Extraits

— Je ne sais pas comment tu fais pour ne tomber que sur des cas sociaux, mais tu as un don.

— Elle est mannequin, brillante, drôle …, protestai-je.

— … psychopathe, menteuse, criminelle, et je suppose qu’on ne sait pas tout.

Vingt-quatre ans. Elle m’avait arnaqué, la garce.

Franchement, est-ce que je pourrais, une fois dans ma vie, ne pas flasher sur une fille étrange ? Je veux dire, ce n’est pas trop demander, non ?

D’accord, dans cet antre du paraître, je n’étais pas forcément à mon avantage, je n’aurais pas pu faire la couverture d’un magazine. Mais mettez-moi dans la rue, dans une foule, dans un club, et je ressortais comme quelqu’un d’à peu près beau gosse, avec un peu de répartie, d’autodérision et de coke au fond des poches. Le gendre idéal, en somme.

Il rentra, le front baissé, les mains chargées de ficelle et de scotch épais.

— De la ficelle ? Sérieux ?

— C’est tout ce qu’on a ici, marmonna-t-il. (Une étincelle de colère brilla dans ses yeux, prouvant qu’il lui restait encore un peu de caractère.) Je n’avais pas prévu de devoir ligoter un homme, figurez-vous.

— Ouais, ben ça sert, parfois, d’être prévoyant. Regardez votre femme, vous auriez pu anticiper et divorcer.

— J’ai mis du temps à vous repérer dans cette marée humaine.

— Moussah, c’est le nom que les musulmans donnent à Moïse. La mer Rouge aurait dû s’ouvrir devant toi.

Tania, la blonde de la première sélection, me snoba malgré mes tentatives pour la dérider avec des plaisanteries choisies sur les pays de l’Est. "Qu’est-ce qui est long et dur et qu’une Polonaise reçoit le jour de son mariage ? Un nouveau nom de famille." Cette fille n’avait décidément pas d’humour.

J’avais toujours classé mes potes gays en cinq catégories :

Les Folles qui ponctuent leurs discours de ma chérieee stridents.

Les Prosélytes qui vous expliquent que vous devriez les accompagner dans les backrooms du Dépôt, juste pour voir.

Les Bears qui assument leurs poils et leur goût pour le cuir, cuir, cuir, moustache.

Les Téléramas, qui vous parlent de l’exposition Magritte parce que ceci n’est pas une pipe.

Les Neutres, qu’on ne remarque jamais jusqu’à ce qu’ils vous demandent si vous accepteriez d’être témoin de leur Pacs avec Patrick (le même Patrick dont vous vous méfiiez en pensant qu’il draguait votre copine).

D’un coup d’oeil, je classai Nathan en 70 % neutre, 30 % folle, avec sans doute un soupçon de Télérama. Je me demandai quand Têtu s’inspirerait de mes classifications pour offrir un grand test de l’été à ses lecteurs.

— Tu sais quoi, Mouss, les filles, c’est comme la vodka.

Il me regarda stupidement, le regard encore embrumé de sommeil.

— Quoi, c’est des patates fermentées ?

— Non, mais ça donne vraiment mal au crâne le matin.

— C’est juste que, tu sais, après des années à les fréquenter, je ne comprends toujours pas les filles. Faudra que je te raconte comment ça s’est passé avec Aurélie, d’ailleurs, tu verras qu’elles sont limites des martiennes. C’est les hormones, je suis sûr.

En temps normal, mon ami aurait saisi la perche et cherché à tout savoir sur mon échec sentimental. Là, il se contenta de grogner sourdement. Je n’en continuai pas moins ma brillante démonstration. J’étais capable de miracles en termes de mauvaise foi misogyne.

— Une fille, c’est comme un singe. Ça va attendre de trouver une autre branche avant de lâcher la première. Et c’est peut-être ça qui s’est passé, tout simplement.

Elle ouvrit la porte de sa chambre, et me sourit. L’atmosphère était électrique. Je pouvais sentir la tension sexuelle entre nous. Dans un instant, nous allions nous sauter dessus avec toute l’énergie de deux corps qui se découvrent, et tant pis pour la planche à repasser qui irait voltiger dans un coin, les vêtements sur le sol, la robe de couturier attachée à un cintre et les animaux en peluche qui parsemaient le sofa. Ce soir, j’allais traumatiser Winnie l’Ourson.

J’étais beau comme un abricot, sensuel comme une pêche melba, fier comme un paon, excité comme une comparaison qui ne me venait pas à l’esprit.