Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 416
Membres
1 011 980

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

Selon les prophètes ezzariens, les dieux livrent leurs combats dans les âmes humaines et si ce champ de bataille déplaît aux déités, elles le transforment à leur gré. Je le crois. J’ai vu l’un de ces affrontements, et l’une de ces métamorphoses, telle qu’elle ne peut procéder que de la volonté des dieux. Ce n’était pas mon âme qui était impliquée – Verdonne et Valdis soient loués, comme tout autre dieu qui pourrait m’entendre narrer cette histoire – mais je ne suis plus celui que j’étais avant d’en être témoin.

Afficher en entier

Le prince Aleksander avait hérité l’intelligence et l’autorité d’une famille royale qui avait régné sur un empire en constante expansion pendant cinq cents ans, et qui avait été assez intelligente pour ne pas s’affaiblir par des mariages consanguins ou des guerres intestines. Les nobles derzhi de la plus ancienne extraction, et leurs épouses, détestaient son manque de respect alors même qu’ils poussaient sur son chemin leurs filles bonnes à marier. Les membres de la noblesse plus récente, qui n’étaient pas eux-mêmes des parangons de vertu, le considéraient comme un jeune homme charmant car il leur permettait de partager avec lui des divertissements grandioses, même si leur opinion était sujette à changement lorsqu’ils se trouvaient en butte aux caprices du prince et à son tempérament irascible. Les commandants militaires derzhi l’estimaient capable, comme l’exigeait son héritage, mais la rumeur courait que le poste d’adjoint militaire de ce prince irréfléchi et obstiné se tirait au sort, et revenait au perdant. Aux gens du commun, bien entendu, on ne permettait pas d’avoir une opinion sur la question. Pas plus qu’aux esclaves.

— Tu dis que celui-ci sait lire et écrire ? dit le prince au marchand d’esclave suzaini (après avoir examiné mes dents et tâté les muscles de mes bras et de mes cuisses). Je pensais que seules les Ezzariennes apprenaient à lire, et ce uniquement pour déchiffrer les recettes de potions et de sortilèges. J’ignorais que c’était permis aux hommes. (Puis, tout en tapotant mes parties de sa cravache, il se pencha vers ses compagnons pour émettre l’habituel commentaire humoristique sur la castration des esclaves ezzariens :) Aucunement nécessaire. La nature y veille déjà lorsqu’ils naissent mâles en Ezzarie.

— Oui, Monseigneur, il sait lire et écrire, déclara le Suzaini obséquieux, tandis que sa barbe tressée de petites perles cliquetait au rythme un peu bredouillant de ses paroles. Celui-ci possède de nombreuses qualités qui le rendraient apte à vous servir. Très civilisé pour un barbare, avec de bonnes manières. Il peut tenir les comptes, servir à table ou exécuter de lourds travaux, comme il vous plaira.

— Mais a-t-il subi les rituels ? Aucune de ces absurdités magiques dans sa tête ?

— Non, aucune. Il sert depuis la conquête. Il est passé par les rituels le premier jour, je dirais. La Guilde s’assure toujours de traiter les Ezzariens. Il n’y a plus de sorcellerie en lui.

Non, en vérité. Plus du tout. Je respirais toujours. Mon sang coulait toujours dans mes veines. C’était à peu près tout ce qui restait.

Encore quelques autres manipulations brutales de la part du prince.

— Il conviendrait d’avoir dans ma maison un esclave possédant un semblant d’intelligence, soit-elle barbare.

Le marchand me lança un regard d’avertissement foudroyant, mais un esclave apprend vite à choisir les points d’honneur pour lesquels il est prêt à souffrir. À mesure que passent les années de servitude, ceux-ci se font de plus en plus rares. J’étais esclave depuis seize ans, presque la moitié de mon existence. De simples mots ne pouvaient me hérisser.

— Mais qu’est ceci ? (J’essayai de ne pas sursauter lorsque la cravache toucha mon dos lacéré.) Tu m’as dit qu’il avait de bonnes manières. Pourquoi ces marques, s’il est si vertueux ? Et pourquoi son propriétaire s’en débarrasse-t-il ?

