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Les Guerres célestes, Tome 1 : La Chute des Volziens



Description ajoutée par Hazulia 2021-07-17T10:10:46+02:00

Résumé

Les Volziens, de puissantes créatures ailées, vivaient en paix depuis qu’elles avaient envoyé les Draëgons dans une autre dimension.

Deux millénaires plus tard, leur règne est à nouveau menacé. Le territoire des hommes est ravagé par un poison qui annihile tout sur son passage. Désespérés, les humains décident de gagner les cités célestes à l’aide de navires volants. Ils se rebellent contre les Volziens qu’ils considéraient autrefois comme étant leurs dieux. Les Draëgons profitent alors du chaos pour s’évader et prendre leur revanche.

Skylar, une jeune Volzienne, qui a toujours vécu isolée, assiste à la chute des siens. Secourue par un Draëgon, elle voit ses convictions voler en éclat. Pour survivre, elle sera contrainte de collaborer avec lui, mais aussi avec les humains.

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Classement en biblio - 2 lecteurs

extrait

PROLOGUE

— Dépêche-toi Alyse, il faut partir immédiatement.

Confortablement installée sur son canapé, elle observa Revon d’un air interloqué. Partir ? Où ça ?

Il était entré en trombe chez elle, essoufflé, le regard effaré, comme si la mort allait frapper à leur porte et les emporter à tout instant. Jamais Alyse ne l’avait vu ainsi et cela l’effraya.

— Il se passe quoi à la fin ?

Son fiancé ne répondit pas. Il fit le tour du salon, attrapa quelques affaires qu’il fourra hâtivement dans son sac, la saisit par la main et la traîna dehors de force sans accorder la moindre attention à ses protestations.

À l’extérieur tout paraissait calme, si ce n’était le bruit de fond habituel que l’on entendait dans la ville de Parsam. Une myriade de voitures défilait sur un enchevêtrement de routes dessus, dessous, courbées, se chevauchant en spirales dans une succession d’étages dont on ne voyait pas la fin. Les véhicules disparaissaient à travers un voile gris et sombre. Alyse porta contre son visage le châle qu’elle avait sur ses épaules.

Les humains vivaient et grandissaient sur Ermédia, une terre rongée par la pollution où ils étaient condamnés à ne pouvoir contempler que des bouts grisâtres du ciel. Lorsque la jeune femme tentait de l’apercevoir, elle ne voyait que des tours de métal gigantesques.

L’air était à peine respirable ce jour-là. Le pic de pollution devait être au plus haut. Non, c’était encore pire. La moindre goulée d’air lui brûlait la gorge. Quelque chose n’allait pas. Des bruits insistants de klaxons la sortirent de ses pensées. De nombreux usagers vociféraient.

Une goélette venait d’atterrir au beau milieu de la route. Le voilier était entièrement structuré en bois. Il disposait de deux ailerons qui jaillissaient à bâbord et à tribord. Trois mâts avec voiles directionnelles ainsi que trois moteurs à propulsion accrochés à l’arrière lui permettaient de voler. Il s’agissait de l’Intrépide, le vaisseau de Revon. Tranchant avec le reste du décor, il donnait l’impression d’être une anomalie. Alyse le détailla en songeant que cela ne faisait que quelques années que les humains étaient parvenus à s’élever.

Revon l’attrapa fermement par la taille, l’arrachant à ses réflexions. Il s’agrippa à la corde qu’on leur avait lancée, juste avant que la goélette ne décolle. L’un des membres de l’équipage s’empressa de les aider à se hisser à bord. Les moteurs poussés à plein régime, le vaisseau fonça vers le ciel.

À ce moment-là, Alyse comprit enfin tandis qu’en dessous des cris résonnaient. Sous le choc, elle manqua de vaciller, se rattrapant de justesse au bastingage. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur : des colonnes étranges apparaissaient de tous les côtés. Formées d’un gaz sombre, elles ondulaient lourdement en se rapprochant de la ville. Elles fusionnèrent peu à peu, puis retombèrent en une nappe épaisse, rampante, comme douée d’une vie propre. La chape de brouillard commença à engloutir Parsam, tout ce qui rentrait à son contact dépérissait. Des milliers de personnes s’écroulèrent, asphyxiées. Le gaz rongeait également la structure des bâtiments. Ils finirent par s’effondrer sur les victimes cherchant désespérément à fuir.

La goélette avait filé assez loin pour être hors de portée des émanations mortelles. Celles-ci restaient sur terre, bien décidées à tout anéantir. La vie s’échappait dans des râles d’agonie et de douleur insoutenables. Alyse avait l’impression de suffoquer. Épouvantée, elle garda les yeux rivés sur les buildings qui disparaissaient les uns après les autres dans un gémissement sinistre.

La situation était irréelle. Quelques minutes auparavant, elle regardait tranquillement la télévision. À présent, l’apocalypse déferlait sous ses yeux. Si Revon n’était pas venu la chercher, elle serait morte elle aussi. Plusieurs passagers voulaient retourner à terre sauver les leurs. C’était trop tard. Inflexible, l’homme à la barre garda le cap.

Alyse, contrairement à eux, n’avait plus de famille proche. La maladie avait emporté ses parents. Mais la simple idée de ne plus revoir ses collègues, qu’elle n’avait pourtant jamais appréciés, ou même l’odieux concierge de son immeuble lui parut tout à coup insupportable. Aucun d’eux ne méritait un tel sort.

Des rescapés, les poumons chargés d’air pollué, toussaient. Autour d’eux d’autres vaisseaux s’élevaient, mais en quantité insuffisante pour évacuer les millions de Parsamïtes. D’autres villes étaient-elles touchées ?

Revon l’avait attirée contre lui afin de cacher ses propres larmes dans sa longue chevelure auburn. Plutôt petite et fine, elle se sentait toujours plus sereine dans les bras musclés de son compagnon, d’autant qu’il la dépassait d’une bonne tête. En cet instant, cela ne suffit pas à l’apaiser.

Il hésita avant de lui murmurer gravement :

— Le monde entier est touché.

Alyse songea à la famille de son fiancé, ses proches vivaient à l’autre bout d’Ermédia. Ils étaient trop loin pour pouvoir les secourir. Elle l’enlaça désespérément, partageant sa peine.

— Pourquoi ? murmura-t-elle finalement.

Revon resta silencieux, mais s’écarta doucement. Il n’existait aucune réponse à son pourquoi déchirant. Le regard qu’ils échangèrent évoquait la même culpabilité : ils étaient sauvés. L’humanité, quant à elle, sombrait.

L’Intrépide poursuivit sa progression à travers les cieux. Ses passagers n’entendaient plus que le souffle du vent. L’air devint glacial. Se crispant de froid, Alyse rabattit son châle sur ses épaules, puis s’approcha de la proue du navire. Elle posa ses mains sur la rambarde et observa l’horizon. Ses pensées se bousculaient. Personne n’allait si haut, jamais. C’était la demeure des Dieux. Plusieurs explorateurs prétendaient avoir perçu des choses surnaturelles.

Que ce soit par réelle croyance ou par simple superstition, monter trop haut dans les cieux était tabou. La jeune femme ne put s’empêcher de se réciter le premier commandement divin, retranscrit dans le texte sacré qui narrait la création d’Ermédia : « Vous demeurerez à terre, sans jamais tenter de vous élever, vous prendrez soin du monde que l’on vous a offert ». Cette religion était peu à peu tombée dans l’oubli. Cependant, les rares pratiquants qui subsistaient encore s’étaient opposés avec acharnement à la construction des navires volants.

Hélas, le monde d’en bas était condamné. Il ne leur restait plus qu’un seul espoir : continuer à monter. Soudain, son regard repéra un point de lumière incandescent qui s’échappait des hauteurs du ciel. On les attaquait ? Déjà ?

L’objet fonçait droit sur elle. Alyse ne parvenait pas à s’en détacher. Il irradiait. Alors qu’il s’apprêtait à la percuter, il ralentit, ce qui lui permit de distinguer un petit joyau à facettes multicolores.

— Alyse ! s’écria Revon.

