Les Loups gardiens, Tome 8 : Son loup alpha

Barrett Middleton était en enfer.

La douleur le traversait de toutes parts. Il avait l’impression que des éclairs aveuglants couraient le long de ses nerfs et que son corps était consumé par les flammes.

Malgré la souffrance indescriptible, c’était sa poitrine qui semblait le faire le plus souffrir.

Il essaya de soulever ses paupières lourdes, mais comprit rapidement qu’il en était incapable.

Il était en enfer, entouré par les ténèbres et coincé dans la souffrance éternelle.

Il essaya de se rappeler ce qui s’était passé et ce qui l’avait conduit dans ce purgatoire, mais il n’avait plus aucun souvenir. Il avait envie de crier et de hurler, mais ne parvint qu’à déglutir. La douleur le fit grimacer.

Apparemment, quelqu’un avait mis des tessons de verre dans sa gorge.

Il essaya de lever le bras, mais son corps refusa d’obéir. Son cœur se serra.

Merde. Peut-être qu’il ne pouvait pas bouger parce qu’il était paralysé.

Une main fraîche se posa sur son cou et des doigts fins appuyèrent près de sa gorge.

— Tu devrais vraiment rester immobile. Je vois que tu essaies de bouger, ton cœur bat plus fort, murmura une voix féminine près de son oreille.

Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Il essaya de forcer sa bouche à former les mots.

— Et ce n’est pas la peine d’essayer de parler, tu ne peux pas. Pas encore, du moins, ajouta-t-elle.

Putain, qui était-ce, et pourquoi sa voix était-elle si familière ?

— On dirait que ça va juste être toi et moi pendant un moment, loup. On va être bien, tous les deux.

Elle appuya ses lèvres contre son oreille et aspira son lobe dans sa bouche tiède.

La main se leva de son cou, descendit entre ses jambes et se posa sur son sexe.

Le cœur de Barrett se mit à battre plus vite. Pour la première fois de sa vie, il se sentait impuissant et vulnérable.

— J’ai des vues sur toi depuis un sacré bout de temps, Barrett. On va avoir l’occasion d’apprendre à se connaître un peu mieux pendant que tu guéris, susurra-t-elle.

Il se sentit un peu nauséeux.

— Éloigne-toi de lui, sorcière, grommela une voix qu’il reconnut.

Ryker. Dieu merci.

Elle enleva sa main et, d’après le bruit de ses pas, s’éloigna.

— Je le mettais juste à l’aise.

— À l’aise ? Avec ta main sur sa bite ? Ça m’étonnerait.

— En attendant de pouvoir sortir de cette grotte, on va devoir apprendre à cohabiter, dit-elle d’une voix traînante. Et si tu joues bien tes cartes, on pourrait même apprendre à très bien s’entendre, tous les deux.

Ce n’était pas l’enfer. Une grotte. Ils étaient dans une espèce de grotte.

— Aucune chance. Je ne couche pas avec les sorcières psychotiques, lâcha Ryker. Tu me lancerais sûrement un sort pour me faire tomber la bite. Et si je te revois en train de tripoter Barrett, je te coupe la main, putain.

— Je suis pas psychotique ! J’ai un trouble de la personnalité.

Merde. Il était coincé dans une grotte avec une sorcière tarée et un Gardien au caractère de cochon. L’enfer semblait une option de plus en plus préférable.

— Psychotique ou pas, tu dois contrôler ce foutu chat. Il a défoncé ma veste en cuir avec ses griffes ! s’énerva Ryker.

— Elle s’ennuie, c’est tout. Et puis, je ne contrôle pas Nyx.

— Ella, je te préviens. T’as intérêt à garder ce chat loin de moi et de mes affaires, sinon je lui fais la peau !

Ella. Ça lui revenait, à présent. La sorcière de Yazoo City. Elle s’était échappée du cimetière dans le Mississippi quand il avait envoyé Lucien la voir pour obtenir des informations sur les disparitions de Gardiens. Elle avait été condamnée à passer l’éternité dans ce cimetière, mais avait réussi à s’échapper avec un peu de magie et de sang.

De brèves scènes apparurent sous ses paupières closes.

La sorcière.

Edward Boudier.

Jaxon.

La dette de sang.

Soudain pris de hauts-le-cœur, il eut envie de rouler sur le flanc pour vomir.

Il se souvenait de tout.

Le Grand Tribunal avait reconnu Jaxon coupable et Barrett s’était acquitté de la dette de son Gardien. Il l’avait payé de son propre sang.

Ses muscles se bandèrent.

Ça n’avait aucun sens. S’il était mort, pourquoi Ryker et cette satanée sorcière étaient-ils avec lui ? À sa connaissance, ils n’étaient pas morts.

— On va devoir rester là combien de temps ? demanda Ella en soupirant.

— Tu te plains ? Je te rappelle que je pourrais aussi te ramener dans ton cimetière.

— Je ne peux pas m’en empêcher. C’est sale, ça sent le moisi et les murs ruissellent quand il pleut. Sans parler de l’humidité qui fait friser mes cheveux.

— Pauvre toi. On restera là jusqu’à ce qu’on puisse faire sortir Barrett d’Arkansas pour l’emmener là où personne ne le cherchera jamais.

— Et c’est où, ça ?

— Nulle part dans le coin. Trop de métamorphes savent à quoi il ressemble. On doit sortir des États du Sud.

— Pourquoi pas New York ? proposa Ella d’un air excité. Je n’y suis jamais allée.

— Putain, non. Barrett détesterait la ville. Et puis, c’est sur la côte Est. Il vient de Caroline du Sud. Ou peut-être de Caroline du Nord. Merde, je confonds toujours les deux.

— Ooohhh ! J’adorerais habiter en Caroline du Sud. Il paraît que Charleston est une ville charmante.

Barrett fronça les sourcils ; du moins, il le fit dans sa tête. Il n’était pas sûr que son visage puisse faire le moindre mouvement.

— Non, pas Charleston, dit sèchement Ryker.

Barrett se détendit. Ryker avait raison. Aller à Charleston serait une terrible erreur. Sa famille était originaire de là-bas ; quelqu’un le reconnaîtrait sûrement. Non, mieux valait partir ailleurs. Très, très loin d’ici.

— Et en Californie ? demanda Ella.

— Non, soupira Ryker. Il nous faut un endroit entouré de nature. Il y a plein de coins où les gens ne s’intéressent pas trop à leurs voisins.

— Le Missouri, alors.

— Ouais, mais le Missouri est un État rebelle. Et tout le monde reconnaîtrait immédiatement Barrett là-bas.

— Donc, tu veux de la nature, des montagnes et des endroits où il pourra s’isoler si nécessaire, résuma-t-elle. C’est l’Alaska, ça.

Barrett se crispa. L’Alaska était sympa à visiter, mais il n’avait aucune envie d’y vivre. Il ne pensait pas réussir à supporter les hivers glacés.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, dit Ryker.

Putain, non. Hors de question, point barre. Si Ryker l’emmenait en Alaska, Barrett le lui ferait payer très cher dès qu’il le pourrait.

— Mais c’est trop loin, murmura Ryker en se parlant à lui-même.

— Je croyais que c’est ce que tu voulais, de la distance. Bon sang, décide-toi, s’impatienta Ella.

Le silence se fit dans la grotte.

— Donne-moi ton téléphone, demanda Ella.

— Pour quoi faire, putain ?

— Je veux savoir ce que j’ai loupé dans le monde réel, répondit la sorcière avec un gros soupir. J’ai l’impression d’être enfermée dans une autre prison loin des vivants, comme ce cimetière.

— D’accord, mais n’appelle personne. C’est compris ?

Barrett ne comprenait toujours pas ce qu’Ella faisait ici. Pourquoi Ryker ne la livrait-il pas au chef de la meute du Mississipi ? Où étaient ses autres Gardiens ? Et bon sang, que se passait-il dans l’État d’Arkansas ? Boudier avait-il pris le pouvoir ? Avait-il tué les autres Gardiens ?

— Et ne t’en sers pas pour regarder des émissions de téléréalité débiles. Si les Gardiens voient ça sur mon téléphone, je vais en entendre parler pendant des années.

La détresse dans la voix de Ryker donna envie de sourire à Barrett. Aucun doute, ils lui feraient vivre un enfer. Il avait hâte de sortir de là pour le balancer aux Gardiens.

Sa gorge se noua. Le désespoir l’envahit.

Même s’il sortait de là, il ne pourrait jamais revenir en Arkansas. Sinon, la vie de Jaxon serait en danger.

Il ne serait plus jamais chef de meute.

La colère et le regret bataillèrent en lui.

Il s’était sacrifié pour la meute. Il devrait être mort, mais une partie de son plan avait dû échouer. Le couteau en argent avait peut-être glissé de sa poitrine quand avait atterri au pied de la falaise. Il était censé être mort, pas paralysé et aussi impuissant qu’un animal blessé. Ils auraient mieux fait de lui planter la lame dans sa cervelle pour le laisser crever avec un peu de dignité.

Il ne parvint qu’à entrouvrir ses paupières, mais il n’avait pas besoin de davantage pour discerner où il se trouvait.

Les murs étaient en pierre, le sol en terre. Des bougies étaient allumées un peu partout dans la grotte, et quelques torches étaient accrochées de chaque côté de l’entrée de leur abri rudimentaire.

Il déplaça légèrement sa tête sur le côté et cligna des yeux. Il était vraiment dans une putain de grotte, ce qui signifiait qu’ils se trouvaient probablement toujours dans le parc de Petit Jean. Là où le Grand Tribunal avait eu lieu.

Ella poussa un cri aigu.

— Bon sang, qu’est-ce qui te prend ? Ton groupe préféré passe en tournée ici, ou quoi ? râla Ryker.

Il grommela dans sa barbe en se penchant pour fouiller dans son sac en cuir.

— Non, idiot. Je regarde des petites maisons à vendre, et il y en a une dans mes prix.

— Tu veux habiter dans une boîte de conserve ? Où est-ce que tu vas mettre toutes les godasses que tu piques ?

Ella ôta une mèche rousse devant ses yeux en réfléchissant.

— Je pourrais acheter deux maisonnettes. Une pour mes chaussures, et l’autre pour moi.

— Et moi ? demanda un chat noir en sortant lentement de l’ombre.

Il s’assit, enroula sa longue queue d’un noir d’encre autour de ses pattes et leva la tête vers la sorcière.

— Où est-ce que je vais vivre ? demanda-t-il.

La bouche d’Ella se tordit en un rictus mauvais.

— Sur le toit.

Un chat parlant. Parfait. Il avait entendu parler des familiers, mais n’en avait encore jamais vu.

— C’est une très mauvaise idée, dit le chat.

Il fit un bond et lui arracha le téléphone des mains d’un coup de patte. L’appareil atterrit par terre avec un bruit sourd.

— Fais gaffe, le chat. C’est mon téléphone, le menaça Ryker d’une voix assassine.

Le chat s’approcha et regarda l’écran.

— Où est cette maison ? Au milieu de nulle part, on dirait.

Ella ramassa le téléphone.

— Dans le Colorado. Ça n’ira pas. C’est trop loin.

Ses épaules s’affaissèrent.

— Qu’est-ce que tu viens de dire ? demanda Ryker en regardant la sorcière d’un air intense.

— J’ai dit que c’était trop loin, répéta Ella en fronçant les sourcils.

— Non, tu as dit que c’était dans le Colorado.

— Ouais, et alors ?

— Alors, c’est loin du Sud. Personne ne connaît Barrett là-bas, et il y a des montagnes, des lacs et assez d’espace pour s’isoler s’il en a envie. C’est l’endroit parfait.

— En plus, le cannabis est légal dans le Colorado, donc si quelqu’un le reconnaît, il sera trop défoncé pour s’en inquiéter, ajouta le chat.

Le Colorado ? Ryker n’envisageait pas sérieusement de l’emmener dans le Colorado ?

Un petit sourire se dessina sur lèvres du Gardien.

— Va pour le Colorado.

Barrett essaya d’ouvrir la bouche pour leur dire ce qu’il pensait de leur idée, mais son corps refusa de coopérer.

Il sentit ses paupières s’alourdir. Ses yeux se fermèrent lentement et il se réenfonça bientôt dans un sommeil sans rêves et sans le moindre espoir en vue.