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Extrait

Extrait ajouté par lamiss59283 2012-02-22T11:15:42+01:00

De l'autre côté de l'allée, Harry Bosch jeta un coup d'œil dans le box de son coéquipier et le regarda remettre droit ses piles de feuilles, ôter ses dossiers du milieu de son bureau et, pour finir, ranger dans un tiroir la tasse à café qu'il venait de rincer – son rituel quotidien. Puis il consulta sa montre et s'aperçut qu'il n'était que quatre heures moins vingt. Il eut alors l'impression que, jour après jour, ce rituel, Ignacio Ferras l'entamait une minute ou deux plus tôt que la veille. On n'était que mardi – le long weekend de Labor Day venant à peine de s'achever, la semaine serait courte – et déjà il manœuvrait pour partir avant l'heure. C'était immanquablement un appel de chez lui qui déclenchait son petit numéro. Une femme l'y attendait avec un bambin qui marchait à peine et des jumeaux tout neufs. Elle surveillait la pendule tel le marchand de bonbons les petits gros dans sa boutique. Elle avait besoin de repos et de son mari à la maison pour le goûter. D'habitude, même de l'autre côté de l'allée, même avec les cloisons antibruit d'un mètre vingt qui séparaient les postes de travail de la nouvelle salle des inspecteurs, Bosch entendait les deux bouts de la conversation. Elle commençait toujours comme ceci : « Quand est-ce que tu rentres ? »

Tout enfin rangé dans son box, Ferras regarda Bosch et lança :

─ Je vais filer, Harry. Avant les embouteillages. J'attends des tas d'appels, mais ils ont mon numéro de portable. J'ai pas besoin de rester là à poireauter.

Et de se frotter l'épaule en parlant. Ça aussi, ça faisait partie de son numéro. C'était sa manière à lui de lui rappeler, mais sans le lui dire, qu'il avait pris une balle dans le corps quelques années auparavant et que partir plus tôt, il en avait gagné le droit.

Bosch se contenta de hocher la tête. Le problème n'était pas vraiment de savoir si son coéquipier quittait tôt le boulot ou ce qu'il avait ou n'avait pas gagné. C'était d'être sûr de son attachement à la mission que représente tout travail d'élucidation d'un homicide et si cet attachement existerait encore lorsque enfin ils recevraient le prochain appel. Ferras avait subi neuf mois de soins et de rééducation avant de pouvoir reprendre son service. Mais l'année qui avait suivi cette reprise l'avait vu travailler avec une répugnance qui mettait Bosch à bout de patience. Ferras ne montrait plus aucune ardeur au travail et Bosch en avait assez de l'attendre.

Tout comme il en avait assez d'attendre un nouveau meurtre. Cela faisait quatre semaines qu'ils n'avaient plus d'affaires et la fin de l'été était déjà plus qu'avancée. Aussi sûrement que les vents de Santa Ana descendent des cols des montagnes, il savait qu'un meurtre allait se produire.

Ferras se leva et ferma son bureau à clé. Il ôtait sa veste du dos de son fauteuil lorsque Bosch vit Larry Gandle sortir de son bureau à l'autre bout de la salle des inspecteurs et se diriger vers eux. En sa qualité de plus ancien dans la maison, Bosch avait eu le droit de choisir son box lorsque la brigade des Vols et Homicides avait commencé à quitter un Parker Center bien décrépi pour rejoindre le nouveau Police Administration Building. La plupart des inspecteurs de classe 3 avaient choisi les box dont les fenêtres donnaient sur City Hall. Bosch, lui, avait pris le parti opposé. Il avait cédé la vue à son coéquipier et opté pour le box d'où l'on pouvait observer ce qui se passait dans la salle des inspecteurs. Et là, en voyant approcher le lieutenant, il sut d'instinct que son coéquipier n'allait pas rentrer chez lui en avance.

Dans sa main Gandle tenait un morceau de papier arraché à un carnet et marchait avec un petit sautillement de plus que d'habitude. Pour Bosch, cela voulait dire que l'attente avait pris fin. L'appel était arrivé. Et avec lui le nouveau meurtre. Il commença à se lever.

─ Bosch et Ferras, lança Gandle en arrivant près d'eux, c'est votre tour. J'ai besoin que vous vous attaquiez à une affaire pour le South Bureau.

