séducteur en allant le trouver chez lui, cela n’aurait servi qu’à apporter encore plus d’eau à son moulin. Votre réputation aurait été ruinée, votre famille honteuse et, dans cette partie d’échecs sans fin qui les oppose en permanence, la reine de votre frère aurait été prise par l’une des pièces de Denbry.

Lady Alyssa était devenue toute pâle. Son silence se prolongea de longues secondes après que Ben eut fini de parler, comme si elle repassait dans sa tête tous les détails de l’affaire sordide qu’il venait de lui relater. Jusqu’à ce qu’elle plante soudain un regard plein de méfiance au fond du sien.

— Mais… Vous m’avez dit que votre ancien camarade d’Oxford vous avait introduit dans son groupe et non que vous aviez surpris les propos échangés par indiscrétion. Cela signifie donc que vous avez été invité à prendre part à ce pari sordide.

Sur ces mots, et comme si elle réalisait soudain qu’elle se trouvait seule dans les bois avec un homme qui aurait pu sans mal la dominer, elle s’éloigna de lui avec précipitation, attrapa son carnet de croquis et le brandit entre eux comme si le fragile petit objet de papier et de carton avait le pouvoir de la protéger.

Ben se leva et recula pour lui libérer encore plus d’espace.

— Je vous assure, Lady Alyssa, que vous n’avez rien à craindre de moi ! À Oxford, votre frère prenait un tel plaisir à me provoquer que, pour les amis de Denbry, il était évident que je saisirais la première occasion pour me venger de lui, quel que fût le moyen employé et aussi ignominieux pût-il être. En outre, si j’avais été assez vil pour accepter de prendre part à ce pari qui me répugne, pourquoi me trouverais-je à présent ici en train de vous mettre en garde ?

— Parce que vous auriez estimé le stratagème très malin, répondit-elle sans le quitter des yeux. Après tout, si on vous a proposé de participer à ce pari, c’est que l’on vous considère comme un homme très habile avec les femmes. Peut-être pensiez-vous que votre révélation m’impressionnerait tant que je tomberais dans vos bras ! Après quoi vous auriez pu facilement m’entraîner dans cette fameuse auberge…

— Il aurait fallu que je vous croie particulièrement sotte pour imaginer que vous alliez défaillir dans mes bras au lieu de prendre vos jambes à votre cou. Du reste, comment aurais-je pu vous emmener dans une auberge contre votre volonté alors que le but était de faire croire à une escapade amoureuse en arrivant là-bas ?

— C’est à moi que vous tentez de faire croire que vous êtes assez dissipé pour avoir assisté à un tel complot mais en même temps doué d’une conscience trop délicate pour vouloir aller plus loin ? À moins, ajouta-t-elle avec amertume, que la récompense allouée au vainqueur ne vous ait pas paru suffisante…

Ben se raidit sous l’insulte, plus piqué — il le comprit aussitôt — qu’il n’aurait dû l’être. Car, il avait beau mener une vie dissolue, le savoir et le reconnaître, il avait un certain nombre de principes qu’il tenait à respecter. Jamais il n’avait séduit une lady contre sa volonté, il réglait toujours en temps et en heure les gages de sa petite équipe de serviteurs ainsi que ses fournisseurs, et faisait de son mieux pour aider ses semblables quand l’occasion s’en présentait.

Mais attendre que Lady Alyssa lui fasse confiance n’était pas sensé. Pourquoi l’aurait-elle fait alors qu’il était pour elle un quasi-inconnu et que ce quasi-inconnu venait d’avouer être plus ou moins de mèche avec un groupe d’hommes représentant les membres les plus désœuvrés, les plus corrompus et les plus dévoyés que l’aristocratie ait le triste privilège de compter ?

— Puisque vous ne connaissez rien de moi ou de ma personnalité, il m’est impossible de vous empêcher de croire ce dont vous venez de m’accuser. Je ne nie pas avoir une certaine… réputation avec les dames. Mais je les ai toujours traitées avec courtoisie et respect.

Décidément, plutôt que de continuer à s’exposer à un dénigrement, il allait finir de délivrer ses informations et s’en aller. Mais, pour y parvenir, il devait d’abord calmer l’intense déception qui le traversait. Lady Alyssa n’était pas banale et l’intriguait. De plus, il ne se rappelait pas avoir jamais ressenti une telle attirance pour une femme.

Ce qui faisait deux raisons pour mettre fin le plus vite possible à ce petit tête-à-tête.

— Accordez-moi encore une minute, et je vous laisserai à vos croquis. Je veux vous livrer le nom des hommes qui se rendent en ce moment aux réceptions de Lady Fulton et sont impliqués dans le pari.

