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J’en profite pour me dégourdir les pattes et courser un écureuil effronté, pisser contre un arbre, et me rouler dans l’herbe froide et humide, trempée par les écharpes de brumes qui noient par moment le paysage dans une opacité fantomatique. Que c’est bon ! Langue pendante, j’absorbe toutes les odeurs de la forêt, si proche. Mon loup est heureux, je suis heureux. Spontanément, je tends mon museau vers le ciel blafard et laisse échapper un hurlement de joie, aussitôt maîtrisé. Aucun compagnon ne me répond, mais avant que je n’aie le temps de m’en désoler, Dimitri ouvre la porte de la maison, son flingue en main, les yeux en alerte. Il balaye rapidement le terrain des yeux, sur le qui-vive, avant de reporter son regard sur moi, et de froncer les sourcils, passant de la frayeur à la colère en un battement de cil. Je baisse le museau, oreilles collées sur mon crâne, penaud.

— Méchant, méchant chien ! chuchote-il, avant de faire demi-tour et de disparaître de nouveau dans les entrailles de la grande maison de bois.

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Je ne sais lequel des deux bouge en premier, mais soudain je suis dans ses bras et il est dans les miens, et je le serre à l’étouffer, enfouissant mon nez dans son cou et respirant son odeur à pleins poumons, comme un drogué en manque. Et c’est ce que je suis, en manque de lui ! Il attrape mon visage des deux mains et plaque ses lèvres sur les miennes, brûlantes, exigeantes, dévorantes. Ce baiser est le détonateur qui allume un brasier dans mon corps. Les doutes, la peur, la loyauté à la meute, tout est consumé et il ne reste que lui, son goût, sa saveur, son exigence et son besoin affamé qui rejoint le mien et l’alimente. Seigneur, je le veux, je veux cet homme comme je n’ai jamais rien voulu d’autre ! Je veux le prendre, le faire mien, le revendiquer, l’emmener dans ma tanière et ne plus jamais le laisser sortir.

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Il détache sa ceinture de sécurité et attrape un petit carnet dans la poche intérieure de son blouson. Et une paire de lunettes qu’il glisse sur son nez, tandis qu’il allume le plafonnier.

— Quoi, fait-il, l’air impatient.

— Tu portes des lunettes ? je dis, maudissant la stupeur dans ma voix. Je me fais l’effet d’un louveteau sans manières, face au regard qu’il me jette au dessus des verres.

— Oui. Et ?

— Non, non. Rien.

— Dis-le, je sens que ça te chatouille !

— Ça... hum, je me racle la gorge, avant de reprendre, ça te va bien. Très bien même.

Ouais, j’avais aucune idée que des lunettes pouvaient rendre un gars encore plus sexy. J’avais aucune idée que des putains de lunettes pouvaient me foutre la trique !

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Léo vient me saluer, joyeux, remuant la queue et souriant de tous ses crocs tandis que la vieille louve grise couchée dans l’herbe s’amuse à renverser du bout du museau le bébé loup avant de le lécher doucement. Je renifle mon compagnon, puis explore ce nouveau territoire. L’odeur de la louve est partout, et celles d’autres loups aussi. Pas de notre meute, mais pour le moment personne ne me chassera de ce territoire. Alors j’en profite et lève la patte sur les arbres du petit bois. Puis j’appelle Léo d’un bref jappement pour jouer. Il arrive en trombe, me mord l’oreille. Je grogne et me jette sur lui à mon tour. Nous jouons, mordant, grognant et jappant, faisant claquer nos mâchoires en un faux combat amical, roulant au sol, nous relevant, bondissant et feintant, puis je pars ventre à terre, traversant le parc comme une flèche, Léo à mes trousses, silencieux et heureux comme moi. Y a rien de meilleur que d’être un loup !

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Extrait ajouté par LadyB 2017-06-13T15:46:51+02:00

- Tu me mords et t’es mort !

- Techniquement, je le suis déjà, chiot. Ne t’inquiète pas, mes morsures ne seront que celles d’un amant. De toute façon, je ne bois pas de sang animal, seulement du sang humain.

- Sale con ! T’es pourtant prêt à me baiser !

- Oh oui, je le suis ! Et toi es-tu prêt pour moi, chiot ?

- Arrête de m’appeler comme ça !

- Arrête de m’appeler suceur de sang !

- Tu préfères suceur de bites ?

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« Il m’embrasse avec dureté, comme pour me punir, avant de souffler contre mes lèvres :

— Est-ce que c’est le seul moyen de te faire taire ?

