Les Mariés de Hong-kong

Sans mot dire, Ralf la dépassa pour lui ouvrir le battant.

Tête haute, elle ne l'attendit pas pour aller appeler l'ascenseur.

— Où as-tu passé la journée ? demanda-t-il comme ils attendaient la cabine.

— Cela ne te regarde pas. Je te l'aurais volontiers expliqué

tout à l'heure mais, vu ton attitude, j'ai changé d'avis.

— Dis-moi au moins avec qui ta étais !

— Non.

Les portes s'ouvrirent. Shaan se glissa dans l'habitacle avant de faire face à Ralf, la mine bravache.

— Ton message disait juste que ta étais partie faire du tourisme en compagnie de nouveaux amis, reprit-il d'un ton coupant.

Elle aurait pu répliquer que son mot à lui était encore plus laconique, mais elle préféra garder un mutisme obtus.

— Quels nouveaux amis? insista-t-il. Silence.

— Où les as-tu rencontrés ?

Pas de réponse. Mais Shaan commençait à perdre sa belle assurance. La colère de Ralf semblait irradier dans toute la cabine.

— S'agissait-il d'un homme?

— Oui ! lança-t-elle avec défi. Un Américain merveil-leusement courtois et attentionné! Gentil, drôle et souriant. On ne peut pas en dire autant de toi !

[...]

— Vas-tu enfin me dire où tu étais aujourd'hui ?

La tête calée au creux de la main, Ralf la contemplait, la mine interrogatrice, alors qu'elle émergeait peu à peu de sa torpeur.

Gentiment, il effleura du doigt sa joue brûlante, dans un geste affectueux qui s'accordait parfaitement avec ce qu'ils venaient de vivre.

Shaan esquissa un sourire languide.

— Pas si tu te remets en colère, le prévint-elle. Je suis trop bien pour me disputer avec toi.

— Je te promets de rester calme.

— Très bien. J'étais avec un Américain prénommé Josh.

Sur sa joue, l'index de Ralf s'immobilisa. Mutine, elle enchaîna :

— Sa femme s'appelle Sadie et ils ont environ soixante-dix ans. Je me suis jointe à leur groupe qui effectuait une visite organisée de l'île et nous avons passé une journée formidable.

Ralf resta silencieux quelques secondes.

— Tu es une fine mouche, déclara-t-il enfin. Tu m'as délibérément fait croire que tu t'étais promenée dans Hong-kong avec un admirateur empressé.

— Tu as promis de ne pas te fâcher, lui rappela-t-elle avec une moue boudeuse.

— C'est vrai.

De nouveau, il lui caressa la joue, puis glissa une mèche de cheveux derrière son oreille. Un éclat étrange s'alluma dans son regard et

Shaan, sans savoir pourquoi, se sentit toute bizarre.