Bosch vit les épaules de son coéquipier s'affaisser. Il n'en tint pas compte et prit le bout de papier. Puis lut l'adresse qu'on y avait inscrite. South Normandie. Il connaissait.

─ C'est une boutique de vins et spiritueux, reprit Gandle. Un homme à terre derrière le comptoir et la patrouille tient un témoin. C'est tout ce que j'ai. Vous voulez y aller ?

─ Pas de problème, répondit Bosch avant que son coéquipier puisse se plaindre.

Mais ça ne marcha pas.

─ Lieutenant, dit Ferras en se tournant pour montrer la tête de sanglier empaillée au-dessus de la porte de la salle, c'est la brigade spéciale Homicides ici. Pourquoi faudrait-il qu'on prenne une affaire de vol dans une boutique de vins et spiritueux ? Vous savez bien que ce sera un membre de gang et que les mecs du South Bureau pourront boucler le dossier... en tout cas mettre un nom sur le tireur... avant minuit.

Il n'avait pas tort. La brigade spéciale Homicides avait pour tâche d'élucider les affaires complexes. Unité d'élite, elle traquait les dossiers difficiles avec l'adresse sans faille du sanglier qui cherche la truffe dans la boue. Et une histoire de hold-up dans une boutique de vins et spiritueux n'entrait pas vraiment dans ses compétences.

Gandle, dont la calvitie naissante et l'air sévère faisaient de lui le parfait administrateur, écarta les mains en un geste d'absolu manque de sympathie.

─ Je l'ai dit à tout le monde à la réunion de travail la semaine dernière. Cette semaine, on est de renfort pour le South Bureau. Avec tous les autres en formation homicides, ils sont en effectif minimum jusqu'au 14. Ils ont décroché trois affaires pendant le week-end et une ce matin. Bref, ils sont débordés. C'est votre tour et ce vol, c'est pour vous. Point final. D'autres questions ? La patrouille vous attend en bas avec le témoin.

─ C'est bon, patron, dit Bosch, mettant ainsi fin à la conversation.

─ Bien, vous me tenez au courant.

Et Gandle regagna son bureau. Bosch ôta sa veste du dos de son fauteuil, l'enfila et ouvrit le tiroir du milieu de son bureau. Il sortit son carnet de notes en cuir de sa poche revolver et y mit une recharge neuve à la place de l'ancienne. Tout nouveau meurtre avait droit à un bloc neuf. Sa routine à lui. Il regarda l'écusson d'inspecteur gaufré dans le rabat du carnet et remit ce dernier dans sa poche revolver. De fait, la nature de l'affaire le laissait indifférent. Tout ce qu'il voulait, c'était une affaire. C'était comme le reste. À ne plus pratiquer, on perd son mordant. Et ça, il n'en était pas question.

Les mains sur les hanches, Ferras regarda la pendule au-dessus des panneaux d'affichage.

─ Merde, dit-il. Chaque fois !

─ Comment ça, « chaque fois » ? lança Bosch. Ça fait un mois qu'on n'a plus d'affaires.

─ Oui, ben, je commençais à m'y habituer, moi.

─ Oui, ben, si tu ne veux plus travailler aux Homicides, t'as toujours les vols de bagnoles. C'est du neuf heures-cinq heures.

─ Tu parles !

─ Alors allons-y.

Bosch s'engagea dans l'allée et se dirigea vers la porte. Ferras le suivit en sortant son portable pour pouvoir appeler sa femme et lui annoncer la mauvaise nouvelle. En quittant la salle des inspecteurs, les deux hommes tendirent le bras et tapotèrent le sanglier sur le museau pour se souhaiter bonne chance.

2

Bosch n'eut pas besoin de faire la leçon à Ferras en gagnant South L.A. Conduire en silence en tenait lieu. Son jeune coéquipier donnait l'impression de se ratatiner sous la pression de ce qui n'était pas dit et finit par se confier :

─ Ça me rend fou, dit-il.

─ Qu'est-ce qui te rend fou ?

─ Les jumeaux. Ça fait trop de boulot, trop de pleurs. Effet domino garanti. Y en a un qui se réveille, ça fait démarrer l'autre. Et après, c'est l'aîné qui se réveille. Y a plus moyen de dormir et ma femme...

─ Quoi ?

─ Je ne sais pas, elle devient folle. Elle n'arrête pas de m'appeler pour me demander quand je vais rentrer. Alors je rentre et c'est mon tour, je m'occupe des gamins sans arrêt. Le boulot, les enfants, le boulot, les enfants, le boulot, les enfants tous les jours.

─ T'as pensé à une nounou ?

─ On n'a pas les moyens. Pas comme ça marche maintenant. Et on n'a même plus d'heures sup.

Bosch ne savait que dire. Sa fille, Madeline, avait maintenant treize ans et un mois et se trouvait à presque seize mille kilomètres de là. Et il ne s'était jamais impliqué directement dans son éducation. Il ne la voyait que quatre fois par an – deux fois à Hong Kong et deux fois à L.A. –, et ça s'arrêtait là. Quel conseil pouvait-il légitimement donner à un père à plein temps qui, lui, avait trois enfants, dont des jumeaux ?

─ Écoute, je ne sais pas quoi te dire. Tu sais que je te couvre. Je ferai ce que je pourrai quand ce sera possible. Mais...

─ Je sais, Harry. Et j'apprécie. C'est juste la première année avec les jumeaux, tu vois ? Ça sera nettement plus facile quand ils seront un peu plus grands.

─ Oui, mais ce que j'essaie de te dire, c'est qu'il y a peut-être plus que les jumeaux. C'est peut-être toi, Ignacio.

─ Moi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

─ Qu'il s'agit de toi. Que tu as peut-être repris trop tôt... Tu y as pensé ?

Ferras rougit et ne répondit pas.

─ Hé, des fois ça arrive, dit Bosch. On prend une balle et on se dit que la foudre pourrait frapper deux fois.

─ Écoute, Harry, je sais pas quel genre de conneries tu me sers, mais je me trouve bien comme ça. Pas de problèmes. Il s'agit seulement d'un manque de sommeil et du fait que je suis tout le temps crevé et incapable de rattraper les trucs parce que ma femme me pèle le cul dès que j'arrive à la maison, d'accord ?

─ Comme tu veux, mec.

─ C'est ça même, mec. C'est comme je veux. Crois-moi, ce qu'elle me balance me suffit. J'ai pas besoin que tu t'y mettes, toi aussi.

Bosch acquiesça d'un signe de tête et l'on en resta là. Il savait quand lâcher le morceau.

L'adresse que leur avait donnée Gandle se trouvait dans le soixante-dixième pâté de maisons de South Normandie Avenue. Soit à quelques rues à peine du tristement célèbre croisement des avenues Florence et Normandie, où quelques unes des plus horribles images des émeutes de 1992 avaient été prises par les hélicos des chaînes de télé et diffusées dans le monde entier. Il semblait bien que pour beaucoup ce soit l'image de Los Angeles qui leur restait.

Mais Bosch se rendit vite compte qu'il connaissait le coin et la boutique où ils devaient se rendre à cause d'une autre émeute et pour une raison différente.

Un périmètre de sécurité avait déjà été mis en place autour du magasin Fortune Liquors. Un petit nombre de badauds s'était rassemblé, mais dans ce quartier un meurtre n'avait rien d'extraordinaire. On avait déjà vu... et bien des fois. Bosch rangea la berline au milieu de trois voitures de patrouille. Puis il alla chercher sa mallette dans le coffre, ferma ce dernier et se dirigea vers le ruban jaune.

Ferras et lui donnèrent leurs noms et numéros d'écusson à l'officier chargé de noter les allées et venues, et ils passèrent sous le ruban. Alors qu'il s'approchait de la porte du magasin, Bosch glissa la main dans la poche droite de sa veste et en ressortit une pochette d'allumettes. Vieille et fatiguée, cette pochette. Sur le rabat on pouvait lire « Fortune Liquors », avec l'adresse du petit bâtiment jaune qu'ils avaient devant eux. Il ouvrit la pochette d'un coup de pouce. Il n'y manquait qu'une allumette et la devise agrémentant chaque rabat de pochette était, pour celle-ci :

Heureux celui qui sait trouver refuge en lui-même.

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