Extrait

(Anae & Fadlan)

Après une longue inspiration, je les ouvris et rencontrai aussitôt les prunelles bleu pâle du Tigre.

- Tu vas rester avec moi ? lui demandai-je.

On aurait cru entendre une petite fille apeurée... Cela généra une étrange émotion chez le Thérianthrope qui parut déstabilisé et quand ses yeux se baissèrent sur le pan de son gilet de cuir noir que j'agrippais, le phénomène s'amplifia.

Comme si cela pouvait le retenir ! Pourtant mes doigts, de leur propre volonté, s'enfoncèrent dans le tissu épais.

Lentement, Fadlan releva la tête pour de nouveau plonger en moi deux bouleversantes aigues-marines.

- Je veux juste te l'entendre dire. Même si tu ne le penses pas.

Mon cœur fit des ratés.

- Quoi donc ?

Une lueur turquoise vint illuminer les yeux du Thérianthrope, l'effet était quasi-hypnotique dans l'obscurité de notre cachette. Je pouvais clairement entendre sa respiration bruyante, rauque, dans le silence anormal régnant autour de nous.

- Que je suis le seul et l'unique. Pour l'éternité.

Mon palpitant s'emballa dans une course folle.

- Fadlan, je...

- Dis-le juste.

Je restai muette... Trop d'hommes m'avouaient leurs sentiments ces derniers temps, j'étais complètement paumée. Cependant... Fadlan était un cas à part.

Le Tigre-garou pencha son visage jusqu'à ce que son front touche le mien.

- S'il te plaît, me supplia-t-il avec une voix que je ne lui connaissait pas. S'il te plaît... s'il te plaît.

Des larmes roulèrent sur mes joues, je m'en aperçus seulement lorsque l'une d'elles vint mourir sur mes lèvres en y déposant une saveur salée.

- Fadlan, tu es...

Je ravalai une énorme boule émotionnelle, si compacte, si dure, qu'elle empêchait l'air d'entrer normalement dans ma gorge.

-Fadlan, tu es le seul et l'unique. Pour... l'éternité.

Il enfouit son nez dans mon cou, et je les sentis... de fines et tristes rivières froides glissant contre ma peau. Ses bras encerclèrent ma taille dans une étreinte brutale et désespérée.

- Un jour, commença Fadlan, d'une voix étouffée, un jour j'ai fait un rêve fou. Toi et moi, sur la terrasse de notre maison à admirer le coucher de soleil. Nous avions des chats... des enfants. Ils te ressemblaient, ils... me ressemblaient aussi. Je crois... je crois que c'était mon plus beau songe. Un maître des Rêves prit au piège de sa propre illusion.

Mon cœur se déchira.

Oui, je pouvais le sentir saigner.

Que se passait-il ?

Je ne comprenais pas pourquoi Fadlan me faisait une telle déclaration maintenant et cela me terrorisait.

Une douleur effroyable me ravageait.

Le Tigre se détacha lentement de moi, un doux sourire triste sur les lèvres, puis il pencha la tête sur le côté avant de caresser délicatement ma joue mouillée de larmes.