Après que Lady Alyssa l’eut scruté pendant quelques instants, un mélange de méfiance et d’incrédulité mêlé à une once de colère, passèrent sur son visage quand elle répondit :

— Je continue à trouver étrange que des hommes, même s’ils valent mon frère en vénalité, aient pu en arriver à élaborer un plan aussi abject. Vous avez raison : je ne sais rien de vous, sauf que vous avez appartenu aux Contestataires et que mon frère s’est moqué de votre ascendance ; mais sachez que je n’accorde aucun crédit à sa personne et à ses opinions. Si vous dites la vérité, vous vous êtes donné beaucoup de peine pour pouvoir me trouver et m’avertir. Je vous dois donc excuses et remerciements, bien que je ne sois pas encore absolument sûre de vous croire.

Il hocha la tête en silence. Le fait de reconnaître qu’elle s’était trompée prouvait que Lady Alyssa avait le sens de la justice.

De plus en plus intrigué, Ben hocha la tête.

— Excuses acceptées. Je reconnais que l’histoire a tout d’une fable.

— En effet. Mais, je ne puis m’expliquer pourquoi vous seriez venu me raconter un mensonge pareil.

Sur ces mots, elle secoua à son tour la tête d’un air interloqué, comme si elle tentait de voir plus clair dans les révélations qu’il venait de lui faire.

— Mais… Ne m’avez-vous pas dit aussi que vous vous trouviez depuis quelques jours au village ? Pourquoi, puisqu’en vous rendant dans le Sussex votre but était uniquement de me prévenir de ce funeste complot ?

— Je n’ignorais pas que vous seriez au manoir de Dornton, mais sans en savoir beaucoup sur vous. Pour trouver le moyen de vous approcher, il me fallait donc en apprendre un peu plus. Quelque chose d’autre m’était indispensable : dresser la liste exacte de tous ceux qui avaient participé à l’élaboration de ce pari. Si, pour autant que je sache, j’ai été le seul à m’élever contre le complot, ce soir-là, tous les autres participants se sont laissé convaincre. Mais, entre-temps, certains pouvaient avoir réfléchi et décidé, après mûre réflexion, de revenir sur leur décision. Je ne pouvais donc me contenter de vous présenter la liste de ceux qui se trouvaient chez Quill and Gavel de peur de calomnier des gentlemen ayant finalement renoncé.

— En effet, repartit-elle sur un ton acide, nous ne voudrions calomnier aucun de ces… gentlemen. Cependant, je ne vois pas de quelle façon le fait de vous attarder au village a pu vous aider. On ne me connaît guère là-bas et, bien que l’on papote sûrement déjà au sujet de la réception de Lady Fulton, comment auriez-vous pu savoir exactement qui résidait au manoir sans vous y rendre ?

— Ah, mais j’y suis allé…

Elle cligna des yeux.

— Vous êtes allé au manoir et n’avez pas été capable de m’y trouver ?

— Je ne me suis pas présenté à la porte principale.

Le regard exaspéré de son interlocutrice le fit rire.

— Mon séjour à l’armée m’a appris qu’il vaut mieux ne pas pénétrer en territoire ennemi sans en avoir d’abord effectué une reconnaissance approfondie. Cela reviendrait à s’y aventurer en grand uniforme tout en faisant entendre son sabre pour que chaque espion et chaque tireur d’élite ennemi vous remarquent bien ! Non, une mission aussi délicate requiert… de la ruse.

— De la ruse ? répéta-t-elle tandis que ses lèvres se contractaient comme si elle retenait un sourire. De quel genre ?

— Je n’avais aucune raison officielle de vous rendre visite. En outre, je ne fréquente pas les cercles qui feraient de moi un parti intéressant auquel Lady Fulton ouvrirait sa porte et qu’elle inviterait à ses réceptions. Mais, grâce à l’armée, je sais me mêler de manière presque invisible aux gens ordinaires. Le manoir de Dornton est le plus gros domaine de la région. Ce qui signifie que le village de Dornton lui fournit presque tout ce dont il a besoin, depuis la nourriture jusqu’aux serviteurs qui y travaillent.

« Quelques tournées de bière à la brasserie locale, quelques conversations avec les différents marchands qui approvisionnent le manoir, une petite allusion à l’un d’entre eux laissant entendre qu’en tant qu’ancien militaire de retour, et actuellement sans travail, je ne serais pas contre le fait de gagner quelques pièces, et je recevais l’ordre d’effectuer une livraison au domaine. Ce délicieux poisson dont vous vous êtes régalée hier soir et les ananas pour la compote du dessert…

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Bronze

Une romance historique un peu différente des autres et qui fut une agréable surprise. Les héros sont pleins de respects l'un envers l'autre et on apprécie de les découvrir s'apprivoiser petit à petit. Une belle découverte.

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Date de sortie

Les gentlemen rebelles, tome 3 : La lady offensée

  • France : 2017-12-01 - Poche (Français)

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