Elle l’entendit à peine. L’impact fut puissant, le projectile s’enfonça dans sa poitrine. Sur le point d’atteindre son cœur, il s’immobilisa. La jeune femme s’effondra. Elle n’éprouva aucune douleur, son visage afficha au contraire un large sourire. Ses yeux couleur émeraude étincelèrent.

Le capitaine se précipita vers elle, repoussant les curieux qui s’approchaient pour l’observer avec stupeur. Il s’agenouilla face à elle de manière à la cacher. Sa compagne ne bougeait plus. Il la prit dans ses bras, cherchant à travers ses vêtements une blessure. Il découvrit un trou de la dimension du projectile. Mais déjà, sa peau se régénérait. C’était extraordinaire, impossible. Et pourtant, toute trace d’apparente perforation disparut.

Sonnée, Alyse battit des paupières. Tout s’entrechoquait dans sa tête. Elle se sentait bien, comme si l’incident n’avait été qu’une hallucination. Elle voulut se lever, mais Revon la maintenait contre lui.

La miraculée s’attarda sur son compagnon. Ses yeux bruns la scrutaient avec une certaine crainte, mêlée de fascination.

― Ce qu’il vient de se passer, commença-t-il…

Alyse l’interrompit.

― N’a pas le moindre sens, je devrais être morte.

― Mais tu ne l’es pas.

― Je ne le suis pas, en effet.

Elle remarqua alors les regards stupéfaits des passagers. Ils s’étaient tous précipités, interpellés par les autres déjà à l’extérieur. Les cabines s’étaient vidées d’un coup. Aucun d’eux ne comprenait comment elle avait pu survivre à une telle blessure.

Elle porta une main hésitante sur sa poitrine. Est-ce qu’elle devait s’attendre à se transformer physiquement ? Ou bien ce qu’elle devinait logé en elle s’extirperait plus tard ? Elle eut beau chercher, elle ne décela rien de changé.

Alyse resta un moment à terre contre Revon, se repassant en boucle l’accident pour tenter d’y trouver un sens. Mais son fiancé, hélé par ses hommes, finit par se lever pour les rejoindre à l’avant.

La jeune femme déglutit. Elle commença à se relever péniblement. Revon, revenant vers elle, l’aida à se redresser. Les jambes encore flageolantes, elle s’appuya sur lui tout en scrutant les environs jusqu’à ancrer ses yeux sur le vide qui défilait en dessous d’eux. Il n’y avait plus rien à voir. Parsam avait disparu, engloutie par une mer de nuages noirâtres. Cette vision eut l’effet d’une gifle. C’était vraiment fini, tout ce qu’elle connaissait s’était volatilisé.

― Ils sont tous morts, bredouilla Alyse, livide.

Elle ne pensait plus qu’à ça, si bien que le remords et la tristesse lui firent oublier temporairement l’étrange objet.

― On ne pouvait rien pour eux, raisonna Revon, qui s’efforçait de refouler ses propres regrets.

― C’est faux ! Toi, tu savais. Sinon, pourquoi m’avoir entraînée avec tant d’insistance ?

― Que voulais-tu que je fasse ? T’as vu la taille de ma goélette ? J’ai réagi dès que j’ai vu le brouillard. C’était déjà presque trop tard.

Il disait vrai. Il aurait été difficile d’accueillir davantage de personnes. Sans parler des provisions et des ressources nécessaires pour alimenter le vaisseau ; ils étaient partis en catastrophe.

― On aurait dû fuir des années auparavant. D’autres avaient prédit ce drame il y a bien longtemps, regretta Revon.

― Ne me reparle pas de Windoria, elle…

― Elle existe.

Il porta un regard déterminé vers l’horizon.

― Nous ne sommes pas les premiers à nous être élevés, si nous trouvons cette cité… poursuivit le jeune homme en se tournant à nouveau vers sa compagne.

― Il faudrait déjà que l’on survive, le coupa Alyse, en lui indiquant le voile sombre en dessous d’eux.

Elle leva les yeux et aperçut des bandes bleues au travers des nuages. Elle inspira un grand coup, se délectant de la pureté de l’air. Plus ils montaient, plus il gagnait en qualité. Revon lui avait déjà parlé de cet étrange phénomène. Alors que les hommes auraient dû souffrir de l’altitude, celle-ci s’avérait au contraire bénéfique.

En revanche, le jour déclinait et le froid s’intensifiait. Revêtue d’un simple pantalon de toile ainsi que d’une chemise, la jeune femme commençait à ressentir sa morsure sur les jambes. Elle se rappela la chaleur de son appartement, son canapé, son ancienne insouciance… Aussitôt des images horribles lui revinrent à l’esprit. Revon la vit frissonner. Il portait un long manteau épais, conçu pour résister aux températures les plus basses. Il l’ôta pour le déposer sur ses épaules.

― Ne bouge pas, je vais m’en chercher un autre.

En le regardant s’éloigner, Alyse songea qu’elle avait de la chance de l’avoir auprès d’elle. Hélas, elle devinait aussi que le pire était encore à venir. Autour d’elle, les survivants partageaient ses sentiments. Certains observaient le ciel avec inquiétude tandis que d’autres continuaient de la surveiller du coin de l’œil. Ils échangeaient des propos à voix basse. Mais la majorité guettait l’horizon.

Une véritable flotte apparaissait progressivement. Des navires, qui arboraient chacun des drapeaux de couleurs différentes, se déployaient de tous les côtés. Alyse reconnut des emblèmes de pays lointains. Comment pouvaient-ils déjà être là et surtout pourquoi ? Parsam n’était qu’une ville parmi tant d’autres… Plus surprenant encore : la plupart des vaisseaux étaient équipés d’imposants canons, harpons et autres armes. Certains transportaient également des robots.

Revon de retour, elle se tourna vers lui.

― On dirait qu’ils partent en guerre !

Son fiancé lui désigna le vaisseau de Gydrym Domor, souverain d’Haron, le plus grand pays d’Ermédia.

― C’est lui qui dirige la plupart de ces navires. Il vient de diffuser un message sur toutes les radios fonctionnelles. Il demande à tous les rescapés de se joindre à lui. Il accuse les dieux d’être responsables de cette apocalypse et entend conquérir leur territoire.

― Conquérir leur territoire ? Si jamais ces dieux existent vraiment, nous n’avons pas la moindre chance.

Revon, qui contrairement à elle ne semblait pas surpris, ne put que hocher la tête. Malheureusement, aucun autre choix ne s’offrait à eux.

Consciente de cette implacable vérité, Alyse porta ses mains sur sa poitrine, priant pour qu’un miracle survienne. Son regard glissa sur la rambarde métallique, elle entraperçut alors l’éclat de ses yeux. S’ils avaient retrouvé leur vert d’origine, ils demeuraient plus étincelants qu’à l’accoutumée.

Le reflet se voila soudainement. Les nuages, devenus plus denses, occultaient les derniers rayons du soleil. La goélette continua de monter, gardant son cap dans la brume. Alyse discernait par instants les silhouettes fantomatiques des autres vaisseaux. Des cloches et des cornes de brume retentissaient pour éviter des collisions. Celles-ci s’emballèrent.

Une gigantesque masse nuageuse transparaissait dans la voûte céleste. Le cœur de la survivante se comprima face à cette vision aussi inquiétante que mystérieuse. Ainsi, il y avait quelque chose au-dessus de Parsam…

CHAPITRE 1

Pandhyr était le joyau des cieux, la plus haute et belle de toutes les cités célestes. Perchée à plus de dix mille mètres d’altitude sur un ensemble de nuages solides, elle dominait tout Ermédia. Cette cité se présentait sous la forme d’une île, installée au cœur d’un immense halo de brumes vaporeuses immaculées. Leur composition magique offrait un climat doux et respirable qui faisait oublier qu’on se trouvait si haut dans le ciel. De toute part se dressaient des tours, des temples ainsi que de splendides bâtisses. Les constructions se succédaient les unes aux autres. L’ensemble se confondait dans les nuages blancs, jusqu’à en devenir de parfaites extensions.

