Extraits

À Fardy's Land, les étés étaient toujours trop courts, les hivers trop longs et les printemps et les automnes quasi inexistants. C'était comme ça, il fallait s'y faire, si l'on voulait vivre sur l'île. C'était pire près des côtes! Cedric n'appréciait pas beaucoup la neige, les plaques de glace, la gadoue et les froids mordants de la saison. Sa grand-mère lui reprochait sans cesse de ne pas mettre le nez dehors.

- Tu devrais profiter du grand air! disait-elle. Tu pourrais faire du ski ou de la luge, c'est si amusant!

Les orteils gelés, les lèvres gercées, la morve séchée l'étaient moins, par contre. Ayant tendance à choper des maux de gorge et des rhumes facilement, Cedric préférait de loin rester à l'intérieur devant un bon feu de foyer, avec un bouquin et un chocolat chaud, que de construire des bonshommes de neige et des igloos.

C’est fou le nombre de fois où les gens nous disent " je sais ce que tu ressens ", quand ils n’en ont absolument aucune idée.

Je sais que ça ne s’apparente aucunement au deuil que tu traverses, mais sa mort m’a fait réaliser que lorsqu’on perd une personne aimée, elle ne nous quitte jamais totalement. On ne peut pas la voir mais elle est là. Il faut simplement s’habituer au silence et au vide

Tandis qu’elle épongeait doucement, presque avec tendresse, le sang que Robby avait au coin des lèvres, Cedric resta en retrait. Son frère leva un regard affligé vers Maggie et articula :

— J’étais si bien.

— Bien ? Où ça ?

— J’étais sur cette patinoire avec… lui.

Maggie suspendit son geste.

— Je ne sais pas où j’étais, mais j’y étais. Les gens que j’aimais allaient s’en sortir sans moi, je le savais. J’étais heureux et accompli. Alors qu’ici… ici, il fait si froid, tout est sombre et douloureux et triste.

Cedric n’avait jamais vu Robby dans cet état, il était habituellement un garçon fort, sarcastique, blagueur et pas du type à montrer ses émotions. Assister à cette scène était pénible, il était plus vulnérable qu’un enfant.

— Je suis désolé, Maggie.

Ses yeux se remplirent d’eau et Cedric constata l’ampleur de sa souffrance, chaque respiration semblait difficile. Maggie fit glisser son pouce sur sa joue et épongea ses larmes. D’une voix chevrotante, elle dit :

— Je te pardonne