— J’ai des papiers, Votre Altesse, où le baron Harkhésian atteste que cet esclave est le meilleur et le plus obéissant qu’on puisse trouver, doté de toutes les qualités que j’ai décrites. Il ne s’en débarrasse que pour rétablir ses finances et indique que les marques proviennent d’une erreur et ne devraient pas être retenues contre cet esclave. Je ne comprends pas, mais vous pouvez voir le sceau de ce seigneur sur mes papiers.

Le marchand d’esclave ne pouvait pas comprendre, évidemment. Le baron se mourait. Ce vieux guerrier, que j’avais servi ces deux dernières années, avait décidé de me vendre plutôt que de me laisser devenir la propriété de sa fille unique, une femme qui prenait un plaisir singulier à maltraiter ceux qu’elle ne pouvait contraindre à l’aimer. Choisir qui j’aimerais était l’un de mes derniers points d’honneur. Nul doute qu’il s’effriterait comme tout le reste, si le temps m’en était donné.

— S’il ne vous convient pas, peut-être que l’un des autres…

Les petits yeux du marchand d’esclaves parcouraient nerveusement l’enclos dénudé et la dizaine de spectateurs impatients. Aussi longtemps que le Prince me manifesterait de l’intérêt, personne n’oserait lancer une enchère et il faisait tellement mauvais ce jour-là qu’il n’était pas certain qu’il resterait quiconque pour acheter les quatre autres pauvres hères blottis dans un coin.

— Vingt zénars. Fais-le livrer à mon maître-esclave.

Le marchand était horrifié.

— Mais, Votre Altesse, il en vaut au moins soixante !

Le prince adressa à l’homme un tel regard de patience poussée à bout que toute personne sensée aurait vérifié qu’on ne lui pointait pas un poignard dans le dos.

— Je réduis de cinquante parce qu’il est endommagé. Avec ces cicatrices sur le dos, je devrai le tenir mieux vêtu. Mais je te donne dix de plus parce qu’il sait lire et écrire. N’est-ce pas équitable ?

Le marchand d’esclaves admit sa défaite, et vit le danger qu’il courait. Il se prosterna.

— Bien sûr, Votre Altesse. Équitable et sage comme toujours. Vingt zénars.

Ce marchand, j’en avais le sentiment, réserverait une mauvaise surprise à l’ami bien intentionné qui avait signalé au prince la mise aux enchères d’un esclave érudit.

Le prince se trouvait en compagnie de deux autres jeunes gens. Ils ressemblaient à des oiseaux bariolés dans leurs vêtements de soie et satin multicolores, leurs ceintures en chaîne d’or, avec des dagues et des épées si travaillées, si décorées de bijoux qu’elles devaient être totalement inutiles. À la vue de leur expression molle et de leurs yeux trop rapprochés, je me demandais s’ils avaient la moindre idée de l’usage de ces armes. Le prince lui-même, mince et élancé, portait une camisole sans manches de soie blanche, des culottes de peau de biche teinte en brun foncé, des bottes hautes et un manteau de fourrure blanche qui ne pouvait être qu’une peau d’ours argenté de Makhara, la plus belle et la plus rare fourrure au monde. Une natte unique rassemblait ses cheveux roux sur son épaule droite – la tresse des guerriers derzhi – et il portait peu de bijoux : des cercles d’or martelé aux bras, et une seule boucle d’oreille d’or sertie d’un diamant valant probablement davantage que tous les colifichets de ses coquets compagnons.

Le prince administra une tape sur le bras de l’un de ces compagnons si élégamment vêtus :

— Paie-le, Vanye. Et pourquoi n’emmènes-tu pas cette créature ? À l’exception de ces cicatrices, il est bien plus avenant que toi. Il fera bien dans mes appartements, ne crois-tu pas ?