De même les Volziens, peuple de l’île, se révélaient difficiles à dissocier les uns des autres. Ils portaient pour la plupart une longue cape à capuche blanche qui les recouvrait intégralement. Ainsi vêtus, ils se fondaient dans le décor comme des fantômes que l’on ne pouvait capter qu’un bref instant avant qu’ils ne disparaissent.

L’île disposait également de formations de cumulonimbus dans son atmosphère. Lorsqu’il se mettait à pleuvoir, les gouttes célestes alimentaient les rivières se déversant dans le fleuve Nyaphel, qui serpentait sur toute l’île. Ce fleuve recelait un pouvoir divin ; il pouvait montrer aux Volziens chaque moment de la vie des humains, des créatures qu’ils avaient façonnées à leur image deux millénaires auparavant. Mais s’ils partageaient la même morphologie, les hommes étaient incapables de voler ou de recourir à la magie. Faibles par nature, ils étaient destinés à vénérer les Volziens et à cultiver les terres qu’on leur avait offertes. Au lieu de ça, ils s’étaient acharnés à transformer leur monde, le rendant toujours plus laid dans l’espoir de dépasser leur condition de simples mortels. Au fil du temps, beaucoup avaient cessé de prier leurs créateurs. Ces derniers s’étaient dès lors détournés d’eux, estimant le monde d’en bas bien trop corrompu pour être sauvé.

En cet instant, le vent se propageait le long de la rive du fleuve. Son souffle remuait la cape blanche qui dissimulait un Volzien. Sous son voilage, on pouvait distinguer une armure intégrale. De haute stature, l’individu était particulièrement imposant. Un masque fait d’argent cachait son visage. Il arborait la forme d’un bec et laissait entrapercevoir ses yeux d’un bleu très clair.

Asmaël, le roi des cieux, observait à travers les eaux du fleuve le domaine des hommes. L’apocalypse s’y déchaînait.

D’immenses ailes d’une pureté nivéale jaillirent de son dos. Il esquissa un bref sourire avant de prendre son envol. Il ne tarda pas à s’éloigner, disparaissant progressivement dans l’horizon.

Un aigle au plumage immaculé surgit au même moment dans le lointain. L’oiseau traversait les cieux à toute allure en direction d’une tour entièrement composée de nuages. Sa maîtresse l’y attendait.

**

Skylar, une jeune Volzienne, se tenait accoudée au bord d’une grande fenêtre en clé de voûte. Ses longs cheveux blonds, presque translucides, virevoltaient au gré du vent. Des mèches rebelles masquaient son visage. Contrairement à la plupart des Volziens, elle ne revêtait ni voile ni robe. Ce type de tenue, aussi inconfortable que ridicule, ne lui inspirait que du mépris. Si bien que, s’inspirant du style vestimentaire des humaines, elle préférait porter un bustier gris sur un pantalon en cuir renforcé par des jambières. Des manches noires parcouraient ses bras et descendaient en cascade derrière son dos pour se rejoindre au niveau de son bassin. Le tout formait une longue jupe qui recouvrait partiellement ses jambes. Elle avait abandonné l’idée de ressembler aux siens. Peu importe ses efforts, elle serait toujours différente. De toute manière, elle n’avait pas le droit de les approcher.

Du haut de sa demeure, Skylar avait l’habitude de contempler le halo brumeux qui entourait Pandhyr. Son esprit s’évadait. Dans ses plus beaux rêves, ses ailes se déployaient, ses pieds s’élevaient au-dessus du sol... Enfin son corps planait dans le ciel immense. Comme à chaque fois que ce genre d’idée venait la tenter, elle se crispa. Ce désir ardent, qui la consumait chaque jour davantage, lui était interdit.

Un cri strident la sortit de ses pensées. En voyant son aigle approcher, un sourire se dessina sur ses lèvres. L’oiseau accéléra sa course pour finir par poser délicatement ses serres sur le poignet de sa maîtresse. Elle caressa affectueusement sa tête. La Volzienne l’avait recueilli quelques années auparavant, alors qu’il était encore un aiglon. Plus petit que ses congénères, il avait été attaqué par d’autres oiseaux en plein vol. Le hasard avait voulu qu’il s’écrase sur le rebord de sa fenêtre.

Hélas, Skylar ne possédait pas le pouvoir de guérir. Cette faiblesse ne l’avait pas arrêtée. Elle avait imité la médecine humaine pour le soigner des semaines durant. Grâce à sa persévérance, Neige avait fini par se rétablir de ses blessures. Il était devenu un ami, le seul qu’elle avait. Elle l’envoyait régulièrement en patrouille. Ne pouvant quitter l’enceinte de sa tour, il incarnait son unique contact avec l’extérieur. Depuis quelques jours, elle l’employait afin d’espionner Asmaël, son père. Elle le soupçonnait de manigancer quelque chose. En cette fin d’après-midi, Neige revenait très agité. Cela ne fit qu’accentuer ses inquiétudes.

— Dis-moi ce que tu as vu, demanda-t-elle en posant ses doigts sur son bec.

Au moment où elle prononça ces mots, la masse nuageuse entourant l’île se déplaça, laissant transparaître une forme inhabituelle. Skylar se pencha sous l’arche de sa chambre. Un appareil volant à la coque en bois clair surgit de la brume, il fonçait à toute allure. C’était la première fois qu’elle en voyait un. Grâce aux années qu’elle avait consacrées à l’étude des constructions humaines, il lui fut facile de reconnaître une goélette.

L’engin naviguait à une vitesse incroyable, si bien qu’il ne tarda pas à lui passer devant. Elle croisa le regard d’une femme à son bord, ses traits attisèrent son intérêt. Des yeux couleur émeraude à l’éclat singulier, un nez plutôt fin et légèrement retroussé. De longs cheveux châtains aux reflets roux emmêlés par le vent.

En seulement quelques secondes, une large palette d’émotions défila sur son visage. Peur, tristesse, désespoir... ainsi que quelque chose qu’elle échoua à définir. En principe, les Volziens ne connaissaient pas ce genre de sentiments. Skylar, en revanche, possédait une sensibilité presque humaine. Elle ne parvenait pas à se montrer aussi glaciale que ses pairs.

L’humaine sembla l’observer à son tour. La princesse se tendit en sentant son regard la détailler. Mais celle-ci se trouvait trop loin pour espérer la voir clairement. Les humains ne bénéficiaient que d’une acuité visuelle limitée.

Pendant que le navire s’éloignait, la Volzienne lut son nom gravé sur une plaque accrochée à la poupe : l’Intrépide. Après qu’il eut disparu de son champ de vision, son cœur continua de battre à tout rompre. Une nouvelle émotion déferla en elle ; l’excitation. Elle n’arrivait pas à y croire, des hommes avaient atteint les cieux ! Nul mortel ne pouvait accéder aux cités célestes. Ils n’en possédaient pas le pouvoir et encore moins le droit.

Désireuse d’en avoir le cœur net, elle s’éloigna de la fenêtre et attrapa un voile qu’elle plaça devant son visage. Son père lui avait suffisamment répété de masquer son apparence pour que cela devienne un automatisme. Contrairement à lui, elle ne possédait pas de masque. Ces derniers étaient réservés aux membres de la famille royale, à l’exception d’elle-même. De toute manière, cela ne suffirait pas à cacher son regard. Le tissu recouvrit tout son corps, la faisant finalement ressembler à n’importe quel Volzien.

Elle descendit quatre à quatre les marches de la tour dans laquelle elle vivait depuis déjà dix-huit ans. Après avoir traversé le salon, elle franchit la porte extérieure. Deux Volziens montaient la garde. Ils portaient une épaisse armure intégralement composée de plumes métalliques. Deux ouvertures apparaissaient sur leurs omoplates, leur permettant ainsi de déployer leurs ailes. C’était tout ce qu’elle pouvait voir d’eux. Leurs visages disparaissaient derrière un rideau de métal. Elle ne connaissait même pas leurs noms. L’un d’eux la suivit. Elle l’ignora pour gagner les jardins. Son regard se porta aussitôt sur la large muraille qui encerclait le palais. La construction se dressait sur une centaine de mètres de haut. Cent vingt-neuf exactement. Cette hauteur empêchait les Volziens de la voir.

