Extraits

"Une seule mèche de ses cheveux avait dépassé. Rien qu'une seule, mais il n'avait suffi que d'un rai de lumière pour que les hommes y perçoivent le reflet bleuté. Elle rageait de n'avoir pas été plus prudente. Quand les hommes avaient vu, ils s'étaient aussitôt élancés à sa poursuite.

Heureusement, ils n’avaient pas vu le collier."

- Ne me refais plus jamais ça.

La personne qui l'avait percutée la serrait avec l'énergie du désespoir. En reconnaissant la voix, elle fondit dans l'étreinte.

Le bras dans son dos, la main dans ses cheveux, le souffle dans son cou. Le rythme palpitant d'une respiration qui s'apaise progressivement. L'enlacement si fort qu'il en devenait presque douloureux.

Setrian la serrait contre lui, comme s'il avait pu traverser son corps.

P. 442 - 443.

Au premier chant de l'oiseau pluie, la nuit s'abattra sur la vie.

Au premier souffle des flots blancs, alors la quête sera aux vents.

Dix prétendantes seront cherchées, si près si loin, alors trouvées.

Seule une des âmes pourra sauver, la vive flamme des grandes contrées.

Au premier chant de l'oiseau de pluie, la nuit s'abattra sur la vie.

Au dernier cri des nouveaux germes, alors la fin mais pas le terme.

Dix prétendantes seront trouvées, si près si loin, alors classées.

Seule une des âmes bien isolée, l'autre pouvoir sera donné.

Au premier chant de l'oiseau pluie, la nuit s'abattra sur la vie.

Combat brûlant, noir et ardent, tempête bleue, rose et argent.

Dix prétendantes seront classées, si près si loin, alors doutées.

Seule une des âmes bien discernée, seule une des âmes alors tranchée.

Au premier chant de l'oiseau pluie, la nuit s'abattra sur la vie.

Un froissement de tissu lui fit rouvrir les yeux. Setrian venait involontairement de faire glisser sa couverture, laissant sa main dépasser. Eriana hésita puis, ne percevant aucun signe de réveil, posa la sienne par dessus. Son cœur manqua un battement lorsque les doigts se resserrèrent sur elle mais il ne bougea pas davantage.

- Elle le sait ? demanda Noric avec un large sourire.

— Comment ça ?

— Est-ce qu’elle le sait ? insista le guérisseur.

— Est-ce que je sais quoi ?

Setrian se décomposa en entendant la voix d’Ériana. C’était la partie dont il n’avait absolument parlé à personne. Et maintenant qu’on lui demandait des explications, il savait exactement pourquoi il avait tu la situation. Il sentit Jaedrin lui donner un léger coup de coude. Il ne pouvait plus reculer.

— Que je ressens un besoin irrésistible de te protéger, avoua-t-il

- Arrête d'être toujours aussi protecteur, lui dit-elle. Je ne sais pas faire la moitié de ce dont tu es capable. Et même si tu avais raison de m'en empêcher, tu n'avais pas besoin de te sacrifier pour avaler ce liquide.

[...]

- Ce n'est pas tant une histoire de sacrifice, dit-il en détournant le regard.

- Une histoire de quoi alors?

Un souvenir lui revint momentanément à l'esprit. Une phrase de Noric qu'elle n'était pas parvenue à interpréter. "Pour lui, il ne s'agit pas seulement de savoir si tu es ou non la prétendante." Peut-être allait-elle enfin entrevoir une réponse. En attendant, le regard de Setrian s'était plongé dans le sien et elle en oublia le liquide argenté, la cellule et les menaces qui pesaient sur eux. Les battements de son coeur résonnaient dans ses oreilles. Setrian inspira très légèrement.

- Ce n'est pas évident?

S'il s'était rapproché à peine plus, elle aurait pu compter les reflets des cristaux de quartz dans ses yeux. Si les conditions avaient été autres, elle se serait avancée. Mais elle se contenta de le fixer, se laissant emporter par le flot bleu. Une étincelle y brilla momentanément. Il savait qu'elle avait compris.

P. 428 - 429.

Il plongea dans ses yeux verts et ne put s'en détacher. Il lui était lié, comme s'il lui appartenait. Pour la première fois, il la voyait vraiment, ils échangeaient réellement ce regard, décuplant au centuple tout ce qu'il avait pu ressentir jusqu'à présent. Puis les lèvres d'Eriana remuèrent et le silence fut brisé par le plus faible des murmures.

Je t'attendrais.

Depuis le début du printemps, neuf apprentis avaient perçu leur prophétie, fournissant au conseil les informations qui permettraient d'identifier neuf femmes parmi la population. Ils devaient en réunir dix, la dixième étant celle de Matheïl. Mais le printemps s'achevait et rien ne lui était encore venu. Son incapacité à percevoir la dernière prétendante le rongeait de l'intérieur.

[...]

Et soudain, son esprit s'évada.

[...]

Instinctivement, son esprit changea aussitôt de point de vue.

[...]

En reconnaissant le signe, Matheïl sentie une bouffée d'excitation l'envahir.

[...]

La prédiction était importante, mais quelque chose lui disait qu'il devrait d'abord en parler à Jaedrin. Le jeune mage était son responsable, il saurait comment procéder.

Matheïl arriva au sixième étage, essoufflé, et se précipita dans l'aile est. Il n'eut pas à frapper longtemps avant que son responsable n'ouvre la porte de sa chambre avec une certaine exaspération. Puis les yeux du mage s'arrondirent en voyant le recueil qui lui était tendu.

- Je l'ai trouvée, réussit à dire Matheïl entre deux respirations. Je l'ai enfin trouvée.

- Tu n’es là que par obligation, alors ? L’idée que tu puisses accomplir quelque chose par toi-même ne t’aura donc jamais effleuré l’esprit ? Même si une prophétie, qui n’est au final qu’un texte écrit dans un livre par un prophète dont on ne connaît même plus le nom, prédit mon éventuelle désignation en tant que… sauveuse de la Friyie – pardonne-moi, je ne trouve pas d’autres termes –, je suis toujours capable de faire mes propres choix ! Et il en va de même pour toi ! Si une prophétie dit que tu dois me pousser dans le vide, là, maintenant, par-dessus ce rocher, ou si un inha contrôle ton bras pour planter ton couteau dans mon ventre, quel serait ton choix ? Tu le ferais ?

— J’en serais incapable ! s’exclama-t-il en acceptant enfin de la regarder dans les yeux.

Prise de court, Ériana recula d’un pas. Elle ne s’était attendue à aucune réponse et encore moins à un tel contenu, sans compter la virulence qu’il y avait mise.

— J’en serais incapable, répéta-t-il à voix basse, apparemment conscient du ton qu’il venait d’utiliser.

Ses yeux miroitaient. De la même façon que chaque fois, elle resta captivée par leur éclat malgré la fureur qui bouillonnait en elle. Les lèvres de Setrian s’entrouvrirent, laissant s’échapper un murmure qu’elle entendit cette fois-ci parfaitement.

— Faut-il une raison à ça