Le jeune noble au visage grêlé et au menton fuyant, dans son satin bleu et ses plumes de coq, en resta bouche bée, saisi d’une stupéfaction horrifiée. Et il y avait de quoi. Par cette seule phrase, le prince venait de bannir à jamais messire Vanye de la société derzhi. Non pas à cause d’un commentaire public et humiliant sur ses défauts physiques, mais pour avoir été chargé de s’occuper d’un esclave, tâche à peine moins indigne que la préparation des cadavres avant leur incinération, et un peu plus que le dépeçage des animaux. Tandis que le prince se détournait pour franchir la barrière d’un pas nonchalant, l’homme sans menton tira sa bourse et jeta des pièces aux pieds du marchand d’esclaves, avec l’expression de qui vient de mordre dans un fruit de dakh trop vert. L’efficacité avec laquelle Aleksander pouvait, en cinq brèves minutes, détruire un ami, insulter un marchand de renom et escroquer un baron influent, était stupéfiante.

Moi, à la manière des esclaves, je ne voyais pas plus loin que l’heure suivante. Plutôt que passer une journée entière enchaîné à un mur du marché aux esclaves, par un temps aussi maussade, j’avais la perspective d’être vêtu et à l’abri presque immédiatement. Je ne m’en sortais pas si mal. C’était loin d’être mon pire jour d’enchères.

Mais, comme cela arriverait souvent dans les mois à venir, j’eus à récolter ce que la désinvolture du prince Aleksander avait semé. Le marchand d’esclaves furieux déclara qu’il n’avait pas le temps de remplacer l’étroit collier, les chaînes de bras et les entraves serrées conçus pour rassurer les délicates acheteuses d’esclaves, et il refusa de fournir ne fût-ce qu’un pagne pour me couvrir. Mon périple à travers les foules de cette cité cosmopolite, nu sous la pluie glaciale, sautillant frénétiquement derrière la monture de sire Vanye pour éviter d’être traîné, n’avait rien à envier aux événements les plus grotesques de ma longue captivité.

Quant au seigneur sans menton… eh bien, se trouver physiquement à la merci d’un homme qui se considère comme extrêmement maltraité n’améliore en rien votre situation. Et quand cet homme se croit ingénieux mais ne l’est pas, la situation peut considérablement empirer. Au lieu de me livrer directement au maître-esclave du prince, sire Vanye m’emmena à la forge du palais et ordonna au forgeron de me marquer du sceau royal… sur le visage.

J’expirai avec horreur le peu de souffle qui me restait. Le jour de leur capture, tous les esclaves étaient marqués au fer d’un cercle traversé d’une croix, mais toujours sur l’épaule, comme je l’avais été, ou sur la cuisse. Jamais au visage.

— C’est un fugitif, alors ? dit le forgeron. Le prince Aleksander ne fait marquer que ceux-là de cette manière. Il n’aime pas la laideur, même chez les esclaves destinés aux mines.

— Non, je suis seulement…, essayai-je de protester, mais Vanye me fit taire à l’aide d’une barre de fer qu’il tripotait depuis notre entrée dans la forge.

— Vois-tu les marques de fouet sur son dos, et comme nous avons dû l’enchaîner tel un chien sauvage ? Bien sûr que c’est un fugitif.

— C’est un Ezzarien. Durgan dit que…

— As-tu peur d’un tel déchet rampant ? La seule magie qui va avoir lieu ici, c’est lorsque je ferai de toi un eunuque à la langue coupée pour ta désobéissance. Obéis, maintenant.

Le coup que Vanye m’avait assené sur la tête m’avait assommé, mais je regrettai bientôt qu’il n’ait pas frappé plus fort. Se réclamant d’une longue expérience des caprices princiers, le forgeron hésitant n’utilisa que son plus petit fer pour me marquer la pommette gauche du sceau de la maison royale. Le plus gros fer aurait mis à nu l’os et les dents, créant assez de dommages pour que l’infection s’y installe et dévore ce qui serait resté de tissu sain. Mais en cet instant, mes pensées n’étaient pas à la gratitude.

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode