Extraits

Les ombres... c'était grâce à elles qu'au bout d'un chemin obscur et sans fin, nous devinions enfin la clarté.

On croit que le temps guérit les blessures. Mais le temps ne fait que creuser les plaies. On s’habitue à la douleur, elle ne se soigne pas. C’est un mal incurable que vous portez et que vous ne pouvez expliquer.

« Je te filme parce que tu es comme ces bleuets que tu sèmes partout, persuadé de ne pas savoir comment me les offrir. Alors que c’est justement la plus belle façon de le faire. »

« — Doucement, me souffla Jimi.

Sa voix… Mon Dieu, sa voix était tels des rubans ceinturant mes poignets, mes chevilles, m’interdisant le moindre mouvement. Ils ne m’effrayaient pas, ces liens-là. C’était Jimi, il finirait par les retirer. »

« J’attrapai le menton de Jimi.

— Toi, déglutis-je, tu es…

J’inclinai son visage et le penchai lentement, mettant nos cœurs sous tension.

— Tu es…

— Oui ?

Tu es les sourires, les regards, les caresses, les mots, les films, les rires, les tristesses, les chemins, les repos, les hivers, les étés… tu es les matins, les joies, les oreilles, les yeux, les mains, les baisers… tu es ce qui est en moi et qui, une chose après l’autre, a comblé ce vide si profond. Puis, comme ça, un jour, en ouvrant les yeux, après un rêve de Yann, après les tremblements, la peur, la douleur, je me suis rendu compte que le vide n’existait plus. »

« Les yeux de Jimi, c’était mon soleil et je les regardais se lever à l’aube et se coucher, le soir, lorsque mes coups de reins s’éternisaient et qu’il baissait les paupières, rattrapé par le plaisir. »

« Il s’installa sur la seconde chaise longue, celle qui me faisait face, et tourna le dos au panorama.

— Il y a plus de choses à voir derrière toi.

Son œil passa par-dessus l’objectif.

— Non. »

« Il posa les lèvres sur mon cou. Un simple frôlement avant de chuchoter à nouveau :

— Isaac n’aurait pas été capable de rester en forêt, en pleine nuit, pour retrouver une gamine perdue. Il n’aurait pas été capable de passer du temps dans l’arrière-salle de l’Alchemie à parler avec quelqu’un dont tout le monde se méfie. Il n’aurait pas été capable de donner de l’espoir à Chris et pas capable non plus de prendre Lito dans ses bras, pour chasser des ombres. Il n’a jamais su voir à quel point Betty était le cœur de cette ville. Il dédaigne Gil et Arnold. Mon père ne lui a jamais donné de nom. Mes frères le détestent. Et il ne regarde pas mes reportages jusqu’à la fin. Il ne s’endort pas devant, soir après soir.

Lentement… très lentement… il glissa les mains sur mes reins et remonta le long de mon dos, jusqu’à s’accrocher à ma nuque et perdre ses doigts dans mes mèches trop blondes.

— Je n’ai jamais voulu le filmer, Niko. Alors que je n’arrive pas à m’arrêter, dès que je te vois. »

« Jimi posa ses mains sur mes bras, les frotta délicatement. J’avais toujours cru que la délicatesse était réservée aux femmes. Que les hommes seraient toujours incapables d’en faire preuve. Mais Jimi savait l’être. Délicat. Aussi facilement qu’il pouvait partir dans les bois, un fusil à l’épaule, le regard acéré. Il savait dire non, refuser de me donner raison. Et, quelques minutes plus tard, il savait aussi m’enlacer avec tant de facilité qu’il aurait pu faire ça toute sa vie. Me prendre dans ses bras… »

« — J’avais aussi envie de te voir, Jimi, lui avouai-je. J’ai trop souvent envie de te voir.

Je pris une grande inspiration et me relevai, posant ma main libre sur sa nuque.

— Mais je ne peux pas, soufflai-je. Je ne peux pas risquer de me laisser avoir par…

Je caressai sa joue, il tourna la tête pour prolonger cette caresse et je laissai mon doigt courir sur ses lèvres.

— Ce sourire…

Je pris son visage dans mes mains, mes pouces dessinèrent les cernes sous ses yeux.

— Ce regard…

Puis j’empoignai lentement ses cheveux pour l’écarter de moi avant de ne plus pouvoir me retenir de l’embrasser. Si je le faisais, je serais incapable de m’arrêter… Je ne voudrais pas m’arrêter… »