Skylar s’arrêta, jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Le garde s’était rapproché. Elle décela de l’inquiétude dans sa gestuelle ; tous ceux qui connaissaient son existence la craignaient. Elle sentit alors sa magie s’animer au bout de ses doigts. Elle résista, la repoussant au plus profond de son être. Après s’être reprise, elle parcourut les vastes allées où s’épanouissaient de nombreuses fleurs colorées. Certaines étaient composées de matière cotonneuse. Elle finit par atteindre son lieu préféré. Un mince bras du Nyaphel traversait les jardins. Si l’eau se tarissait souvent, c’était bien suffisant pour épier les humains. Le fleuve lui permettait de s’évader, du moins mentalement.

Les mortels la fascinaient. Dépourvus de tout pouvoir magique, ils étaient malgré tout capables d’incroyables prodiges ; la science, la médecine, l’art… Sans oublier les liens puissants qui les rattachaient les uns aux autres.

Cette fois le fleuve ne lui montra rien, une large chape de brouillard brune recouvrait tout. Skylar longea la berge dans l’espoir d’en apprendre davantage, mais la vision se répandait partout. Elle n’abandonna pas et continua de marcher. Ce fut la muraille qui stoppa sa progression. Le garde l’observait.

Elle regarda le fleuve s’écouler sous le mur pour rejoindre son lit principal. Un mauvais pressentiment tordit ses entrailles. Son désir de savoir ce qu’il se passait grandissait. Ses omoplates la démangeaient ; ses ailes voulaient se déployer. Pour la première fois depuis qu’elle était née, il se passait quelque chose à Pandhyr. Une telle occasion ne se représenterait peut-être plus jamais. Elle serra ses poings de frustration. Elle avait toujours rêvé de rencontrer des humains. Est-ce que la goélette s’était posée comme elle le pressentait ? Il fallait qu’elle franchisse la muraille pour le découvrir. Le regard du garde restait ancré sur elle, il se préparait à intervenir.

Neige choisit cet instant pour la rejoindre. Plutôt que d’affronter le soldat, elle posséda l’esprit de son familier. En se connectant à lui elle pouvait voir à travers ses yeux et ainsi survoler la cité sans que personne ne se rende compte de sa présence.

L’aigle vola jusqu’à la bordure nord de Pandhyr. De nombreux Volziens arpentaient les cieux, d’autres bâtissaient grâce à la magie de création. Ils matérialisaient des pierres d’un blanc éclatant, les modelant ensuite à leur guise, pour finir par les assembler aux nuages environnants.

Neige dut esquiver un château qui venait de surgir du sol. Skylar s’attarda un bref instant sur le créateur. Celui-ci, après avoir grimacé, l’effaça pour entamer une nouvelle œuvre. C’était ainsi que fonctionnait la capitale céleste. Chaque jour se révélait différent ; rien ne restait figé dans le temps. Alors qu’elle s’apprêtait à se détourner de l’architecte, elle vit sa dernière composition s’effriter. Il fronça les sourcils. Par la suite, le Volzien ne matérialisa plus la moindre pierre. Il en semblait incapable, agitant vainement ses mains dans le vide. Le miracle n’opérait plus. Seuls les nuages continuaient de lui obéir, cela ne suffisait pas pour ériger des édifices. Alertés par ses protestations, plusieurs de ses semblables le rejoignirent. Ils tentèrent de l’aider à modeler, en vain.

Skylar ne comprenait pas ce qu’il se passait. Créer était naturel pour les siens. Des Volziens s’exclamèrent : l’Anima aurait disparu. Il ne se trouvait plus à Maphyr. Cet artefact, que l’on nommait aussi cœur du monde, était le bien le plus précieux d’Ermédia. L’ultime héritage du Dieu Éternos, créateur de toute chose. Sa magie conférait aux Volziens le pouvoir de donner vie à tout ce qu’ils imaginaient. Si cela se confirmait, c’était leur existence entière qui serait bouleversée.

Elle dépassa les Volziens, cherchant à localiser les humains qu’elle avait aperçus de sa tour. Ils devaient probablement être mêlés à ces mystères. Quelque chose se tramait à Pandhyr et elle était résolue à découvrir quoi. Il n’y avait plus aucune trace d’eux, comme s’ils avaient disparu. Un autre phénomène l’interpella : des Volziens se tenaient sur la rive du Nyaphel, observant le fleuve. Ce qu’ils voyaient semblait les surprendre.

Contrôlant toujours l’esprit de Neige, elle s'avança autant qu’elle le put. Ses serres frôlèrent l’onde, la troublant. La présence de l’oiseau déplut aux Volziens. Aucun animal ne s’en approchait. Nul être n’aurait osé toucher l’eau comme il venait de le faire. Un enfant, décidé à l’éloigner du fleuve, manipula l’air qui l’entourait pour le transformer en une puissante bourrasque. L’aigle se retrouva happé.

Ainsi les Volziens n’avaient pas perdu leurs pouvoirs élémentaires, inhérents à leur race. Si cela aurait dû rassurer Skylar, cela lui compliquait également les choses. Elle s’efforça de résister au souffle, puis battit les ailes de Neige dans l’espoir de chasser la tempête qui se formait, le nimbant de sa propre magie. Lorsqu’elle rentra en contact avec celle du Volzien, le vent s’intensifia, se chargeant d’éclairs. L’un d’eux toucha l’aigle de plein fouet. Sa connexion avec sa maîtresse vola en éclat ; il chuta dans le fleuve.

Tous les Volziens reculèrent. Plonger dans le Nyaphel était l’un des plus grands interdits qui régissaient leurs vies. Le fleuve avait été créé par Negaziel afin de toujours pouvoir surveiller les hommes, où qu’ils soient. Une puissante magie l’animait, si bien que pénétrer l’eau divine s’apparentait à une souillure.

Skylar sentait Neige sombrer, il allait se noyer ! Paniquée, elle se précipita sur la muraille. L’espace d’un instant, elle songea à déployer ses ailes. Cette simple pensée enserra sa poitrine.

Le garde profita de son hésitation pour passer à l’offensive. Il était déterminé à l’arrêter. Des traits de lumière fusèrent sur elle. La fugitive les esquiva, consciente que le moindre contact avec l’un des projectiles la paralyserait. À force de reculer, elle sentit soudain la pierre fraîche contre son dos. Acculée, sa magie se déploya sur ses poings, qui hésitèrent à briser le mur. Au lieu de ça, elle dressa un bouclier autour de son corps. C’était l’un des rares sorts volziens qu’elle maîtrisait : la magie de protection. Aucun assaut du garde ne pourrait l’atteindre. Celui-ci n’abandonna pas pour autant. Il commença à psalmodier, mais encore une fois rien ne se produisit, le Volzien parut lui-même déconcerté.

La princesse bondit sur le mur. Si son saut était puissant, il ne la projeta que sur une dizaine de mètres. Alors qu’elle allait retomber à terre, elle matérialisa dans la hâte, presque instinctivement, un piolet. Elle avait déjà vu des humains s’en servir pour escalader.

L’objet s’incrusta dans la roche, l’empêchant de chuter. Son angoisse pour Neige balaya sa surprise de pouvoir toujours créer. Elle façonna un deuxième piolet. Ses bras, bien plus forts que ceux d’un humain, lui faisaient gravir près d’un mètre à chaque assaut. Un regard en arrière lui permit de découvrir que son poursuivant venait de déployer ses ailes. Il fonçait droit sur elle. Ses bras s’étaient transformés en serres. Ne voulant ni le blesser ni abandonner son ascension, Skylar invoqua un filet qu’elle projeta sur lui. Il se resserra à son contact.

Le garde, piquant dans le vide, modela un bouclier d’énergie pour amortir sa chute. Il n’en demeura pas moins prisonnier.

Consciente qu’il ne tarderait pas à se libérer, la fugitive acheva de gravir le mur. Perchée sur la paroi, elle bénéficiait d’une vue imprenable sur toute la cité. Des centaines de palais et de temples immaculés se profilaient sous ses yeux. Ils se dressaient à différentes hauteurs sur un archipel de nuages. Elle ne s’attarda pas, finissant par repérer un attroupement de Volziens. C’était là que Neige avait sombré. Le lien était rompu à présent ; son esprit se révélait hors d’atteinte. Il était peut-être déjà trop tard…

Elle refoula cette pensée, elle ne pouvait pas accepter cette fin sinistre. En dépit de sa différence, il l’avait acceptée et était resté auprès d’elle pendant tout ce temps. Les battements de son cœur s’accélèrent. Une fois qu’elle serait de l’autre côté, il n’y aurait pas de retour en arrière possible. Beaucoup de Volziens découvriraient son secret. Si certains connaissaient son existence, personne ne savait ce qu’elle était vraiment. Pas même elle. Devant l’urgence de la situation, toutes ses peurs se dissipèrent. Neige était son seul ami, le perdre était impensable.

Elle sauta, puis matérialisa un nuage dans lequel elle se réceptionna. Plus d’une dizaine de minutes s’étaient déjà écoulées. Les chances de survie de l’aigle étaient presque inexistantes. Des larmes commençaient à dégringoler le long de ses joues. Elle courut pour finir par bondir en avant, l’espace d’un instant elle crut qu’elle allait s’envoler. Au lieu de ça, elle atterrit directement dans le Nyaphel.

Plusieurs Volziens s’insurgèrent. Elle ne les entendait plus. Le courant emporta son voile. Alors qu’elle cherchait Neige, l’eau du Nyaphel se troubla. Un immeuble apparut devant elle, l’empêchant d’aller plus loin. Il s’effondra quelques secondes plus tard. Des dizaines d’autres bâtiments disparaissaient dans le sol. Une masse brune tourbillonnait autour d’eux.

Une horde d’humains surgit du néant, ils fuyaient désespérément, se précipitant droit sur elle. Skylar crut qu’elle allait se faire piétiner, mais au lieu de ça, la masse la traversa. Il s’agissait de visions qui dévoilaient la déchéance des hommes. Un cataclysme s’était abattu sur terre. Prenant la forme d’une impitoyable vague de brouillard toxique, il ravageait tout. À son contact, les hommes suffoquaient pour finir par se décomposer. Aucune construction ne parvenait à résister à son souffle.

La Volzienne avait l’impression d’étouffer elle aussi. Pourtant, elle parvenait à respirer sous l’eau. C’était l’horreur de la situation qui la bouleversait. Parmi les visions que lui renvoyait le Nyaphel, elle repéra Neige. L’aigle, inerte, gisait au fond du fleuve. Elle plongea plus profondément, nageant jusqu’à lui pour ensuite s’empresser d’invoquer une bulle d’air qu’elle plaça autour de son bec. Il demeurait inconscient. Il fallait qu’elle remonte au plus vite. Le courant la maintenait dans les profondeurs. Les visions du Nyaphel gagnaient en violence, mais aussi en précision. On disait qu’un contact direct avec l’eau sacrée pouvait faire perdre la raison.

La Volzienne voulut fermer les yeux pour se concentrer sur sa remontée. C’était impossible. Ils demeuraient désespérément ouverts, la condamnant à voir. Le paysage changea soudainement. De nombreux navires volants quittaient la zone terrestre d’Ermédia, peut-être qu’un espoir subsistait encore.

Elle s’arrêta, seul un mètre la séparait de la surface. Parmi les vaisseaux qui s’élevaient dans les cieux, l’un d’eux attisa son intérêt. Il se trouvait déjà très haut. Long et ovale, il ne possédait pas de voiles. En revanche, deux turbines apparaissaient de chaque côté. Son extrémité ressemblait à une queue de poisson à laquelle étaient accrochés deux ailerons. L’ensemble se mit à tourbillonner, offrant davantage de vitesse à l’engin. Il allait si vite qu’il se déroba à son regard.

Une autre vision se superposa à la précédente, il s’agissait de la silhouette d’une île céleste. D’ordinaire le fleuve ne montrait que le monde des hommes. Ses contours ne ressemblaient à aucune des sept îles célestes d’Ermédia. Skylar n’eut pas le loisir de l’observer davantage ; son corps avait repris son ascension. Lorsqu’elle émergea du fleuve, toutes les images s’estompèrent. À la place, des dizaines de regards la fixaient avec un mélange d’effroi et d’admiration. Elle se rappela qu’elle ne portait plus de voile. Pour la première fois, quelqu’un d’autre que son père découvrait son visage.

En vérité, elle était tout le contraire de laide. Elle avait hérité de la beauté propre aux Volziens ; des lèvres légèrement rosées, plus pleines dans son cas, un nez fin et gracieux, une peau pâle et lisse. Ses cheveux d’un blond très clair, même dans l’eau, accrochaient les rayons du soleil. La princesse ne semblait pas si différente d’eux. Les Volziens les plus proches remarquèrent alors ses yeux. Celui de droite était d’un bleu parfait, tel un ciel sans nuages. La couleur était le reflet de l’âme chez les Volziens. Elle indiquait aussi la dominante de leur pouvoir. Le vert attestait d'un important contrôle des éléments, le violet révélait quant à lui une capacité innée à se transformer. Et enfin, le bleu se manifestait chez les êtres dont la magie de protection et de guérison était la plus forte. Ces êtres-là pouvaient recourir à des sorts de résurrection. Mais Skylar en était incapable. Pire encore, son œil gauche était doré. Une seule race possédait de tels iris ; les Draëgons. Leurs ennemis jurés.

Depuis que Negaziel, le premier souverain Volzien, les avait exilés dans une autre dimension il y a près de deux mille ans, personne n’avait revu de tels yeux. Du moins jusqu’à ce jour. Les Volziens échangèrent d’abord par la pensée. Skylar voyait leur visage se décomposer. Elle ne pouvait néanmoins pas entendre ce qu’ils se disaient, cela valait peut-être mieux.

Un Volzien se détacha du cortège pour s’avancer dans sa direction, le regard brûlant de haine.

— Tu es une abomination ! s’écria-t-il.

D’autres ne tardèrent pas à se joindre à lui. Skylar, tétanisée, ignorait comment réagir. Des bras puissants s’emparèrent brusquement d’elle. Son second garde l’emporta dans les airs. Sous le coup de la surprise, elle manqua de lâcher Neige qu’elle rattrapa de justesse. L’oiseau n’avait pas encore repris connaissance. De nombreuses larmes s’échappèrent de ses yeux. Tout son monde s’écroulait. Les hommes, son secret et Neige.

En quelques battements d’ailes, ils furent de retour dans la tour. La jeune femme fut reconduite dans sa chambre. Une servante voulut la recouvrir d’un voile. Elle la repoussa, focalisant toute son attention sur Neige. Elle le maintenait fermement contre sa poitrine. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’elle se décida à le libérer de son étreinte pour le tendre à la servante. La Volzienne ne bougea pas pour autant, elle ne parvenait pas à détacher son regard de ses yeux vairons.

― Sauvez-le ! s’exclama Skylar la faisant sursauter.

Elle resta immobile, visiblement effrayée.

― Je vous en prie, ajouta la princesse d’une voix plus douce, suppliante.

Elle posa l’aigle sur la table qui leur faisait face, puis saisit le voile des mains de la domestique pour l’enfiler. Plus sereine, la Volzienne hocha la tête et posa ses paumes au-dessus de Neige, diffusant une douce lumière sur son corps. Alors qu’il n’y avait plus d’espoir, elle le ramena à la vie. Contrairement à Skylar, les véritables Volziens possédaient d’incroyables facultés de guérison. Ils pouvaient même, dans certains cas, vaincre la mort.

CHAPITRE 2

Plusieurs heures s’écoulèrent, Skylar se retrouvait de nouveau dans sa tour. Son quotidien avait repris son cours, comme s’il ne s’était rien passé. Neige, en pleine forme, volait autour d’elle. Mais tout était réel ; le monde des hommes était condamné. Les Volziens, à l’exception d’elle-même, avaient apparemment perdu leur faculté de créer. Trop de questions restaient sans réponses. Après ce qu’il venait de se passer, quitter sa tour était trop risqué.

Ne pouvant rien faire d’autre, elle voulut expérimenter sa propre magie de création. Elle s’attendait à la voir disparaître, comme ce fut le cas pour les siens. Alors qu’elle matérialisait une miniature de la goélette qu’elle avait aperçue, un battement d’ailes attira son attention. Asmaël traversa l’arche pour se dresser face à elle. Son arrivée tombait à point nommé.

Après avoir rétracté ses appendices, Asmaël plongea son regard azur dans les yeux vairons de sa fille. Il avait volontairement retiré son masque. Skylar se troubla, les Volziens n’apercevaient que rarement le visage de leur souverain. Parfaitement lisse, il semblait incapable de retranscrire une quelconque émotion. À l’exception toutefois de sa mâchoire carrée qui lui conférait un air sévère.

Ses cheveux, coupés très courts, étincelaient d’un éclat argenté. Figés dans le temps, ils ne poussaient pas. Asmaël arborait depuis des siècles l’apparence d’un homme d’une quarantaine d’années. Il était néanmoins plus grand qu’un simple mortel et faisait montre de bien davantage de prestance, autant par son maintien que par la puissance qu’il inspirait. Il irradiait d’une beauté aussi froide que fascinante.

Il avait également délaissé sa cape, ne revêtant que son armure.

― Tu as manqué de prudence, je pensais que l’on était d’accord.

― Je veux comprendre ce qu’il se passe.

Bien qu’il la dépassait largement, Skylar n’avait pas pour habitude de se laisser intimider.

― Les hommes ont œuvré à leur perte, c’est tout ce qu’il y a à savoir.

― On doit les aider. Nous sommes des gardiens, notre rôle consiste à protéger tout Ermédia ! Pas seulement les cités célestes.

― C’est justement ce que l’on fait. On le protège des hommes, ils ont déjà saccagé leur territoire.

― À quoi bon être dotés de tels pouvoirs si c’est pour rester dans l’ombre et observer le monde sombrer ?

Asmaël foudroya sa fille du regard.

― Tu t’adresses à ton père, mais aussi à ton roi, lui rappela-t-il. Tu me dois respect et soumission.

Skylar serra ses poings et tenta de reprendre le contrôle de sa colère. Malgré tout, elle échoua à retenir les mots qui s’échappèrent de sa bouche.

― L’es-tu vraiment ? Pourquoi suis-je si différente de toi et de tous les autres ?

Elle s’était posé ces questions toute sa vie, sans jamais parvenir à obtenir des réponses concrètes. Elle ignorait les causes de son mal. Son géniteur avait engendré des dizaines d’enfants. Tous étaient le parfait portrait de leur père ou de leur mère Léondra, la souveraine. Dans son cas, Asmaël l’avait conçue seul. Elle devrait lui ressembler en tout point. Rien n’expliquait sa différence.

Il aurait dû la tuer lorsque son œuf avait éclos. C’était ce que la reine aurait voulu. Au lieu de ça, il avait choisi de cacher son existence. Contrairement à ses frères et sœurs, elle ne vivait pas dans le palais royal. Il avait construit un château rien que pour elle.

L’espace d’un instant, Skylar crut qu’Asmaël allait la gifler tant son regard était sévère. Au lieu de ça, il finit par se radoucir.

― Tu es ma fille.

Cette réponse ne suffisait plus à la contenter.

― Pourquoi suis-je ainsi ? persista-t-elle. D’où vient cette corruption ?

Asmaël s’approcha pour l’attirer contre lui. Les Volziens ne faisaient que rarement preuve de tendresse les uns envers les autres. L’amour s’apparentait à une faiblesse propre aux hommes. Seuls le respect et l’obéissance importaient. Pourtant, un lien très fort unissait Asmaël à Skylar. Parfois, elle avait l’impression qu’il pouvait, lui aussi, éprouver des sentiments.

Le souverain hésita pendant un instant, comme s’il cherchait ses mots. Cela ne faisait pas partie de ses habitudes.

— Tu n’es pas prête. Pour le moment, tu dois rester en sécurité.

La princesse s’écarta abruptement de son père. Elle en avait assez d’entendre continuellement les mêmes discours. C’était de réponses dont elle avait besoin !

― Mais pourquoi ? À cause des hommes ? Vas-tu enfin me dire ce qu’il se passe ? Qu’est-il arrivé à l’Anima ?

Le regard du roi s’obscurcit, il ne s’attendait pas à cette question. Tandis que Skylar s’impatientait, un bruit de moteur les alerta. Père et fille se précipitèrent face à l’arche. Une centaine de navires volants venait de surgir dans l’horizon. Le vrombissement des turbines provoquait un vacarme à peine supportable pour l’ouïe si fine des Volziens.

Skylar avait le souffle coupé. Les vaisseaux étaient plus grands et impressionnants que celui qu’elle avait vu plus tôt dans la journée. D’autres les rejoignaient. Un véritable ballet s’orchestrait dans le ciel. Finalement, beaucoup d’hommes avaient survécu. Ils étaient près d’une centaine par navire.

Alors qu’elle les observait avec fascination, le souverain s’immobilisa. Pendant un instant, il parut déconcerté. Elle lui jeta un regard en coin. Tentait-il de recourir à la magie de création ? Peut-être essayait-il de matérialiser son masque ?

Asmaël, refusant de dévoiler le trouble qui l’assaillait, déploya ses ailes et sauta par-dessus la balustrade. Elle le regarda s’éloigner. Il l’abandonnait encore une fois à sa tour. Elle s’en détourna pour reporter toute son attention sur les navires qui affluaient. Un vif sentiment d’inquiétude la posséda. En gagnant les cités célestes, les hommes trahissaient le principal commandement imposé par les Volziens. S’ils avaient trouvé le moyen de s’élever depuis une dizaine d’années, Skylar n’imaginait pas qu’ils parviendraient à se hisser à une telle hauteur. Même les oiseaux, outre les aigles, échouaient à aller si haut. Sans oublier les nuages qui cachaient les cités, les rendant presque imperceptibles. Leur technologie ne cessait de l’étonner.

Elle remarqua la présence de robots sur certains navires. Ces créatures, entièrement composées de métal, avoisinaient plusieurs mètres de haut. Elles se tenaient sur deux jambes faites d’acier. Le haut de leur corps consistait en une tourelle. Un tel engin de guerre promettait d’infliger des dégâts considérables. Son coeur s’emballa. Et si les hommes étaient venus conquérir leur territoire ?

Skylar sursauta en entendant une détonation. Plusieurs boulets de canon surgirent d’un aéronef pour vriller à travers les nuages. Elle enfonça ses ongles dans la rambarde en voyant l’un des projectiles toucher de plein fouet un Volzien. Pris par surprise, il n’eut pas le temps de matérialiser un bouclier. Avant que ses blessures se régénèrent, un second impact le frappa. Impuissante, elle le regarda chuter. Elle se pencha un peu plus en avant et tendit ses mains vers lui. Il était désormais à son niveau. Elle en profita pour former une sphère protectrice autour de lui.

Tout un escadron de Volziens se déploya. Ils dressèrent un large champ de protection. Asmaël se trouvait à la tête du bataillon. Skylar ne put s’empêcher d’être impressionnée ; c’était la première fois qu’elle le voyait en action. Son père coordonnait les mouvements de ses sujets. Une puissante connexion mentale unissait tous les Volziens. Ils pouvaient ainsi agir à l’unisson. Pour sa part, elle échouait depuis toujours à la percevoir. Elle n’était qu’une spectatrice passive. Cela lui suffit pour comprendre que son peuple entrait en guerre avec les hommes.

Elle assista, incrédule, au début de l’affrontement. Les sept cités offraient bien assez d’espace pour accueillir les hommes. Les deux camps allaient se battre sans raison ! Décidée à corriger cette injustice, elle se précipita sur la porte de sa chambre. Un enchantement la maintenait scellée. Furieuse contre son père, elle tenta plusieurs sortilèges. Sans succès. S’interdisant d’abandonner, une hache se matérialisa entre ses mains. Incapable d’employer tous les pouvoirs Volziens, elle s’entraînait à d’autres techniques en secret. Elle s’était passionnée pour les sports de combat que pratiquaient les humains. Sa magie lui permettait de créer une infinité d’armes. Hélas, elle eut beau se déchaîner, la porte ne flancha pas.

Changeant de stratégie, elle se figura un escalier qui descendrait jusqu’au sol. Rien ne se produisit, le sort d’enfermement l’empêchait de répercuter sa magie à l’extérieur. Toutefois son père n’avait pas scellé l’arche, il savait qu’elle ne prendrait jamais son envol.

Skylar songea un bref instant à sauter. Elle ne risquait pas grand-chose. Son corps recelait de formidables capacités de régénération. Ou elle pourrait voler, glissa une voix intérieure. Le désir de déployer ses ailes la démangeait. Après tout personne ne s’en apercevrait. Mais même pour sauver Neige, elle n’était pas parvenue à s’y résoudre. Elle avait bien failli le perdre à cause de la terreur que suscitait cette simple idée. Prise dans ses pensées, des frissons parcoururent son dos. Ses appendices luttaient pour surgir. Ils possédaient une volonté propre.

De nouvelles détonations se firent entendre. Plusieurs navires venaient de partir en fumée. Les Volziens chargeaient des rayons solaires sur leurs ennemis. Les nuages étaient devenus orange. Skylar en éprouvait la chaleur. Si elle n’y était pas sensible, les hommes s’avéraient bien plus fragiles. Pourtant, ils luttaient fièrement. Ils compensaient leur faiblesse physique par des armures et des boucliers, ainsi que leur absence de pouvoir par des armes à feu, canons et bombes. Leurs navires offraient en outre une excellente protection.

Les troupes d’Asmaël s’affaiblissaient. Malgré leur magie, les Volziens échouaient à stopper les assauts trop nombreux de l’ennemi. Certains projectiles parvenaient à traverser leur défense. À chaque fois qu’un Volzien chutait, un autre venait le remplacer. Les blessés et les morts s’accumulaient, et ce dans les deux camps.

C’en fut trop. Skylar, cessant de réfléchir, se précipita dans le vide, chutant à toute vitesse. Elle voyait le sol se rapprocher dangereusement. Un vif sentiment de démangeaison se répandit dans sa chair. Se préparant à l’impact, elle lutta contre l’instinct de survie qui hurlait en elle. Elle serra les dents. À la dernière seconde, l’urgence de la situation eut raison de sa volonté. De grandes ailes noires surgirent de son dos, déchirant son corset. Composées d’une matière membraneuse, elles prenaient naissance au niveau de ses omoplates. Ses appendices se terminaient sur quatre doigts et un pouce très allongé pourvus de griffes. Si les Volziens avaient hérité d’ailes semblables à celle des oiseaux, les siennes ressemblaient davantage à celles d’une chauve-souris. Le soleil en soulignait les reflets violacés. Skylar, ignorant comment les manier, déclencha des bourrasques avant d’atterrir lourdement sur le sol.

En un instant, elle sentit toutes ses pensées s’effriter. Comme elle le craignait, le mal qui l’habitait la dominait. Elle oubliait déjà ce qui l’avait poussé à sauter, la colère qui sommeillait en elle ne demandait qu’à éclater. L’azur de son œil droit disparaissait à mesure que sa volonté s’effaçait.

Neige apparut dans son champ de vision. Sentant la menace, il l’attaqua pour la faire réagir. Skylar le repoussa d’un geste brutal. Blessé, l’aigle échoua à terre. Son cri désespéré l’atteignit.

— Neige !

Revenue à la réalité, elle replia ses ailes ce qui lui permit de reprendre le contrôle. Elle se précipita vers lui et le saisit délicatement dans ses bras. Heureusement, ses blessures semblaient superficielles.

— Je suis désolée, murmura-t-elle sous le choc.

Ce genre d’incident finissait toujours par se produire lorsqu’elle cédait. Le monstre tapi en elle se révélait à chaque fois plus féroce.

Afin qu’il ne prenne plus le moindre risque, Skylar demanda à Neige de retourner dans la tour. Il valait mieux qu’il reste loin d’elle. Il fallait qu’elle rencontre les hommes et elle devait le faire seule. Chose qui ne tarda pas à arriver. Les murs qui la maintenaient prisonnière explosèrent sous l’impact d’une bombe. Toute la zone trembla. Elle vacilla, manquant de peu de perdre l’équilibre. La détonation l’avait assourdie. Ses oreilles trop sensibles avaient été rudement touchées.

Une centaine d’hommes franchit l’enceinte. La dépouille de leur navire gisait derrière eux. Les survivants, affolés pour la plupart, ne lui laissèrent même pas le temps d’ouvrir la bouche.

— Ne bougez pas ! s’écria un homme.

Il braqua un gros fusil à impulsion dans sa direction. Skylar leva ses deux mains devant elle pour leur montrer qu’elle n’était pas armée et ne comptait pas les attaquer. Cela n’empêcha pas le réfugié de tirer. L’impact traversa le corps de sa cible, dessinant un gros trou qui se reconstitua presque instantanément. Du sang s’échappa de sa blessure, elle éprouva une sensation de brûlure qu’elle s’efforça d’ignorer.

— Je ne vais pas vous attaquer, je ne suis pas votre ennemie, déclara-t-elle en langue humaine.

S’intéressant à ce peuple, Skylar avait appris leur dialecte dans ses moindres spécificités. Les hommes, depuis plusieurs siècles, parlaient une langue commune. Pour la première fois, elle pouvait converser avec un mortel.

L’assaillant resserra l’emprise sur son arme. Fébrile, il tira encore plusieurs fois. Le temps de recharge nécessaire entre chaque tir permettait à la Volzienne de s’avancer tout en se régénérant.

— Je veux juste vous parler !

L’homme ne l’écoutait pas. Arrivée à son niveau, elle s’empara de son arme et la jeta à terre.

Des dizaines d’hommes et de femmes braquèrent leurs pistolets sur elle.

— Arrêtez, je vous en prie. Je ne suis pas là pour me battre. Je veux vous aider.

― Nous aider à mourir plus vite ? tonna une femme.

― Écoutez-moi ! Si vous continuez ainsi vous allez tous périr. Vous ne pouvez pas nous vaincre. Vous devez partir d’ici au plus vite !

― C’est ce que vous croyez, intervint un homme.

Sa voix forte et autoritaire laissait transparaître toute la haine qu’il éprouvait. Skylar voulut se retourner, mais l’inconnu était plus près qu’elle ne l’imaginait. Il plaqua un pistolet à double canon contre son cou.

― Me menacer ne sert à rien. Vos armes ne peuvent pas me blesser !

― Cette arme est différente.

Elle sentit qu’il l’avait déjà activée. Des picotements glacés chatouillèrent sa nuque, pour progressivement se transformer en brûlures ardentes.

― Je suis la fille du roi. Je suis venue vous parler dans l’espoir de trouver un compromis. Si vous me tuez, mon père fera tout pour me venger.

— Nous n’allons pas vous tuer. Pas encore.

Le cou de Skylar était en feu. Ignorant la menace, elle se tourna pour lui faire face, découvrant ainsi les deux canons desquels s’échappaient des filaments bleus et rouges. Ils s’entremêlaient jusqu’à former un faisceau de lumière aveuglant. Le trait grossissait de seconde en seconde, émettant de légers grésillements. L’humain, de taille moyenne et plutôt frêle, s’avérait en revanche beaucoup moins intimidant. Il ne devait avoir que la cinquantaine, mais de nombreuses rides marquaient déjà son visage. De gros cernes apparaissaient sous ses yeux bruns. Malgré l’agressivité dont il faisait preuve, elle le devinait terrifié.

— Si vous partez d’ici, je pourrais raisonner mon père ! Vous devez me croire.

— Pour nous aider, il aurait fallu empêcher la destruction de notre monde.

Un sourire cruel ornait ses lèvres. L’éclat de ses yeux exprimait une satisfaction malsaine ; il voulait la voir souffrir.

— Dites-moi au moins qui vous êtes, le questionna Skylar en s’efforçant de conserver son calme.

— Gydrym Domor. Le souverain d’Haron, le plus grand royaume d’Ermédia, lui révéla-t-il en la toisant du regard. Du moins avant que vous ne le détruisiez.

Il lâcha la gâchette, le halo se résorba aussitôt. Il sortit ensuite de sa poche une petite bombe qu’il lança aux pieds de la Volzienne. L’objet dégagea un épais nuage de fumée. Le dirigeant en profita pour s’éloigner. La seconde suivante, le gaz forma plusieurs petits éclairs. Skylar tenta d’ériger un bouclier pour se protéger. Elle avait réagi trop tard ; un champ de force l’entourait. Déconcertée, elle le toucha du bout des doigts, il n’y avait aucune faille. Elle était de nouveau prisonnière.

— Je suis désolé pour ces désagréments, c’est la seule manière possible de nous aider, fit mine de s’excuser Gydrym.

Il l’observait de l’autre côté de la barrière. Une lueur de satisfaction brillait dans son regard.

― Vous ne pourrez rien obtenir de notre roi en le menaçant.

― Je ne pense pas qu’il prendra le risque de perdre sa fille, si du moins vous l’êtes véritablement. 

Gydrym finit par se détourner de la captive. Révoltée, elle attaqua la paroi de sa prison, tantôt en faisant crépiter des éclairs, puis des flammes. Rien ne fonctionna, ses attaques lui étaient systématiquement renvoyées. Skylar maudit son imprudence. Elle regrettait aussi la stupidité des hommes. Elle était venue à eux dans le but de les protéger. Au lieu de l’écouter, Gydrym en avait profité pour la capturer. Et s’ils n’aspiraient qu’à détruire les Volziens ? Alors qu’elle était persuadée de vouloir aider les humains, le doute l’envahit.

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Commentaires récents

Or

« On a pas de magie mais on a des gros flingues » comme aurait dit mon adjudant-chef. Redécouvrez l'éternel affrontement entre technologies et sortilèges à la lecture de cette fresque fantasy épique teintée d'une réjouissante esthétique steampunk.

Accrochez-vous dès le début, car le roman s'ouvre sur un prologue apocalyptique qui démarre en trombe, avec la rencontre fracassante de plusieurs mondes, tous également condamnés. On passe quasiment sans transition d'un problème indéterminé au chaos le plus total, dans un scénario assez addictif, où se succèdent mystères, résolutions entraînant de nouveaux mystères, sans nuire à une action bouillonnante. Le style dont le rythme saccadé n'empêche pas une sobre élégance, tout en spontanéité, correspond bien au rythme frénétique de l'ensemble.

La connaissance de l'Univers est distillée à doses mesurées, suffisamment précises toutefois pour marquer le lecteur, grâce, notamment à une cohérence des mondes étonnante.

Oubliez toutes les lois étriquées de la physique, préparez-vous à découvrir une, voire des, magies très élaborées, dont l'auteur parvient à éviter les écueils habituels du genre (incohérences et raccourcis, pour ne citer qu'eux).

Le bestiaire est éminemment fourni ; grâce entre autres aux transformations multiples (immédiates, latentes, physiques, psychologiques, intimes ou universelles) que subissent ou développent les personnages. L'évolution est ici l'une des thématiques transversales de ce premier tome, qu'il s'agisse de celle de l'Univers ou des personnages.

Ces derniers sont d'ailleurs bien décrits, mais surtout fouillés psychologiquement. Une mention spéciale au personnage fascinant de Skylar dont la condition particulière (ainsi que ses conséquences morales) est amenée avec brio, et tout aussi bien développé. Mais on évite tout de même les lenteurs, car, ici, avant tout, c'est la guerre et ça se castagne dans tous les coins.

Les nombreux combats qui parsèment l'ouvrage sont rythmés, bien mis en scène, surtout aisés à visualiser. Qu'il s'agisse de rois-divins armés de lames transcendantes, de simples humains munis de lances-roquettes, de pseudos zombies, de navires volants ou de dragons, chaque bataille et chaque duel sont représentés avec talent.

Dans l'esthétique générale du roman, je n'ai déploré (et encore) qu'une certaine brièveté dans les descriptions des lieux, ce qui laisse toutefois libre cours à votre imagination. Mais il ne faut pas s'arrêter à ce qui n'est au fond qu'un détail qui préserve le tempo allegro de l'oeuvre, car les différentes ambiances, qui vont de l'onirique à l'horrifique, sont par contre fort bien posées.

Sa force principale réside, à mon sens, dans la multiplicité des points de vue servie par les alternances d'un monde à l'autre entre chapitre. Avec des personnages non manichéens, présentant forces et faiblesses, on finit par se demander qui sont les véritables monstres, et en déduire finalement, qu'à cause d'un mélange d'ignorance, d'ambitions et de défiance, le véritable monstre se trouve au fond de l’œil de chacun.

On ne peut choisir de camp dans cette œuvre à la cadence effrénée, fourmillante de créativité, qui vous transporte, à coups d'ailes écaillées ou d’aéronefs d'acier, au cœur de plusieurs mondes ravagés, ou subsiste, malgré tout, un faible espoir... Pour moi, celui de découvrir le tome 2 sans plus attendre.

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Diamant

Dès que j'ai commencé le livre je savais que j'aimerais la suite du roman , se livre et fantastique, pleine d'aventure est énormément de magie qui entoure ce monde, tout cela pour que ce livre soit fabuleux. L'univers et le personnage sont très bien décriés, assez pour les imaginer les navires ont l'aire fabuleuse d'après leur description .J'ai adoré l'héroïne (skylar) ces sentiments, ces décisions ...L'univers où se passe l'histoire est basé dans le ciel , ce qui est super et qui change quand l'histoire est sur terre.

Je vous conseille énormément ce livre plein de magie et de mystère. C'est difficile de faire une pause entre les chapitres on veut tellement connaitre la suite. J'ai adoré ce premier tome et j'ai hate de dévorer le deuxième tome.

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Il n’y a rien à redire, j’ai adoré ! Il n’y a pas de descriptions inutiles ni de longueurs, on ne s’ennuie pas ! C’est vraiment addictif et prenant. Difficile à lâcher car dès qu’un chapitre est fini, il nous tarde d’avoir la suite. La fin est arrivée plus vite que prévue ! Neram m’a beaucoup émue. En tout cas, ça a été une très belle surprise, l’auteure a beaucoup d’imagination. Skylar est forte et courageuse et je me projette très bien dans cet univers. J’adore la complicité entre elle et Neige ( son aigle ), j’aimerais tellement en avoir un similaire. Les décors sont magiques, l’intrigue très bien ficelée et l’histoire très bien écrite. On ne s’y perd pas avec tous les personnages et les lieux car pour aider, l’auteure a mis un récapitulatif à la fin du livre. Je savais dès le début que j’allais l’aimer, car je suis une fan de fantasy. Je le recommande sans hésitation ! Encore merci à @isabelle_maurel_auteure pour la découverte !

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Dès les premières lignes, je savais que cette histoire me plairait parce que non seulement elle était très bien écrite et fluide, mais en plus elle entrait pile dans mon domaine de prédilection. Je suis tout bonnement fan de la fantasy ! J’ai été happée, autant par Neram que Skylar, et j’ai adoré la fragilité de l’héroïne. Elle a des réactions humaines et réalistes malgré son côté divin, et son affinité avec son aigle (prénommé Neige) est juste exquise.

Je me suis laissée entraîner par les lignes, j’étais transportée dans les nuages, sur les navires volants, voguant d’îles en îles célestes. Tout était parfaitement maîtrisée. Les bases étaient posées dès le départ, les réponses aux questions arrivaient à point nommé. MAIS ALORS CETTE FIN ? Pardon ? Je pense qu’Isabelle va devoir me rendre des comptes. Je n’ai pas pour habitude de verser des larmes sur un roman, mais cette fois, je n’ai pas pu y échapper. Pauvre Neram… J’avoue que j’y avais déjà songé plusieurs fois, mais je ne pouvais pas croire que ça pouvait lui arriver, pas à lui !

En tout cas, je recommande chaudement cette pépite, et même si ce tome 1 vient juste de sortir, je suis déjà impatiente de lire la suite qui promet d’être haut en couleurs !

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Activité récente

Les chiffres

lecteurs 2
Commentaires 4
extraits 1
Evaluations 1
Note globale 8 / 10

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