— Pas le seul mais un de ceux que je préfère.

— Je reconnais que ça n’est pas déplaisant. Faisons une trêve, petit loup.

— Une trêve ?

— Juste du sexe et de la luxure. Pas de mots blessants, pas de crocs aiguisés plantés dans nos gorges. Ni loup ni vampire cette nuit, juste deux hommes.

— Juste deux hommes, je murmure en signe d’assentiment, absurdement heureux tout d’un coup. »

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— Nous avons un vol pour Washington ce matin, tu te rappelles ? Rien n’a changé. Si je pouvais...

Le regret dans sa voix me serre le cœur. Ne me fais pas ça, enfoiré ! Ne me fais pas regretter ce que nous ne pourrons jamais avoir. Je ferme les yeux quelques secondes, le temps de renfermer tous ces sentiments bien au fond de moi, dans leur cage, là où ils doivent rester.

—Non, c’est bon. Vas-y. Tu n’as pas le choix. Ta reine t’attend.

— On a toujours le choix.

Il caresse ma joue mal rasée, ses yeux rougis par la fatigue m’observent comme s’il cherchait à graver mon visage à tout jamais dans sa mémoire. Peut-être est-ce le cas. Combien y a t-il eu de gars comme moi dans sa vie ? Ou de femmes. Combien d’amants dans sa collection d’amours mortes ? Combien de fois peut-on aimer une personne, et la perdre, aimer, et perdre encore, quand on vit tellement plus longtemps que tous les autres, avant de ne plus oser aimer ? Je ne peux pas penser à ça maintenant, je ne le veux pas.

— Pas toujours, non. Ne t’en fais pas pour moi, ça va aller. Merci. Merci pour cette nuit, pour ta présence. Prends soin de toi, à Washington.

— Oui, je le ferai. Prends soin de toi également, mon loup.

Il pose un dernier baiser sur mes lèvres, léger comme un papillon et quitte silencieusement ma chambre. Je pose mes doigts sur ma bouche, comme pour conserver plus longtemps le contact, puis replie mon bras sur mes yeux fermés.

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Ces cris qui répondent aux miens, nos voix qui s’entremêlent, nos odeurs si masculines, musquées, indissolublement liées avec l’odeur du sexe et de la luxure, ça me transporte, me perd, me chavire. Je bascule, en criant son nom, au moment où ses lèvres se referment sur ma gorge, ses canines pointues égratignant ma chair, sa langue suivant le tracé palpitant de ma jugulaire, jusqu’à ce qu’il morde enfin, ses crocs dans mon cou, aspirant mon sang.

Et je sens, je le sens lui, son pouls battant follement, nos cœurs affolés à l’unisson, je sens le froid de la neige et son doux craquement sous mes pas, le lac gelé sous le soleil de mon enfance humaine, le sang des humains qui coule dans ma gorge, le parfum de la taïga au printemps et le bruissement des abeilles, j’entends ma baba qui me chante une berceuse, et je vois le sourire d’Elisavetta. Je jouis, comme je ne l’ai jamais fait, tellement fort que je crains que mon âme ne quitte mon corps. Je me vide à grandes saccades entre nos corps joints, scellant nos peaux avec mon sperme autant qu’il scelle notre union de mon sang.

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Et parce que je le crois, je me laisse aller dans la chaleur de son étreinte. Je laisse sortir mes démons, mes terreurs et même quelques larmes, et je n’en ai pas honte, car il est mon frère d’arme. Un guerrier comme moi, qui comprend. Il me tient dans ses bras comme j’ai tenu parfois certains de mes compagnons d’unité, là-bas, au front, comme j’ai rêvé qu’on me tienne aussi. Ainsi qu’il l’a promis, il ne me lâche pas, jusqu’à ce que j’arrête enfin de trembler et de bégayer. Et même alors, il reste à mes côtés, allongé contre moi dans mon lit. Dans la noirceur de la nuit, nous nous chuchotons nos secrets sur ces démons qui nous hantent. Des confidences de soldats, qui s’évaporeront à la lumière du jour. Ces choses intimes, si masculines, si difficiles à dire, mais parfois impossible à taire. Quand nos chuchotements à leur tour s’éteignent, alors il ne reste plus que nos souffles mêlés.

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Extrait ajouté par Kanon 2017-01-12T12:37:45+01:00

"Je me suis perdu mais je n'ai pas peur, car je crois que je me suit trouvé."

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